Trump face à l’Afrique du Sud : solidarité avec les Afrikaners ou volonté d’humilier un allié de la Palestine ?
Ce qui devait être une rencontre diplomatique pour apaiser les tensions entre les États-Unis et l’Afrique du Sud s’est transformé en un affrontement inattendu. Lors d’une conférence de presse conjointe à la Maison-Blanche, Donald Trump a surpris son homologue sud-africain, Cyril Ramaphosa, en évoquant de manière spectaculaire et non fondée un prétendu « génocide » visant les fermiers blancs en Afrique du Sud. Diffusant une vidéo troublante et commentant des images sorties de leur contexte, Trump a mis Ramaphosa sur la défensive, brouillant le message initial de coopération.
Derrière cet épisode controversé, une question mérite d’être posée : quelles sont les véritables motivations de Trump ? Est-il sincèrement préoccupé par la situation des Blancs sud-africains, influencé par son admiration pour Elon Musk, d’origine sud-africaine ? Ou s’agit-il d’une tentative délibérée d’humilier un pays africain qui a osé défier Israël devant la Cour internationale de justice ?

L’asile des Afrikaners : geste humanitaire ou provocation politique ?
La scène de la Maison-Blanche s’inscrit dans un contexte déjà tendu. Quelques jours avant la visite de Ramaphosa, Washington a accordé le statut de réfugié à 59 Sud-Africains blancs, appartenant pour la plupart à la communauté afrikaner. Un geste interprété à Pretoria comme un affront, voire une provocation raciale à peine voilée.
Ce geste symbolique s’accompagnait d’un récit construit depuis des années par des groupes d’extrême droite, principalement américains, selon lequel les Blancs en Afrique du Sud seraient victimes d’une persécution systémique. Bien que cette théorie ait été maintes fois démystifiée – y compris par les autorités sud-africaines et des instances judiciaires locales – Trump a choisi de la ressusciter devant les caméras du monde entier.
Un piège diplomatique savamment orchestré ?
D’après plusieurs analystes et diplomates, l’embuscade était soigneusement planifiée. L’ancien ambassadeur américain en Afrique du Sud, Patrick Gaspard, a qualifié l’épisode d’« humiliant » et a déclaré qu’il s’agissait d’une tentative délibérée d’embarrasser Ramaphosa sur la scène internationale.
Cette offensive médiatique contre le président sud-africain n’est pas anodine. Elle intervient alors que l’Afrique du Sud a intenté une action en justice contre Israël pour génocide devant la Cour internationale de justice, s’attirant les foudres de Tel-Aviv… et de ses alliés. Pour Trump, farouchement pro-israélien, cet engagement sud-africain constitue une ligne rouge franchie.
Ainsi, ce qui fut présenté comme une préoccupation pour les droits humains n’était probablement qu’un prétexte. L’objectif réel semblait être de délégitimer un gouvernement africain audacieux, et de le présenter comme incapable de protéger ses minorités — quitte à falsifier les faits.
Et Elon Musk dans tout ça ?
Un autre élément intrigue : la possible influence d’Elon Musk. Le milliardaire d’origine sud-africaine, très proche idéologiquement de certaines franges conservatrices américaines, a lui-même évoqué par le passé des inquiétudes quant à la situation des fermiers blancs. Trump, admiratif de Musk et en quête constante de symboles médiatiques, aurait-il voulu se positionner en défenseur du “peuple” d’Elon Musk ? Il n’existe pas de preuve directe d’un lien, mais la coïncidence soulève des interrogations.
Réforme agraire et souveraineté sud-africaine : le cœur du malaise
Au-delà du théâtre médiatique, une réalité plus profonde dérange Washington : la réforme foncière sud-africaine. La loi récemment promulguée par Ramaphosa, permettant la redistribution de terres sans compensation dans certains cas, remet en cause des privilèges fonciers hérités de l’apartheid. Cette mesure, bien que encore symbolique, représente un geste fort en faveur de la justice historique et économique.
Trump, qui a souvent utilisé le langage du « droit à la propriété » pour défendre les intérêts des élites, a trouvé dans ce débat une autre opportunité de dénoncer ce qu’il considère comme une menace à l’ordre capitaliste traditionnel — d’autant plus quand cette menace vient d’un pays africain noir voulant redistribuer des terres possédées majoritairement par des Blancs.
Conclusion : une offensive néocoloniale déguisée ?
Ce qui s’est joué à la Maison-Blanche dépasse largement le sort des fermiers blancs sud-africains. Il s’agit d’un bras de fer géopolitique, où Trump a tenté de réaffirmer une certaine forme de domination occidentale sur les pays du Sud, en particulier ceux qui refusent de se plier aux injonctions des grandes puissances. L’Afrique du Sud, en affichant son soutien à la Palestine, en promouvant une réforme foncière nationale, et en affirmant son autonomie diplomatique, a été perçue comme une cible à abattre.
En somme, cette confrontation illustre une fois de plus la manière dont certaines puissances utilisent les droits humains de manière sélective, comme arme politique, et rarement comme principe universel.
Par Belgacem Merbah
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