Le sud de la France a été secoué par un acte d’une violence inqualifiable : le meurtre d’Aboubakar, un jeune Malien, froidement assassiné à l’intérieur d’une mosquée, lieu censé incarner la paix et le recueillement. Cet acte ignoble, qui s’inscrit dans une montée inquiétante de l’islamophobie, a provoqué une onde de choc parmi les musulmans de France, lassés de subir des agressions et une stigmatisation grandissantes sans véritable réaction de la part des autorités.
Un climat délétère savamment entretenu
Depuis plusieurs années, un climat d’insécurité vise spécifiquement les citoyens musulmans. Les discours anxiogènes, diffusés en continu par certaines chaînes d’information devenues de véritables relais de l’extrême droite, attisent la haine et légitiment, dans l’inconscient collectif, les passages à l’acte violents. Le meurtre d’Aboubakar est perçu comme l’aboutissement tragique de cette mécanique infernale : une atmosphère pesante alimentée par des propos racistes banalisés dans les médias et soutenus, directement ou indirectement, par une classe politique de plus en plus complaisante à l’égard de la xénophobie.
Le président de l’Observatoire de lutte contre l’islamophobie, Abdallah Zekri, n’a pas mâché ses mots. Il dénonce vigoureusement ceux qui “pavent la voie devant les apologistes du crime et qui placent une cible dans le dos de chaque musulman”. Sa colère vise également l’absence des autorités sur les lieux du drame, en particulier celle du préfet, dont l’inaction est vécue comme un mépris insupportable pour une communauté meurtrie.
L’indifférence des autorités et la lassitude des victimes
Le recteur de la mosquée de la Paix, à Nîmes, a fait part de son inquiétude face à la possibilité que ces actes terroristes se multiplient. À ses yeux, tant que la campagne islamophobe se poursuivra sans intervention sérieuse de l’État, le risque de voir d’autres drames survenir restera élevé. Une collecte a été organisée pour rapatrier le corps d’Aboubakar au Mali, geste de solidarité face à l’horreur mais aussi symbole de l’abandon ressenti par de nombreux musulmans en France.
Les musulmans de France reçoivent des “dizaines et des dizaines” de menaces, selon Abdallah Zekri, mais l’absence de suites judiciaires les a poussés à cesser de les signaler. Ce constat d’impuissance et d’isolement ne fait que renforcer leur amertume et leur détermination à se faire entendre.
Une mobilisation qui marque un tournant
Le meurtre d’Aboubakar ne sera pas un simple fait divers destiné à sombrer dans l’oubli : c’est la promesse faite par les musulmans de France, qui ont organisé une marche à La Grand-Combe en hommage à la victime. Un appel à un grand rassemblement contre l’islamophobie a également été lancé pour le 27 avril, place de la République à Paris. L’objectif est clair : exiger justice, dénoncer l’impunité des discours haineux et appeler à un véritable sursaut républicain contre le racisme systémique.
Ce drame pourrait marquer un tournant décisif. La communauté musulmane, forte de sa diversité et de son enracinement dans la société française, semble déterminée à ne plus se laisser marginaliser ni criminaliser en silence. Le vice-président du Conseil français du culte musulman (CFCM) l’a rappelé : les appels à poursuivre les propagateurs de haine n’ont jamais été entendus, jusqu’à ce que l’inaction coupable des pouvoirs publics aboutisse au meurtre d’Aboubakar, au cœur même d’un lieu de culte.
Face à l’indifférence, la mobilisation. Face à la haine, la dignité. Les musulmans de France ont choisi de dire : assez.
Par Belgacem Merbah
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