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Algérie 2027 : le pari d'une diversification économique durable

Le 18 avril 2025, la Banque mondiale a publié un article éclairant intitulé « Comment l’Algérie façonne son avenir économique », dressant un tableau nuancé mais résolument optimiste de la transformation économique en cours dans le pays. Longtemps perçue comme une économie mono-exportatrice, tributaire des hydrocarbures, l’Algérie semble aujourd’hui s’engager dans un tournant historique. En ligne de mire : un objectif ambitieux fixé par le président Abdelmadjid Tebboune — atteindre un Produit Intérieur Brut de 400 milliards de dollars à l’horizon 2027.

Une dynamique de diversification en marche

Les chiffres avancés par la Banque mondiale sont révélateurs : les exportations hors hydrocarbures ont été multipliées par trois depuis 2017, atteignant 5,1 milliards de dollars en 2023. Bien qu’elles ne représentent encore que 2 % du PIB, elles témoignent d’un changement de paradigme : l’économie algérienne commence à s’extirper de sa dépendance structurelle au pétrole et au gaz.

Parmi les produits les plus exportés figurent désormais les engrais, les produits sidérurgiques et le ciment. Cette évolution n’est pas le fruit du hasard, mais celui d’une stratégie soutenue par une série de réformes structurelles, telles que l’instauration du Système communautaire portuaire algérien (APCS), qui a digitalisé et fluidifié les échanges commerciaux dans les ports du pays, ou encore la mise en œuvre de la loi sur l’investissement de 2022, facilitant l'accès aux incitations fiscales et simplifiant les démarches administratives via la nouvelle Agence Algérienne de Promotion de l’Investissement (AAPI).

L’apport technique et institutionnel de la Banque mondiale

L’assistance de la Banque mondiale s’est révélée précieuse, tant sur le plan technique que stratégique. Elle a permis le renforcement du secteur agricole, notamment par l’exportation de produits frais et le développement de chaînes de valeur autour du cuir, du liège et de la mécanique de précision. Le soutien à l’Organisme Algérien d’Accréditation (ALGERAC) a permis de porter le nombre de laboratoires accrédités de 77 à 135 en seulement trois ans, une avancée majeure pour l’accès aux marchés internationaux.

Le rôle de l’APCS a été salué comme un « tournant » par Meriem Ait Ali Slimane, économiste principale à la Banque mondiale, en raison de son impact transformateur sur le commerce algérien. Quant à l’AAPI, elle a modernisé la relation entre l’État et les investisseurs, en instaurant une plateforme numérique d’intermédiation.

Les défis structurels à surmonter

Malgré ces progrès tangibles, des zones d’ombre subsistent. La faible productivité du tissu économique, les lourdeurs bureaucratiques persistantes, et la dépendance à des secteurs à forte intensité carbone (notamment les engrais et le ciment) menacent la durabilité des avancées. L’entrée en vigueur du Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (CBAM) en Europe pourrait éroder la compétitivité de certaines exportations algériennes si les processus industriels ne sont pas rapidement « verdies ».

La Banque mondiale recommande à ce titre une stratégie triptyque :

  1. Tarification du carbone,

  2. Diversification des marchés d’exportation,

  3. Investissements ciblés dans les énergies renouvelables et les TIC.

Une prospective économique à l’horizon 2027

À l’aube de cette grande transformation, une question centrale demeure : l’Algérie peut-elle atteindre les 400 milliards de dollars de PIB d’ici fin 2027, comme l’a promis le président Tebboune ?

Avec un PIB avoisinant les 206 milliards USD en 2023 (selon la Banque mondiale), atteindre un doublement en quatre ans exigerait une croissance annuelle moyenne de près de 18 %, un taux qui, bien que spectaculaire, n’est pas totalement irréaliste dans un contexte de rattrapage économique, d’investissement massif et de hausse des prix des matières premières.

Cependant, cela dépendra de plusieurs leviers :

  • La capacité à capter les Investissements Directs Étrangers (IDE) dans des secteurs à fort potentiel comme les énergies vertes, les industries de transformation, l’agroalimentaire ou le numérique.

  • L’intégration régionale, notamment via la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF), qui pourrait offrir à l’Algérie un marché de plus d’un milliard de consommateurs.

  • L’adaptation rapide aux normes environnementales mondiales, notamment pour préserver la compétitivité de ses exportations industrielles.

  • La stabilisation du cadre réglementaire et monétaire, pour rassurer les investisseurs et renforcer la confiance des partenaires commerciaux.

Conclusion

L’économie algérienne est à la croisée des chemins. Entre passé rentier et avenir productif, elle dispose aujourd’hui des outils et de l’élan nécessaires pour réussir sa mue. Mais la course vers un PIB à 400 milliards USD ne sera ni linéaire ni sans embûches. Ce défi, à la fois économique, institutionnel et écologique, exigera un pilotage stratégique fin, des réformes courageuses et une vision claire, résolument tournée vers l’innovation, la durabilité et l’inclusion.

Le port d’Alger, autrefois symbole de la dépendance énergétique, devient peu à peu celui de la résilience économique. Et sous les grues modernes, entre les caisses de dattes et les bobines d’acier, se dessine peut-être — enfin — le vrai visage de la souveraineté économique algérienne.



Par Belgacem Merbah


Sources :

  • Banque mondiale (2025), Comment l’Algérie façonne son avenir économique

  • Banque mondiale Data, Algérie - Indicateurs macroéconomiques

  • Gouvernement algérien, Loi sur l’investissement 2022

  • Observatoire des Économies Africaines, ZLECAF et intégration régionale : enjeux pour l’Algérie

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