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Algérie – France : Le commerce, dernier rempart d’une relation en crise

Depuis plusieurs années, les relations diplomatiques entre l’Algérie et la France traversent une période de fortes turbulences. Entre tensions mémorielles, divergences géopolitiques et déclarations politiques tranchantes, le dialogue semble avoir atteint un point mort. Pourtant, un domaine résiste encore aux secousses : le commerce.

En 2024, les échanges commerciaux entre les deux pays ont atteint 11,1 milliards d’euros, contre 11,6 milliards en 2023, selon les Douanes françaises. Ce léger recul témoigne d’un ralentissement, mais pas d’un effondrement, preuve que l’interdépendance économique entre Paris et Alger demeure un facteur stabilisateur.

Pourtant, ce dernier rempart pourrait à son tour vaciller. L’institut Xerfi, spécialisé dans l’analyse économique, met en garde contre le risque d’une guerre commerciale, aux conséquences lourdes pour les deux parties. Si le conflit politique s’intensifie, le commerce pourrait ne plus suffire à préserver ce qui reste d’une relation fragilisée.

Le gaz algérien : Une dépendance française sous-estimée ?

Le gaz naturel liquéfié (GNL) est au cœur des échanges entre l’Algérie et la France. En 2023, l’Hexagone a importé 4,28 milliards de mètres cubes de GNL algérien, soit 14 % de ses besoins en gaz. En 2024, cette part est montée à 18 %, preuve de la place grandissante du gaz algérien dans la stratégie énergétique française.

L’analyste Philippe Gattet, expert chez Xerfi, explore différents scénarios en cas d’arrêt des livraisons algériennes :

  • Si Alger cessait uniquement les ventes sur le marché spot, l’impact serait contenu, car la France pourrait compenser par des achats de GNL américain, avec un surcoût modéré de 68 millions d’euros.
  • En revanche, si l’Algérie décidait de suspendre ses contrats de long terme, l’impact serait bien plus sévère : la France subirait un surcoût de 1,25 milliard de dollars, une somme qui, bien que « absorbable », pèserait sur son économie.

Depuis la crise énergétique déclenchée par la guerre en Ukraine, la France a prouvé sa capacité de diversification en remplaçant le gaz russe par d’autres sources (Norvège, Qatar, États-Unis). Cependant, si une rupture avec Alger venait à se produire, elle nécessiterait une réorganisation coûteuse, avec un impact certain sur les prix de l’énergie.

Le pétrole algérien, un enjeu secondaire

Contrairement au gaz, le pétrole algérien est moins stratégique pour la France. Les experts estiment que les exportations algériennes en hydrocarbures liquides sont facilement remplaçables par des sources alternatives, comme la Libye, les États-Unis ou l’Afrique de l’Ouest.

Un commerce marqué par un déséquilibre croissant

Bien que la relation économique entre la France et l’Algérie soit ancienne et stratégique, elle repose sur une asymétrie croissante.

Un marché clé pour la France en Afrique, mais marginal à l’échelle mondiale

L’Algérie représente 16,6 % des exportations françaises vers l’Afrique, ce qui fait du pays un partenaire commercial clé sur le continent. Pourtant, cette importance régionale cache une réalité plus nuancée : à l’échelle du commerce extérieur français global, l’Algérie ne représente que 0,8 % des échanges.

Ainsi, même si la France conserve une présence commerciale forte en Algérie, l’impact d’une éventuelle crise commerciale serait relativement limité pour l’économie française dans son ensemble.

Un déficit commercial qui s’aggrave pour la France

Depuis 2021, la balance commerciale entre les deux pays se détériore au détriment de la France. En 2024, le déficit commercial français avec l’Algérie s’élève à 1,5 milliard d’euros, principalement en raison de l’explosion des importations d’hydrocarbures.

  • 79,2 % des exportations algériennes vers la France sont constituées de gaz et de pétrole.
  • En revanche, les exportations françaises vers l’Algérie sont davantage diversifiées : elles incluent des produits pharmaceutiques, des automobiles et des machines industrielles.

Si une guerre commerciale venait à éclater, les entreprises françaises pourraient perdre un marché clé en Afrique, tandis que l’Algérie verrait l’un de ses principaux clients énergétiques se tourner vers d’autres fournisseurs.

L’hypothèse d’une guerre commerciale : une menace crédible ?

L’analyse de Xerfi met en avant un scénario redouté : une guerre commerciale ouverte entre Alger et Paris. Celle-ci pourrait prendre plusieurs formes :

  • Restrictions sur les exportations d’hydrocarbures : l’Algérie pourrait décider de réduire ou suspendre ses ventes de GNL à la France pour exercer une pression politique.
  • Frein aux investissements français en Algérie : des mesures pourraient être prises pour entraver l’accès des entreprises françaises au marché algérien.
  • Barrières douanières et réglementaires : des restrictions administratives pourraient être imposées aux importations françaises, rendant plus difficile l’entrée des produits hexagonaux sur le marché algérien.

Cependant, une rupture totale semble peu probable à court terme. En effet, aucune des deux parties n’a intérêt à une escalade brutale :

  • Pour la France, l’Algérie reste un fournisseur énergétique stratégique, qu’il serait coûteux de remplacer immédiatement.
  • Pour l’Algérie, la France demeure un partenaire commercial et technologique important, et une crise prolongée pourrait freiner ses besoins en importations de biens industriels et médicaux.

Une relation sous pression, un avenir incertain

Alors que la diplomatie est à l’arrêt, le commerce entre la France et l’Algérie résiste encore, mais pour combien de temps ? Dans un contexte international marqué par une géopolitique de plus en plus tendue, les relations économiques ne sont plus à l’abri des rivalités politiques.

L’avenir de cette relation dépendra de la capacité des deux pays à dépasser leurs différends pour préserver des intérêts communs. En attendant, le commerce reste le dernier pont entre Paris et Alger, un pont fragile, menacé par les tempêtes diplomatiques.


Belgacem Merbah

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