Crise diplomatique entre la France et l’Algérie : la menace sur les accords de 1968, un coup d’épée dans l’eau qui pourrait précipiter la rupture
La tension entre la France et l’Algérie atteint un point critique. En annonçant la volonté de réviser les accords de 1968 sur l’immigration, le Premier ministre français, François Bayrou, adopte une posture menaçante qui pourrait bien se retourner contre lui. Cette initiative, qui s’inscrit dans une volonté politique interne plus que dans une véritable stratégie diplomatique, risque non seulement de provoquer une réaction algérienne plus radicale que prévu, mais aussi d’exposer la fragilité des relations franco-algériennes.
Loin d’être un levier de pression sur Alger, la révision de ces accords s’apparente à un coup d’épée dans l’eau. En effet, ils ne confèrent plus aucun avantage substantiel aux Algériens, contrairement à ce que prétendent certains responsables politiques français. L’Algérie pourrait donc non seulement refuser tout compromis, mais aussi prendre l’initiative d’une rupture brutale, infligeant ainsi un revers inattendu à la France.
Les accords de 1968 : une coquille vide vidée de sa substance
François Bayrou et l’extrême droite française présentent les accords franco-algériens de 1968 comme un « passe-droit » injustifié, accordant des avantages excessifs aux Algériens. Pourtant, cette lecture des faits est erronée et relève davantage d’un discours populiste que d’une analyse rigoureuse.
Signés en 1968 et modifiés à trois reprises (1985, 1994 et 2001), ces accords ont progressivement été vidés de leur substance. Aujourd’hui, ils ne confèrent que quelques ajustements procéduraux mineurs aux Algériens en France :
Un titre de séjour plus rapide, mais non automatique : Contrairement à l’idée reçue, les Algériens ne bénéficient pas d’un droit automatique au séjour en France. Certes, les accords prévoient une procédure spécifique pour les titres de séjour, mais ces derniers restent soumis à des critères de régularité et de ressources.
Un cadre spécifique, mais pas plus avantageux : En pratique, les règles d’installation des Algériens en France ne sont pas plus souples que celles imposées aux autres étrangers. Les visas restent obligatoires, les conditions de regroupement familial sont similaires à celles des autres nationalités, et le contrôle administratif demeure strict.
Un permis de travail légèrement plus accessible : Les Algériens souhaitant travailler en France peuvent obtenir un titre de séjour avec une relative facilité, mais cela n’a plus d’impact significatif dans un marché du travail de plus en plus restreint et protectionniste.
Ainsi, l’accord de 1968 est loin d’être un privilège, et sa suppression ne représenterait pas un changement majeur pour les Algériens vivant en France. De fait, il n’est plus qu’une coquille vide, comme l’a affirmé le président Abdelmadjid Tebboune lors de son entretien avec L’Opinion en février dernier.
Un ultimatum sans effet : l’Algérie ne cède pas aux menaces
François Bayrou a annoncé que la France donnerait à l’Algérie un délai d’un mois et demi pour renégocier ces accords. Cet ultimatum, formulé publiquement au lieu d’être discuté dans un cadre diplomatique, est une erreur stratégique majeure.
L’Algérie a toujours refusé les injonctions de la France. Historiquement, chaque tentative de Paris d’imposer un rapport de force s’est soldée par un échec. C’est une constante dans les relations bilatérales : lorsque la France cherche à dicter ses conditions, l’Algérie répond par un rejet catégorique, voire par une escalade.
L’ancien ambassadeur français en Algérie, Xavier Driencourt, avait déjà mis en garde contre une éventuelle remise en cause de ces accords, soulignant qu’une telle initiative pourrait mener à une rupture complète des relations diplomatiques. Or, depuis plusieurs mois, les tensions entre Paris et Alger se sont déjà fortement aggravées.
En adoptant une posture arrogante et menaçante, François Bayrou ne fait qu’exacerber cette crise et encourager Alger à une réponse encore plus ferme. L’Algérie pourrait ainsi refuser toute discussion et prendre l’initiative de suspendre immédiatement ces accords, plaçant la France face à ses propres contradictions.
Une menace visant l’opinion publique française, plus que l’Algérie
Pourquoi François Bayrou a-t-il brandi cette menace alors qu’il sait pertinemment qu’elle est inefficace ? La réponse est simple : ce discours ne s’adresse pas à l’Algérie, mais à l’opinion publique française.
Face à la montée en puissance des discours anti-immigration en France et à la pression de la droite et de l’extrême droite, le gouvernement cherche à montrer qu’il agit avec fermeté. En ciblant l’Algérie, il tente de donner l’illusion qu’il contrôle les flux migratoires et qu’il met un terme aux « passe-droits » supposés.
Cette mise en scène vise avant tout à rassurer un électorat inquiet et à neutraliser les critiques venues de figures radicales comme le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau. Mais ce calcul politicien est dangereux, car il repose sur une méconnaissance totale des dynamiques diplomatiques algériennes.
Une riposte algérienne qui pourrait être sans précédent
Si la France croit pouvoir exercer une pression sur l’Algérie avec cette menace, elle risque d’être surprise par la réaction d’Alger. Le gouvernement algérien, qui considère déjà les dernières décisions françaises comme des provocations, pourrait choisir de répondre avec une radicalité inédite.
Plusieurs mesures pourraient être prises :
- Suspension immédiate des accords de 1968, sans attendre la révision proposée par la France.
- Restrictions drastiques sur les visas accordés aux Français, notamment aux hommes d’affaires et aux diplomates.
- Réduction des coopérations économiques et commerciales avec la France, en faveur d’autres partenaires comme la Chine, la Russie ou la Turquie.
- Refus de toute collaboration sur la question des expulsions de clandestins, compliquant encore davantage la gestion migratoire française.
En choisissant la confrontation au lieu du dialogue, la France risque donc de se heurter à un mur et d’essuyer un revers diplomatique majeur.
Macron aux abonnés absents, l’Algérie face aux extrémistes français
Pendant que la crise s’envenime, Emmanuel Macron reste silencieux. Invité à s’exprimer par le président Tebboune, il n’a pas donné suite, laissant le champ libre aux figures les plus radicales de son gouvernement, comme Bruno Retailleau.
Ce silence est perçu par Alger comme un aveu d’impuissance. Il témoigne également du désordre qui règne au sein du gouvernement français, où plusieurs lignes s’opposent sur la politique à adopter vis-à-vis de l’Algérie.
En l’absence d’un cadre clair, la relation entre les deux pays s’enfonce dans une spirale de tensions qui pourrait mener à une rupture définitive.
Conclusion : une crise aux conséquences irréversibles ?
La menace de François Bayrou de réviser les accords de 1968 est un coup d’épée dans l’eau, fondé sur une fausse perception des réalités. Ces accords ne confèrent aucun avantage significatif aux Algériens et leur suppression ne changerait rien à la dynamique migratoire actuelle.
L’Algérie, loin d’être intimidée, pourrait bien profiter de cette provocation pour prendre les devants et rompre elle-même ces accords, voire durcir radicalement sa politique à l’égard de la France.
En voulant afficher une posture de fermeté pour des raisons purement électoralistes, la France risque de se retrouver dans une position de faiblesse face à une Algérie qui n’a jamais accepté les diktats. La rupture diplomatique, autrefois inimaginable, est désormais une hypothèse sérieuse.
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