L'Équation Illusoire : Le Sahara Occidental, le MAK et la Faute Stratégique Irrémédiable du Maroc Face à la Mémoire Vivante du Rif
Au cœur des turbulences maghrébines, une fable trompeuse s'est insinuée dans certains discours politiques et médiatiques marocains, prétendant forger une symétrie fallacieuse entre l'engagement inébranlable de l'Algérie en faveur du droit sacré du peuple sahraoui à l'autodétermination et ce qui est osé présenté comme un prétendu « droit » marocain à encourager des ferments sécessionnistes sur le sol algérien, au premier chef ce fantomatique Mouvement pour l'autodétermination de la Kabylie (MAK). Cette équation est non seulement intellectuellement bancale, mais profondément périlleuse, car elle ose confondre une cause de décolonisation universellement reconnue avec une entreprise de subversion identitaire dirigée contre une nation souveraine et millénaire. En accordant son parrainage au MAK, le Maroc a commis une erreur stratégique d'une gravité exceptionnelle, offrant sur un plateau à l'Algérie l'opportunité d'exploiter une faille historique profonde : celle du Rif, terre fière et indomptable qui, à la différence de la Kabylie éternellement fondue dans l'âme algérienne, n'a jamais plié sous l'autorité marocaine et porte en elle la légitimité intacte d'une indépendance jadis proclamée.
Le Sahara Occidental : Cause Juste et Inaliénable, Non Instrument Diplomatique
Le Sahara Occidental n'est point une invention algérienne, encore moins une carte jouée au gré des circonstances. Territoire non autonome inscrit depuis 1963 à l'agenda des Nations Unies, il demeure otage d'un processus de décolonisation inachevé. Le Front Polisario y incarne la voix légitime du peuple sahraoui, dans l'attente du référendum d'autodétermination que commande impérieusement le droit international. L'engagement algérien n'est pas soutien partisan, mais fidélité absolue à un principe fondateur de l'ordre mondial post-colonial : le droit inaliénable des peuples à disposer d'eux-mêmes. Oser assimiler cette position de principe à l'appui apporté à des mouvements factieux au sein d'un État souverain relève d'une perversion délibérée du droit des gens, une tentative vaine de relativiser l'irréductible justice de la cause sahraouie.
Le MAK : Chimère Sans Fondement Face à la Kabylie, Cœur Battant de l'Algérie Une et Indivisible
À l'opposé, le MAK brille par son vide abyssal : aucune reconnaissance internationale, aucun ancrage juridique, aucune représentation d'un peuple colonisé, aucune assise populaire réelle. Classé à juste titre comme organisation terroriste en Algérie pour ses connexions suspectes et ses appels à la déstabilisation, il ne supporte aucune comparaison avec le Polisario. Cette équivalence forcée n'est pas maladresse, mais manœuvre calculée pour justifier une escalade dont les conséquences échappent à tout contrôle.
L'asymétrie devient éclatante lorsqu'on évoque la Kabylie. Contrairement au Rif, cette région berbère n'a jamais connu d'existence séparée de l'ensemble algérien. Depuis les époques ottomane et française jusqu'à la guerre de libération nationale, elle a été le cœur vibrant de la résistance et de l'identité algérienne. Ses aspirations, légitimement culturelles et régionalistes, s'inscrivent dans l'unité indivisible de la Nation, sans jamais porter la moindre légitimité sécessionniste. La Kabylie est l'Algérie, l'Algérie est la Kabylie – une vérité historique que nul ne saurait ébranler.
Franchir la Ligne Rouge : L'Audace Marocaine et la Riposte Algérienne, Mesurée mais Implacable
En offrant soutien politique et médiatique au MAK, le Maroc a délibérément rompu un pacte tacite du Maghreb : celui de ne pas exploiter les fissures internes des États voisins. Ce choix n'était ni imposé ni défensif ; il fut assumé, mais fondé sur une appréciation erronée de ses retombées. Il a contraint l'Algérie – fidèle à sa tradition de retenue stratégique – à une réponse de dissuasion réciproque, d'une élégance froide. L'ouverture d'un bureau de représentation de la République du Rif sur le sol algérien constitue un message d'une clarté cristalline : quiconque transforme les identités en armes géopolitiques ouvre des abîmes dont il ne maîtrise plus les profondeurs. C'est là que réside la capacité de riposte algérienne, subtile mais décisive, exploitant une vulnérabilité que l'adversaire a lui-même mise en lumière.
Le Rif : Terre Rebelle, République Oubliée, Mémoire Inextinguible
Le Rif, cette forteresse montagneuse berbère du nord marocain, porte en lui une histoire d'indépendance farouche. Classé jadis parmi les bilad al-siba, terres où l'autorité des sultans alaouites n'était que nominale, il n'a jamais connu de soumission effective au Makhzen. Ses tribus, organisées en assemblées coutumières, ont défié empires et colonisateurs avec une constance légendaire.
Mohamed ben Abdelkrim El Khattabi, figure tutélaire née en 1882, incarna ce destin. Après une éducation brillante, il passa de la collaboration initiale avec l'occupant espagnol à une rébellion totale face aux exactions coloniales. Unifiant les tribus, il porta le coup décisif à Anoual en 1921, humiliant l'armée espagnole et ouvrant la voie à la proclamation de la République confédérée des Tribus du Rif. Cette république pionnière – première entité issue d'une guerre de libération en Afrique au XXe siècle – se dota d'institutions modernes : gouvernement, armée disciplinée, monnaie, justice réformée. Elle ne naquit pas contre un Maroc mythique, mais en dehors de toute allégeance historique au trône alaouite, dans un espace vierge de domination effective.
Écrasée en 1926 par une coalition franco-espagnole recourant aux armes chimiques les plus abjectes – gaz moutarde largués sur villages et civils –, la République du Rif fut anéantie militairement, puis annexée administrativement par la France au protectorat marocain naissant. L'indépendance de 1956 hérita ainsi de frontières coloniales, non d'une continuité souveraine ancestrale. Les soulèvements rifains de 1958-1959, réprimés dans le sang, puis ceux de 1984 et le Hirak de 2016-2017, témoignent d'une mémoire vive, d'un sentiment d'exclusion jamais apaisé. Abdelkrim, dont l'héritage inspira Hô Chi Minh et Che Guevara, reste souvent travesti dans le récit officiel marocain, qui occulte son projet républicain pour le réduire à un simple résistant anticolonial.
Cette histoire confère au Rif une légitimité indépendantiste unique, ancrée dans une souveraineté effective jadis exercée – légitimité que la Kabylie, intégrée depuis toujours à l'Algérie, ne saurait revendiquer. C'est cette dissymétrie profonde que l'Algérie, avec une maîtrise sereine, met en lumière.
Le Piège Fatal : Légitimer l'Inacceptable
En parrainant le MAK, le Maroc a imprudemment validé une logique de fragmentation identitaire et territoriale qu'il prétendait pourtant abhorrer. Il a rouvert un dossier historique qu'il avait tout intérêt à maintenir scellé, offrant à l'Algérie un précédent irréfutable et un argument de principe d'une force redoutable. Ce n'est point Alger qui a internationalisé les fractures marocaines ; c'est Rabat qui a institutionnalisé la guerre des identités, croyant naïvement en dominer les flammes.
Cette faute affaiblit non pas l'Algérie – dont l'unité et la résilience sont forgées dans l'épreuve –, mais les fondations mêmes du discours souverain marocain, ébranlées par le retour des ombres qu'il avait lui-même réveillées.
Conclusion : Des Portes que l'Histoire N'Ose Refermer
L'engagement algérien aux côtés du peuple sahraoui est constant, fondé en droit et encohérent avec notre histoire de lutte contre l'oppression coloniale. L'appui marocain au MAK, en revanche, constitue une erreur stratégique d'une ampleur historique, une rupture avec la raison politique, un pari perdu dont les conséquences hanteront longtemps le Maghreb.
En réveillant la mémoire du Rif – terre qui peut, plus que toute autre, revendiquer une indépendance légitime là où la Kabylie demeure le cœur indissociable de l'Algérie –, l'Algérie rappelle avec une fermeté tranquille que nul ne saurait menacer son intégrité sans en payer le prix. Car dans les relations entre nations, certaines portes, une fois entrouvertes par l'imprudence, s'ouvrent toutes grandes sous le souffle de l'Histoire – et ne se referment plus.
Par Belgacem Merbah
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