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Le leadership algérien en Afrique, un cauchemar persistant pour la diplomatie marocaine

Le leadership continental de l’Algérie continue de s’imposer comme l’un des principaux écueils auxquels se heurte la diplomatie marocaine. Cette semaine encore, la scène africaine a offert une illustration saisissante de ce contraste : alors qu’Alger accueillait simultanément deux événements majeurs adoubés par l’Union africaine, Rabat tentait d’organiser une conférence parallèle de faible envergure, dans l’espoir transparent de parasiter médiatiquement le dynamisme diplomatique algérien. Ce geste s’est toutefois soldé par un échec retentissant, ramenant le royaume chérifien à son véritable poids sur la scène continentale.

Alger, cœur battant de la diplomatie africaine

Du dimanche 30 novembre au lundi 1ᵉʳ décembre, la capitale algérienne s’est affirmée comme un véritable carrefour diplomatique africain. Deux grands rendez-vous se sont tenus successivement :
  • La conférence internationale sur les crimes du colonialisme en Afrique, un événement d’une portée mémorielle et juridique majeure.
  • La 12ᵉ session du séminaire sur la paix et la sécurité en Afrique, plus connu sous le nom de Processus d’Oran, devenu depuis quelques années un instrument central de réflexion stratégique au sein de l’Union africaine.
Ces deux rencontres ont rassemblé une constellation d’acteurs institutionnels de premier plan, témoignant de la profondeur de l’ancrage algérien au sein des débats fondamentaux qui structurent l’avenir du continent. L’Union africaine y était représentée au plus haut niveau, avec la présence – fait inédit – du président de sa Commission, Mahmoud Ali Youssouf, reçu par le président Abdelmadjid Tebboune. À ses côtés figuraient notamment le Commissaire à la paix et à la sécurité de l’UA, deux secrétaires généraux adjoints des Nations unies, l’envoyé spécial de l’ONU pour l’initiative « Faire taire les armes » ainsi que l’envoyée spéciale portugaise pour le Sahel.

À cela s’ajoutait une participation étatique d’une densité remarquable : huit pays africains représentés par leur ministre des Affaires étrangères, et six autres par leurs vice-ministres. Une telle représentation, tant qualitative que quantitative, consacre de fait la centralité de l’Algérie sur les dossiers régaliens de l’Afrique : la paix, la sécurité, la souveraineté et la mémoire historique.

Rabat tente de parasiter… et s’effondre

Face à cette visibilité diplomatique incontestable, le Maroc a tenté une opération de communication en organisant, mardi 2 décembre, la première conférence africaine des victimes du terrorisme. L’intention était limpide : détourner l’attention médiatique et diluer l’impact des événements algériens. Mais la tentative s’est retournée contre son instigateur.

D’abord, la thématique choisie excède largement les prérogatives confiées au Maroc par l’Union africaine, qui ne lui a attribué que le dossier de la migration. Les questions de paix et de sécurité relèvent, elles, du mandat exclusif de l’Algérie. Rabat s’est donc engagé sur un terrain institutionnel qui n’est pas le sien.

Ensuite, le choix du timing, coïncidant exactement avec deux rencontres continentales approuvées par l’UA, trahit une volonté de brouiller les cartes diplomatiques. Mais ce geste a été perçu comme une initiative solitaire, improvisée et non coordonnée avec les mécanismes panafricains.

Enfin — et surtout — la participation enregistrée lors de l’événement de Rabat fut d’une faiblesse spectaculaire. Là où Alger attirait l’ensemble des institutions continentales et un large éventail de pays africains, la capitale marocaine n’a accueilli :

Qu’un seul responsable onusien par intérim, Alexandre Zouev ; Et les ministres de trois pays africains seulement : le Mali, le Burkina Faso et la Guinée équatoriale.

Deux de ces États – Mali et Burkina Faso – sont dirigés par des juntes militaires sous sanctions de l’Union africaine. La symbolique est lourde : alors que l’Afrique institutionnelle se réunissait à Alger, Rabat se retrouvait à composer avec des régimes marginalisés sur la scène panafricaine.

Un revers stratégique pour la diplomatie marocaine

Ce contraste n’est pas un simple accident de calendrier. Il reflète une dynamique de fond :

L’Algérie consolide son rôle de puissance stabilisatrice et normative, assumant les dossiers les plus sensibles de l’Union africaine.
Le Maroc, en quête permanente de légitimité continentale, peine à dissimuler les limites structurelles de son influence, particulièrement depuis son retour au sein de l’UA en 2017.

La scène africaine parle d’elle-même : l’Algérie attire, fédère et structure ; le Maroc tente de suivre, sans parvenir à masquer l’écart qui se creuse.


Par Belgacem Merbah



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