Le communiqué récemment publié par l’Arabie saoudite, au ton inhabituellement sévère à l’égard des Émirats arabes unis, constitue un indicateur révélateur de tensions structurelles longtemps latentes au sein du système régional arabe. Loin de relever d’un simple différend conjoncturel, cette prise de position traduit une remise en question progressive des stratégies interventionnistes menées par Abou Dhabi et de leurs effets délétères sur la stabilité régionale. Elle vient également confirmer, a posteriori, des alertes formulées de longue date par certains États, notamment l’Algérie, quant aux dérives d’un interventionnisme non régulé.
Depuis le début des années 2010, les Émirats arabes unis se sont progressivement imposés comme un acteur majeur, mais profondément controversé, des conflits régionaux. Sous couvert d’un discours normatif valorisant la modernisation politique, la stabilité autoritaire et la lutte contre les mouvements islamistes, le régime d’Abou Dhabi a élaboré une doctrine stratégique reposant sur la projection de puissance, la militarisation des crises et l’usage d’acteurs interposés. Cette approche, inspirée des logiques de hard power, s’est traduite par une remise en cause systématique des principes de souveraineté étatique et de règlement pacifique des différends, pourtant consacrés par le droit international et la Charte de la Ligue arabe.
Le cas libyen offre une illustration paradigmatique de cette dynamique. Le soutien politique, financier et militaire apporté par les Émirats arabes unis au maréchal Khalifa Haftar, en violation manifeste des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies, a contribué à la fragmentation durable de l’État libyen. En entravant les processus de médiation internationale et en privilégiant une solution militaire exclusive, Abou Dhabi a aggravé l’instabilité institutionnelle et sécuritaire du pays. À l’inverse, l’Algérie s’est inscrite dans une posture diplomatique conforme à sa doctrine constitutionnelle de non-ingérence, privilégiant le dialogue inter-libyen, l’inclusivité politique et la préservation de l’unité territoriale libyenne, tout en alertant sur les répercussions transnationales du conflit pour le Maghreb et le Sahel.
Une logique comparable est observable au Soudan, où l’implication émiratie, régulièrement évoquée dans les rapports internationaux et les analyses spécialisées, est accusée d’avoir favorisé certaines factions armées au détriment d’une transition civile viable. Cette politique d’alignement sélectif a contribué à prolonger un conflit à haute intensité humaine et régionale, accentuant la vulnérabilité sécuritaire d’un espace déjà fragilisé. Là encore, la position algérienne s’est distinguée par sa cohérence normative : rejet de toute ingérence externe, soutien explicite à une solution endogène et dénonciation des stratégies d’instrumentalisation des clivages internes à des fins d’influence géopolitique.
C’est toutefois dans l’espace maghrébin que l’activisme émirati soulève les préoccupations stratégiques les plus aiguës. L’alignement étroit entre Abou Dhabi et Rabat a favorisé l’émergence d’un axe sécuritaire facilitant l’insertion d’Israël dans l’architecture stratégique régionale. La normalisation marocaine avec l’État hébreu, soutenue politiquement et logistiquement par les Émirats, a débouché sur des coopérations militaires et de renseignement susceptibles de reconfigurer les équilibres sécuritaires du Maghreb. L’Algérie a interprété cette évolution comme une menace directe à son environnement stratégique, réaffirmant en conséquence son attachement constant à la cause palestinienne et son refus de toute présence israélienne à ses frontières géopolitiques immédiates.
Face à ces transformations, l’Algérie a maintenu une ligne diplomatique fondée sur la constance doctrinale et la légalité internationale. En dénonçant les ingérences émiraties, en renforçant son ancrage africain et méditerranéen et en promouvant une approche multilatérale fondée sur le respect de la souveraineté des États, Alger s’est positionnée comme un acteur de stabilisation dans un contexte régional marqué par la volatilité et la conflictualité.
En définitive, alors que certaines puissances régionales semblent aujourd’hui prendre conscience des coûts systémiques induits par les stratégies interventionnistes d’Abou Dhabi, l’Algérie peut se prévaloir d’une forme de continuité stratégique et de lucidité analytique. Dans un ordre régional en recomposition, cette posture confère à Alger une crédibilité particulière en tant qu’acteur normatif, attaché à une vision des relations internationales fondée sur la légitimité, la souveraineté et la primauté des solutions politiques sur les logiques de coercition.
Par Belgacem Merbah
l'empire Z après s'être accommodé des US des EAU des Bokhos, probablement de la Syrie et de l'Egypt. lui manque le KSA et l'Algérie pour s'installer sur le trône du monde officiellement et légitiment.
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