Depuis l’adoption, le 23 février 2005, de la loi française dite de “glorification du colonialisme”, les Algériens attendent une réponse nationale ferme, à la hauteur d’un texte qui n’a pas hésité à attribuer au système colonial un prétendu “rôle positif” dans ses territoires d’outre‑mer, notamment en Afrique du Nord. Une qualification qui occulte volontairement un héritage accablant : crimes contre l’humanité, massacres de masse, spoliation des terres les plus fertiles, paupérisation systématique, politiques d’ignorance imposée, oppression, humiliations et asservissement d’un peuple entier.
Pourtant, près de vingt-et-un ans se sont écoulés sans qu’une réaction institutionnelle décisive ne voie le jour, en raison de l’immobilisme des autorités de l’époque, à commencer par le président Abdelaziz Bouteflika et son entourage, qui ont écarté à plusieurs reprises les propositions de loi visant à criminaliser le colonialisme français. L’un des responsables alla même jusqu’à avancer un argument pour le moins surprenant : adopter une telle loi pourrait “détériorer les relations algéro‑françaises”. Comme si la France, en adoptant elle-même cette loi le 23 février 2005, s’était préoccupée d’épargner ces mêmes relations, qu’elle mettait pourtant directement à l’épreuve.
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- Réactiver le projet de loi criminalisant le colonialisme ;
- Repenser la place de la langue française dans le système éducatif en reportant son enseignement au cycle moyen, afin de laisser l’anglais s’implanter solidement au primaire ;
- Relancer la loi sur la généralisation de l’usage de l’arabe dans les institutions publiques et privées, car il est contradictoire qu’une langue étrangère continue d’occuper une telle place dans l’espace public d’un pays souverain depuis soixante‑trois ans.
Avec l’examen du projet de loi sur la criminalisation du colonialisme les 20 et 21 décembre, un tournant semble enfin s’opérer. L’heure n’est plus à l’hésitation excessive ni au calcul diplomatique stérile, mais à l’action concrète. Il s’agit d’ouvrir une voie juridique et politique claire, visant à obtenir de la France un reconnaissance officielle des crimes commis durant 132 ans d’occupation, suivie d’excuses explicites et d’une réflexion sur les formes adéquates de réparation. De telles avancées devraient conditionner l’avenir des relations bilatérales dans le cadre d’une dynamique fondée sur la réciprocité et le respect mutuel.
C’est cette relation d’égal à égal que beaucoup appellent de leurs vœux depuis deux décennies, freinée longtemps par des considérations politiciennes dépassées. Aujourd’hui, un optimisme prudent renaît : le gel injustifié du projet de loi prend fin, et demain pourrait voir ressurgir, sous une forme modernisée, le projet de généralisation de la langue arabe. Et si les sanctions financières envisagées pour non‑respect de cette loi semblent susceptibles de créer des tensions, il serait tout à fait possible de privilégier une approche incitative, en récompensant les agents veillant à l’usage de l’arabe dans leurs actes administratifs. Un système de motivation positive pourrait accélérer, en douceur mais durablement, la pleine réhabilitation de la langue nationale dans son propre espace institutionnel.
L’essentiel est que le mouvement est lancé : la relance du projet de loi sur la criminalisation du colonialisme constitue la première étape, et d’autres mesures structurantes pourraient suivre. Avec une volonté politique affirmée, les transformations espérées ne sont plus une utopie, mais une perspective réaliste et à portée de main.
Par Belgacem Merbah
Même beaucoup en retard mais cette loi est très bonne et nécessaire. Il faut criminaliser aussi les harkis d'hier et d'aujourd'hui.
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