L’histoire contemporaine des relations algéro-marocaines est marquée par une constante : le double jeu du Maroc, oscillant entre un discours de fraternité et des actes de trahison, entre des proclamations de solidarité et une politique expansionniste déstabilisatrice. Depuis la guerre de libération algérienne jusqu’aux tensions actuelles, le royaume chérifien a multiplié les coups bas, révélant une contradiction majeure entre ses discours et ses pratiques.
1. Le mythe du soutien marocain à la Révolution algérienne
Les dirigeants marocains affirment régulièrement que leur pays a soutenu le FLN durant la guerre d’Algérie et qu’en conséquence, l’Algérie indépendante aurait dû leur « offrir » des territoires, notamment Tindouf et Béchar.
Or, la réalité est bien plus nuancée, voire radicalement différente :
- Soutien intéressé : loin d’être désintéressé, le Maroc conditionnait son aide logistique à des concessions territoriales, en agitant déjà le spectre du « Grand Maroc ».
- Compromissions avec la France : le royaume, officiellement indépendant depuis 1956, entretenait encore de multiples liens militaires et sécuritaires avec Paris.
- Les pilotes marocains contre le FLN : fait historique souvent occulté, des pilotes de chasse marocains en fin de formation étaient utilisés par l’armée française pour bombarder les maquis algériens. En d’autres termes, des soldats marocains contribuaient directement à l’effort de guerre colonial contre les combattants algériens.
Cette réalité réduit à néant le discours marocain sur une prétendue « dette de reconnaissance » algérienne.
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2. Les manœuvres de propagande frontalière en 1957
En 1957, Rabat organisa plusieurs campagnes destinées aux populations frontalières algériennes. L’objectif était de les convaincre qu’elles étaient « marocaines » et qu’elles devaient tourner le dos au FLN. Cette propagande visait deux buts :
- légitimer les revendications expansionnistes marocaines ;
- fragiliser la cohésion du combat de libération algérien.
Dès 1956, le Maroc a mis en œuvre une stratégie militaire et diplomatique pour faire accepter ses revendications territoriales par l’Algérie. L’Armée de Libération Marocaine (ALM) a mené des actions de guérilla à la frontière, tout en tentant de rallier les notables locaux au sultan Mohamed V, en s’appuyant sur des liens historiques et tribaux. Un document de décembre 1957 révèle que l’ALM cherchait à convaincre les habitants de Béchar qu’ils étaient Marocains, soulignant que le soutien du Maroc à la révolution algérienne était motivé par des intérêts géopolitiques. Ce soutien n’émanait pas de l’armée royale, mais de l’ALM, représentant une partie de la société marocaine, ce qui remet en question l’idée d’une solidarité maghrébine unifiée. Ce document offre ainsi une lecture plus nuancée des relations algéro-marocaines durant la guerre d’indépendance.
3. 1962-1963 : l’indépendance algérienne et la guerre des Sables
À peine l’Algérie libérée en 1962, Hassan II transforma ses revendications territoriales en agression militaire. Le Maroc exigea que l’Algérie lui « cède » Tindouf et Béchar en guise de « remerciement » pour une aide qu’il exagérait et dont la sincérité avait déjà été compromise.
Le refus algérien, conforme au droit international et au principe panafricain de l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation, provoqua la guerre des Sables en 1963.
Ce fut une véritable trahison historique : le Maroc attaqua un pays à peine sorti d’une guerre de libération sanglante, encore exsangue après 132 ans de colonisation.
4. Le double discours marocain : panafricanisme proclamé, expansionnisme pratiqué
Le Maroc n’a cessé de brandir le drapeau de l’unité arabe et africaine, tout en agissant à l’inverse :
- En 1963, il attaque l’Algérie au moment où l’Afrique indépendante tentait de se doter d’un cadre d’unité.
- En 1975, il orchestre la « Marche verte » pour annexer le Sahara Occidental, en violation flagrante du droit international et du principe d’autodétermination.
- Tout en se posant en « défenseur de la Palestine », Hassan II livra en 1965 au Mossad les enregistrements du sommet arabe de Casablanca, trahissant ainsi non seulement l’Algérie mais l’ensemble du monde arabe et contribuant indirectement à la défaite arabe de 1967.
La contradiction est criante : un royaume qui se présente comme un champion des causes arabes, mais qui pactise avec Israël et sabote les solidarités régionales.
5. L’obsession expansionniste du « Grand Maroc »
La doctrine expansionniste marocaine est au cœur de toutes ces contradictions. Depuis l’indépendance, Rabat a revendiqué :
- la Mauritanie,
- le Sahara Occidental,
- des régions maliennes,
- et des territoires algériens (Tindouf, Béchar).
En d’autres termes, au lieu de consolider son indépendance et de bâtir une union maghrébine, le Maroc a choisi l’idéologie du « Grand Maroc », une vision impériale anachronique, source de conflits permanents.
6. L’Algérie, cible privilégiée des contradictions marocaines
Chaque fois que le Maroc s’est retrouvé face à ses propres échecs internes (crises sociales, contestations politiques, isolement diplomatique), il a cherché à détourner l’opinion en désignant l’Algérie comme responsable :
- Accusée d’être derrière le conflit du Sahara Occidental, alors que l’Algérie ne fait que défendre le principe d’autodétermination.
- Présentée comme un obstacle à l’unité maghrébine, alors que c’est le Maroc qui en a sapé les fondements en déclenchant la guerre des Sables.
- Décrite comme ingrate, alors que c’est le Maroc qui a bombardé les maquis, manipulé les populations frontalières et attaqué l’Algérie dès son indépendance.
Conclusion : l’Algérie face à l’épreuve de la duplicité marocaine
De la guerre de libération à nos jours, le Maroc a construit une rhétorique victimaire accusant l’Algérie de tous les maux, tout en accumulant les contradictions et les trahisons :
- soutenir en façade la révolution algérienne tout en prêtant main forte à l’armée française,
- prêcher l’unité maghrébine tout en lançant la guerre des Sables,
- proclamer la défense des causes arabes tout en collaborant avec Israël,
- se dire victime du colonialisme tout en cherchant à imposer un néo-colonialisme régional par le « Grand Maroc ».
Face à cette duplicité, l’Algérie a choisi une voie claire : la fidélité à ses martyrs, le respect des frontières héritées de la colonisation, et la défense constante du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. L’histoire retiendra la constance de la Révolution algérienne et l’opportunisme cynique de la monarchie marocaine.
Par Belgacem Merbah
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