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Rupture diplomatique entre l’Algérie et le Maroc : une décision historique aux racines profondes

La date du 24 août 2021 restera gravée dans les annales diplomatiques algériennes comme celle où l’Algérie, par la voix du ministre des Affaires étrangères Ramtane Lamamra, annonce la rupture de ses relations diplomatiques avec le Royaume du Maroc. Cette décision, qualifiée d’historique, n’est pas le fruit d’un emballement émotionnel ou d’un événement ponctuel. Elle constitue, en réalité, l’aboutissement d’un cumul de provocations, d’hostilités récurrentes, et de tentatives déstabilisatrices, dont la source remonte à la fondation même du royaume chérifien tel que nous le connaissons aujourd’hui.

Dans cette déclaration solennelle, l’Algérie s’est positionnée avec clarté, assumant une posture de fermeté vis-à-vis d’un voisin considéré non plus comme un frère maghrébin, mais comme un acteur nuisible à sa stabilité et à celle de la région. La symbolique de la date choisie — le même jour que les accusations marocaines contre l’Algérie après les attentats de Marrakech en 1994 — ajoute une dimension mémorielle forte à la démarche algérienne.

I. L’idéologie du "Grand Maroc" : une utopie expansionniste transformée en dogme d’État

A. La genèse d’un projet impérialiste

La matrice idéologique qui alimente l’hostilité marocaine est connue : il s’agit du concept du "Grand Maroc", élaboré par Allal El Fassi, figure du nationalisme marocain et membre fondateur du parti de l’Istiqlal. Cette vision délirante de la géopolitique postcoloniale s’appuie sur une cartographie imaginaire du royaume, intégrant le Sahara occidental, la Mauritanie, des régions entières du sud-ouest algérien, voire une frange du nord du Mali.

Ce rêve chimérique a été institutionnalisé dans les années 1950 et 1960, avec la complicité des services secrets français de l’époque (la SDEC), qui y voyaient un outil pour contenir l’Algérie révolutionnaire et panarabiste.

B. Une doctrine enseignée et enracinée

L’un des aspects les plus préoccupants de cette doctrine réside dans sa diffusion à grande échelle, notamment dans les manuels scolaires marocains où apparaissent régulièrement des cartes du "Maroc historique" englobant de vastes portions du territoire algérien. Cette falsification historique, loin d’être anecdotique, a formé plusieurs générations de Marocains dans la conviction que l’Algérie est une puissance occupante, illégitime sur ses propres terres.

Même la Constitution marocaine évoque la restauration de « l’intégrité territoriale », renforçant juridiquement cette vision expansionniste. On comprend alors pourquoi les tensions populaires sur les réseaux sociaux dépassent la simple animosité diplomatique : elles sont le reflet d’un lavage de cerveau national structuré depuis plus d’un demi-siècle.

II. Le Sahara occidental : une fracture géopolitique majeure

La colonisation du Sahara occidental par le Maroc en 1975, à la suite de la « Marche verte », a précipité une crise d’ampleur régionale. Cette occupation, non reconnue par l’ONU, s’est accompagnée de violations massives des droits de l’homme, de répressions brutales et d’un exil forcé de milliers de Sahraouis vers l’Algérie, où ils vivent toujours dans des camps de réfugiés, notamment à Tindouf.

L’Algérie, fidèle à ses principes anticolonialistes, soutient le Front Polisario et le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination, conformément aux résolutions de l’ONU. Or, le Maroc tente sans relâche de faire passer ce soutien de principe pour une ingérence, cherchant à internationaliser le conflit en accusant Alger d’en être l’instigatrice.

La récente reconnaissance américaine de la souveraineté marocaine sur le Sahara (sous l’administration Trump), en échange de la normalisation avec Israël, a exacerbé les tensions, transformant une crise coloniale en un enjeu de sécurité nationale pour l’Algérie.

III. Les accusations de 1994 : un tournant psychologique

En août 1994, un attentat terroriste frappe Marrakech. Deux touristes espagnols sont tués, une Française est blessée. Le Maroc, sans investigation sérieuse, pointe du doigt l’Algérie, accusée d’avoir orchestré l’attaque. Cette diffamation entraîne l’instauration de visas pour les Algériens, ce à quoi Alger répond par la fermeture des frontières, mesure toujours en vigueur aujourd’hui.

Mais le plus choquant fut le traitement infligé aux ressortissants algériens présents au Maroc : harcèlements, arrestations arbitraires, violences policières, expropriations. Cette stigmatisation brutale a profondément marqué l’opinion publique algérienne, au point de susciter un rejet viscéral et durable du régime marocain.

IV. Soutiens occultes au terrorisme et à la subversion

Durant la décennie noire (1991-2002), le Maroc est accusé par Alger d’avoir offert une base arrière logistique et politique aux groupes terroristes opérant en Algérie, notamment le GIA. Les révélations d’Abdelhak Layada, ancien chef du GIA, sur l’aide directe du roi Hassan II, renforcent ces accusations. Layada raconte avoir été logé dans un palais royal à Salé, accueilli comme un agent potentiel au service du Maroc.

Plus récemment, Rabat est soupçonné de financer et soutenir deux organisations considérées comme terroristes en Algérie : le MAK (Mouvement pour l’Autodétermination de la Kabylie) et Rachad. Ces groupes mènent des campagnes actives contre l’État algérien depuis l’étranger, souvent via des relais installés au Maroc, dans une tentative de fragilisation interne du pays.

V. Une guerre médiatique et psychologique

Les médias marocains proches du pouvoir, ainsi qu’une armée numérique organisée, mènent depuis plusieurs années une campagne de diffamation systématique contre l’Algérie. Sur les réseaux sociaux, les commentaires haineux, les fake news et les montages vidéo insultants pullulent.

Lorsque le roi Mohammed VI appelle à la réconciliation, on observe étrangement un apaisement soudain de cette propagande, ce qui confirme son orchestration étatique. Pour Alger, cette duplicité est inacceptable.

VI. Drogue, patrimoine et infiltration culturelle

Le Maroc est l’un des principaux exportateurs de résine de cannabis au monde. L’Algérie accuse régulièrement son voisin de mener une guerre narcotique en déversant des tonnes de drogue sur son territoire. Ce trafic ne profite pas uniquement à des réseaux criminels, mais selon les autorités algériennes, il finance également des groupes terroristes résiduels.

Par ailleurs, l’Algérie dénonce le vol organisé de son patrimoine culturel, facilité par certains cercles franco-marocains et encouragé par des institutions internationales où le Maroc est influent (notamment l’UNESCO sous la direction d’Audrey Azoulay). Cette stratégie vise à réécrire l’Histoire nord-africaine au profit du récit monarchique marocain.

VII. La normalisation avec Israël : un choc diplomatique

La reconnaissance d’Israël par le Maroc en 2020, en échange du soutien américain sur le dossier du Sahara, a été vécue comme une trahison par Alger. Non seulement cette décision isole encore davantage l’Algérie dans sa défense de la cause palestinienne, mais elle place également à ses frontières une puissance étrangère hostile, avec laquelle Rabat a noué des liens sécuritaires et militaires.

Pour l’Algérie, cette normalisation officialise ce qui était depuis longtemps une collusion secrète entre le Makhzen et Tel-Aviv, et constitue un casus belli diplomatique.

Conclusion : une rupture nécessaire, un combat inévitable

Face à l'accumulation d’agressions, de provocations, de mensonges historiques, de manipulations diplomatiques, de campagnes de diffamation, de soutien au terrorisme et de trahisons à répétition, l’Algérie n’avait plus le choix. La rupture des relations diplomatiques avec le Maroc n’est pas une dérive émotionnelle ou une posture passagère : c’est un acte de souveraineté, un cri de dignité, une ligne rouge tracée contre l’inacceptable.

Depuis trop longtemps, le régime du Makhzen a joué un double jeu : l’hypocrisie diplomatique dans les discours, la perfidie dans les actes. Il a saboté chaque tentative de rapprochement, transformé les outils de coopération en leviers de pression, perverti les idéaux de l’Union maghrébine, et tenté par tous les moyens d’affaiblir une Algérie debout, forte de son peuple, de son histoire, et de ses principes.

Qu’il soit clair pour tous : l’Algérie ne tendra plus la main à un régime qui l’a systématiquement mordue. Elle ne tolérera plus que l’on sème la discorde dans ses régions, que l’on finance ses ennemis, que l’on falsifie son histoire ou que l’on salisse sa mémoire. L’ère des compromis unilatéraux est révolue. Le temps de la complaisance est derrière nous.

L’Algérie est prête. Prête à assumer cette rupture. Prête à en payer le prix. Prête à défendre chaque centimètre de son territoire, chaque parcelle de sa souveraineté, chaque fibre de son identité. Que cela déplaise à Rabat ou à ses soutiens, qu’ils soient au nord ou à l’est de la Méditerranée, cela ne changera rien à la détermination de notre peuple.

Le Makhzen a fait le choix du mensonge, de l’arrogance et de la subversion. L’Algérie, elle, a fait le choix de la vérité, de l’honneur et de la résistance. Et dans cette confrontation asymétrique mais inévitable, c’est la justesse de la cause algérienne qui triomphera, comme elle l’a toujours fait dans l’Histoire.

Parce qu’un pays qui a vaincu le colonialisme ne pliera jamais devant la duplicité d’une monarchie sans légitimité.

Parce qu’un peuple libre ne négocie pas sa souveraineté. Il la défend. Avec lucidité, avec fermeté, et s’il le faut, avec le feu.


Par Belgacem Merbah



Références :

(1) Al-Maghrib : en 1957, Hassan II a décidé de changer le nom officiel en arabe de son pays pour s'attribuer le nom d'Al-Maghrib qui est le nom historique de la région nord-africaine, dans le but hégémonique de s'approprier l'ensemble de l'histoire, le patrimoine et la culture de l'Afrique du Nord en cohérence avec la théorie expansionniste du grand Maroc d'Allal El Fassi


(2) https://odysee.com/@AlgerianPatriots:7/video-14-guerre-des-sables-1963-alg%C3%A9rie:6


(3) https://odysee.com/@AlgerianPatriots:7/video-59-g%C3%A9nocide-sahara-occidental:d


(4) Soutien du Maroc pour le GIA pendant les années 90 (Hassan II a hébergé Layayda dans le palais royal de Salé - aveux complet de l'intéressé) : https://odysee.com/@AlgerianPatriots:7/video-933-%D8%AF%D8%B9%D9%85-%D8%A7%D9%84%D9%85%D8%AE%D8%B1%D8%A8:6

Commentaires

  1. Parfait comme toujours, récapitulatif complet. 🇩🇿🇩🇿💪💪💪 dziri54

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  2. Très juste on peut ajouter le vol de notre patrimoine avec complicité de UNESCO

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  3. Merci frère ✌️🇩🇿

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  4. Très bon article, bien versé dans tous les aspects et faits..bravo

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  5. Merci Belgacem, très bon résumé. Amirouche

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  6. Excellent article
    Merci

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  7. Excellent article ont y apprend beaucoup de chose merci

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  8. Excellent travail, je me permets de le copier coller sur les chaines youtube du makhzen

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  9. Merci pour le travail. L’Algérie n’est plus celle des années 80’s , désormais elle dispose de toutes les capacités pour riposter aux différentes menaces et pressions.

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  10. Construisons un mur tout le long de la frontiere ouest et surtout controlons tout ces marokis qui viennent de Tunisie.

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  11. Bravo Mr Belgacem MERBAH, article éloquent, intransigeant et pragmatique.

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