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Maroc-Israël : la production de drones ouvre une nouvelle équation stratégique. Quelle réponse pour Alger ?

L’annonce du déploiement d’une capacité industrielle israélienne de fabrication de drones au Maroc constitue un tournant majeur dans l’équilibre militaire maghrébin. Cette évolution soulève une question centrale : comment l’Algérie peut-elle répondre à cette montée en gamme technologique chez son voisin occidental ? Les options existent, et elles s’inscrivent dans le cadre d’une coopération militaire russo-algérienne qui ne cesse de se renforcer.

Un contexte régional en mutation : le facteur drone comme multiplicateur de puissance

Les drones armés ne sont plus un simple outil tactique : ils sont devenus un instrument stratégique, capable de frapper en profondeur, saturer les défenses et remodeler les doctrines d’emploi. Pour Rabat, l’intégration de savoir-faire israélien dans la production locale de drones ouvre la voie à une autonomie capacitaire et à une projection asymétrique dans le conflit latent autour du Sahara occidental.

Face à cela, Alger pourrait s’intéresser à la filière russe des drones longue portée, notamment les systèmes de type « Geran-2 » (connus sous le nom de Shahed-136 en Iran), dont l’efficacité a été démontrée dans des environnements à haute densité de défense aérienne.

Pourquoi les « Geran » ? Une logique de complémentarité avec les missiles balistiques

Certains pourraient objecter : pourquoi investir dans des drones kamikazes alors que l’Algérie dispose déjà de missiles balistiques et de croisière (Iskander, etc.) ? La réponse tient en trois points :

  • Volume et saturation : les objectifs stratégiques sont nombreux. Les Iskander sont coûteux et limités en nombre. Les drones permettent des frappes massives à moindre coût.
  • Décharge des systèmes premium : réserver les missiles pour des cibles critiques, tandis que les drones neutralisent infrastructures énergétiques, logistiques et radars.
  • Effet cumulatif : un essaim de drones force la défense marocaine à se disperser, réduisant son efficacité et ouvrant la voie à des frappes plus complexes.

Cibles potentielles en cas de conflit : une cartographie stratégique

  1. Infrastructure énergétique : dépôts de carburant, réseaux de distribution et oléoducs à Casablanca, Mohammedia et Sidi Kacem. Leur neutralisation provoquerait un choc économique majeur.
  2. Production électrique : transformateurs des centrales thermiques de Jorf Lasfar, Mohammedia et Kénitra.
  3. Logistique saharienne : port de Dakhla, pivot des flux vers les territoires disputés.
  4. Radars et stations de détection : particulièrement vulnérables dans les zones faiblement peuplées du Sahara occidental.
  5. Bases aériennes : non pour détruire les avions (souvent dispersés), mais pour paralyser les infrastructures critiques (pistes, dépôts, systèmes de communication).

Impact opérationnel : drones comme catalyseur d’une manœuvre interarmes

  • Saturation des défenses : un tir massif de drones contraint la défense aérienne marocaine à consommer ses munitions et à révéler ses positions.
  • Détournement des moyens aériens : la chasse marocaine serait obligée de traquer les drones, au détriment de ses missions offensives.
  • Synergie avec les forces terrestres et aériennes : en réduisant la pression défensive, les drones facilitent l’action des brigades mécanisées et des escadrons de frappe.

Limites marocaines : une profondeur stratégique réduite

Contrairement à Israël, qui bénéficie d’une profondeur géographique et d’un soutien occidental massif pour contrer les Shahed iraniens, le Maroc présente une densité de défense aérienne limitée et une vulnérabilité structurelle : ses infrastructures critiques sont concentrées et proches des zones de lancement potentielles.

Conclusion : un outil de dissuasion avant tout

L’intégration des « Geran » dans l’arsenal algérien ne serait pas seulement une réponse technique, mais un signal stratégique : démontrer la capacité à frapper en profondeur, saturer les défenses et infliger un coût économique insoutenable. Paradoxalement, cette montée en puissance pourrait renforcer la stabilité régionale, en réduisant l’incitation marocaine à l’escalade dans le Sahara occidental.


Par Belgacem Merbah



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