Les rapports entre Paris et Alger traversent une zone de turbulences rarement atteinte. Tandis que la France continue d’invoquer la formule d’un « dialogue exigeant », Alger rappelle que la crise actuelle est née d’un acte français : l’atteinte directe aux intérêts vitaux de l’Algérie, en particulier sur le dossier du Sahara occidental.
Dans ce contexte, la volonté française de relancer les échanges se heurte à une réalité nouvelle : c’est désormais Alger qui fixe le tempo, et Paris qui doit rattraper ses erreurs.
I. Pourquoi la France a plus à perdre qu’à gagner
1. Érosion économique
Les entreprises françaises reculent en Algérie au profit de concurrents asiatiques et européens. Sans normalisation politique, Paris risque la marginalisation dans un marché stratégique en mutation.
2. Besoin crucial d’Alger au Sahel
Évincée du Mali, du Niger et du Burkina Faso, la France se retrouve fragilisée dans une zone où l’Algérie demeure incontournable. Sans coopération avec Alger, aucune stratégie sahélienne viable n’existe.
3. Le dossier migratoire
La gestion des flux et la coopération sécuritaire exigent une confiance aujourd’hui profondément altérée.
II. Une rupture née d’un choix français : le Sahara occidental
Pour Alger, la crise est la conséquence directe de l’alignement ambigu mais réel de Paris sur les thèses marocaines.
L’aggravation survient fin octobre, lorsque la France manœuvre au Conseil de sécurité avant le vote de la résolution 2797, avec des initiatives perçues comme contraires aux intérêts algériens.
Dès lors, Paris n’est plus un acteur neutre mais un protagoniste qui interfère dans un dossier relevant de la sécurité nationale algérienne.
III. Le camouflet du G20 : un signal fort
Au sommet du G20 en Afrique du Sud, Emmanuel Macron espérait une rencontre bilatérale avec Abdelmadjid Tebboune.
Mais Alger tranche : le président ne se déplacera pas, le Premier ministre représentera l’Algérie.
Un revers diplomatique majeur pour Paris, d’autant plus humiliant qu’il survient après l’envoi à Alger de la Secrétaire générale du Quai d’Orsay pour tenter un dégel.
IV. L’échec discret de la mission française
Le refus de Tebboune confirme que la visite n’a pas produit d’effet.
Analyse algérienne :
- Mépris des intérêts fondamentaux de l’Algérie,
- Volonté de dicter les conditions de reprise,
- Refus d’assumer l’erreur sur le Sahara occidental.
Au lieu de chercher un compromis, Paris a tenté d’imposer sa lecture — démarche rejetée par Alger.
La réponse est désormais claire : non, tant que la France n’aura pas reconnu la gravité de ses choix.
V. Le « dialogue exigeant » : une posture hors-sol
En continuant d’évoquer un « dialogue exigeant », Paris semble ignorer qu’elle a :
- Perdu la position morale pour formuler des exigences,
- Agi contre les intérêts algériens,
- Besoin d’Alger plus qu’Alger n’a besoin d’elle.
Doctrine algérienne : on ne parle pas d’exigences avec celui qui a provoqué la crise.
VI. L’Algérie impose son rythme : souveraineté en ligne directrice
En évitant la rencontre Tebboune–Macron, Alger affirme qu’elle ne se laisse dicter ni calendrier ni modalités.
La normalisation n’est pas recherchée : elle ne viendra que si Paris change réellement de posture.
Conclusion : Paris doit revoir sa copie
Une reprise est possible, utile même. Mais elle dépend désormais exclusivement de la France.
Conditions :
- Reconnaître l’erreur sur le Sahara occidental,
- Abandonner la logique de tutelle,
- Respecter les intérêts fondamentaux algériens,
- Renoncer aux conditions unilatérales.
Tant que Paris ne changera pas de cap, Alger continuera de dire non.
Par Belgacem Merbah
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