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Sahara occidental : pourquoi Trump n’a pas pu changer le statut de Guam ou des Îles Vierges, mais le Maroc croit qu’il peut le faire pour le Sahara occidental ?

Depuis 1963, le Sahara occidental figure sur la liste des territoires non autonomes des Nations Unies, en attente d’un processus de décolonisation. Ce statut, confirmé à maintes reprises par l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité, signifie qu’aucune puissance ne peut en revendiquer la souveraineté sans l’expression libre du peuple sahraoui à travers un référendum d’autodétermination.

Pourtant, en décembre 2020, le Maroc s’est engouffré dans une brèche politique : la reconnaissance unilatérale de Donald Trump de sa prétendue souveraineté sur le territoire, en échange de sa normalisation avec Israël. Une démarche diplomatiquement cynique, mais surtout juridiquement vide de sens. Car si même les États-Unis ne peuvent modifier le statut de leurs propres territoires non autonomes, comment une signature présidentielle pourrait-elle redessiner les frontières du droit international ?

 

Les États-Unis et leurs territoires non autonomes : la souveraineté suspendue

Les États-Unis administrent plusieurs territoires placés sous le régime des territoires non autonomes de l’ONU :
  • Guam,
  • les Îles Vierges américaines,
  • les Samoa américaines.

Ces territoires, bien que sous administration américaine, n’appartiennent pas pleinement aux États-Unis au sens du droit international. Le Chapitre XI de la Charte des Nations Unies impose aux puissances administrantes le devoir de promouvoir l’autonomie politique des peuples concernés, jusqu’à ce qu’ils choisissent librement leur avenir.

Les États-Unis, malgré leur puissance, ne peuvent pas décider unilatéralement de l’avenir de ces territoires. Même Donald Trump, qui a rêvé d’acheter le Groenland ou de remodeler l’ordre mondial selon sa volonté, n’a jamais pu modifier leur statut juridique. Aucun référendum n’a été organisé, aucune annexion n’a été validée, aucun retrait de la liste onusienne n’a été obtenu.

En somme, la souveraineté sur ces territoires reste en suspens, tant que leurs populations n’ont pas exercé leur droit à l’autodétermination.

Le cas du Sahara occidental : l’illusion d’une souveraineté fabriquée

Le Maroc, contrairement aux États-Unis, ne dispose d’aucun statut administratif reconnu sur le Sahara occidental. Depuis le retrait de l’Espagne en 1975, le territoire est considéré par l’ONU comme sans puissance administrante. En d’autres termes, aucun État ne détient de souveraineté légale sur cette terre tant qu’un référendum n’a pas eu lieu.

La proclamation de Donald Trump en 2020, s’inscrivant dans la logique transactionnelle des Accords d’Abraham, ne modifie rien à cet état de droit. Elle ne fut ni validée par le Congrès américain, ni reconnue par l’ONU, ni suivie d’un quelconque acte juridique international.

C’est un geste politique sans effet juridique, une simple déclaration présidentielle motivée par des intérêts de court terme — la consolidation du front pro-israélien — et non par le respect du droit international.

Ainsi, pendant que Washington demeure juridiquement lié par ses obligations envers Guam et les Îles Vierges, Rabat se convainc qu’une promesse éphémère d’un président sortant suffit à effacer un demi-siècle de droit international.

Une contradiction flagrante et une leçon de droit international

Cette situation révèle une contradiction d’une rare évidence :
  • Les États-Unis, puissance mondiale, reconnaissent la limite de leur souveraineté sur leurs propres territoires non autonomes.
  • Le Maroc, État non administrant, prétend exercer une souveraineté pleine sur un territoire qu’il occupe militairement, sans mandat ni légitimité internationale.
  • Et le droit international, dans sa clarté, établit qu’aucune souveraineté ne peut naître de la force ou d’une reconnaissance bilatérale.
L’ONU, à travers ses résolutions successives, n’a jamais cessé de réaffirmer le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination. Ce principe n’est pas une option politique : c’est un impératif juridique, fondé sur la Charte des Nations Unies et le principe du respect des frontières héritées de la décolonisation.

Conclusion : la souveraineté ne s’improvise pas

Le cas du Sahara occidental illustre l’une des plus grandes leçons du droit international contemporain : la souveraineté ne se décrète pas, elle se légitime.

Elle ne se fonde ni sur les tweets d’un président américain, ni sur les deals géopolitiques conclus dans le secret des chancelleries. Elle repose sur le consentement des peuples et la légalité internationale.

Ni Donald Trump, ni Joe Biden, ni aucun autre dirigeant ne peut effacer, d’un trait de plume, le droit imprescriptible d’un peuple à disposer de lui-même.

Tant que ce référendum n’aura pas eu lieu, le Sahara occidental restera ce qu’il est : un territoire non autonome, occupé, mais jamais annexé.

Et l’histoire, comme le droit, retiendront qu’aucune puissance, aussi influente soit-elle, n’a le pouvoir de réécrire la vérité juridique.

Par Belgacem Merbah



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