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L’ingérence américaine dans le Sud algérien : une pression géostratégique déguisée en bienveillance

Le 9 octobre 2025, le New Lines Institute publiait un article signé Ty Dávila intitulé "U.S. Engagement With Algeria’s Tuareg Is a Strategic Imperative". Sous des apparences de bienveillance et de coopération, ce texte révèle une tentative manifeste d’ingérence dans les affaires internes de l’Algérie, en particulier dans ses régions sahariennes peuplées de communautés touarègues. L’analyse de ce document, de ses auteurs et de son contexte institutionnel met en lumière une stratégie américaine visant à influencer la politique algérienne au profit de ses intérêts géopolitiques.

Une ingérence sous couvert de développement

L’article propose trois axes d’intervention : la recherche participative, l’aide localisée et l’engagement des diasporas touarègues. Présentées comme des alternatives aux interventions militaires, ces mesures constituent en réalité une forme de pénétration douce dans les structures sociales et politiques algériennes. En ciblant les communautés marginalisées, les États-Unis cherchent à créer des relais d’influence internes capables de peser sur les orientations nationales.
Cette approche ignore volontairement les efforts déjà déployés par l’État algérien pour intégrer les Touaregs dans les institutions républicaines. L’exemple d’El Hadj Mussa, parlementaire issu de la noblesse touarègue, illustre cette volonté d’inclusion sans ingérence étrangère. L’abolition du système amenokal en 1977 n’a pas été une suppression violente, mais une adaptation républicaine à une société en mutation.

L’instrumentalisation des vulnérabilités locales

L’article insiste sur la pauvreté, le chômage et l’exclusion dans les régions du sud. Ces réalités, bien que préoccupantes, ne justifient pas une intervention étrangère. Elles relèvent de la responsabilité souveraine de l’État algérien, qui a amorcé des réformes structurelles et des investissements dans les zones frontalières. L’ingérence américaine, en prétendant combler ces lacunes, cherche en réalité à s’implanter dans une région stratégique, riche en hydrocarbures et en ressources minières.

Une logique de compétition géopolitique

L’auteur ne cache pas que l’objectif est de contrer l’influence croissante de la Russie et de la Chine en Afrique du Nord. L’Algérie, partenaire historique de Moscou, est aujourd’hui courtisée par Washington dans le cadre d’une lutte d’influence. La nomination du général russe Sergey Surovikin comme conseiller militaire en Algérie est présentée comme une menace, alors qu’elle s’inscrit dans une coopération bilatérale souveraine.
L’Algérie refuse de devenir un terrain de jeu pour les puissances étrangères. Elle a toujours défendu une politique de non-alignement et de respect de la souveraineté des États. Les tentatives américaines de s’immiscer dans les dynamiques internes, sous prétexte de prévenir l’instabilité, relèvent d’une stratégie néocoloniale déguisée.

Le rôle du New Lines Institute : une vitrine stratégique

Le rapport de Ty Dávila est publié par le New Lines Institute for Strategy and Policy, un think tank basé à Washington D.C., fondé en 2019 par Dr. Ahmed Alwani. Ce centre de réflexion se spécialise dans les questions de géopolitique et de politique étrangère américaine, avec une attention particulière portée aux sociétés musulmanes et aux régions du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord.
Le New Lines Institute est étroitement lié aux cercles décisionnels américains. Plusieurs de ses membres sont d’anciens hauts fonctionnaires ou conseillers du gouvernement américain. Il est reconnu pour ses rapports influents, comme celui sur le traitement des Ouïghours en Chine, utilisé comme source principale par le Uyghur Tribunal pour qualifier les actes du gouvernement chinois de génocide. Ce précédent montre la capacité du think tank à orienter les débats internationaux et à influencer les décisions diplomatiques majeures.
Ce n’est donc pas un simple observateur académique, mais un acteur stratégique qui participe activement à la construction des narratifs géopolitiques américains, souvent en faveur d’une intervention ou d’un repositionnement diplomatique dans des zones jugées sensibles pour les intérêts des États-Unis.

Conclusion : préserver la souveraineté algérienne

L’article de Ty Dávila, bien qu’habillé d’un langage diplomatique, révèle une volonté claire des États-Unis d’influencer les orientations politiques de l’Algérie en exploitant les vulnérabilités locales. Cette stratégie, loin d’être neutre, s’inscrit dans une logique de compétition géopolitique où l’Algérie est sommée de choisir son camp.
Face à cette pression, l’Algérie doit rester fidèle à ses principes de souveraineté, de non-ingérence et de solidarité régionale. Le développement des régions du sud doit être conduit par les Algériens, pour les Algériens, sans ingérence étrangère. Toute tentative de manipulation ou de pression déguisée doit être dénoncée avec fermeté, afin de préserver l’indépendance politique et la cohésion nationale du pays.


Par Belgacem Merbah



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