Depuis le 7 octobre, le monde observe, impuissant ou complice, l’une des plus terribles séquences de l’histoire contemporaine. Les bombardements incessants sur Gaza, les quartiers transformés en ruines, les hôpitaux anéantis, les enfants mutilés et les familles décimées — tout cela n’a pas provoqué, dans les capitales occidentales, la même indignation que d’autres tragédies. Le contraste est saisissant : les principes universels, si souvent brandis par l’Occident, se sont effondrés face à la réalité palestinienne.
Une morale à géométrie variable
Dès le 7 octobre, le discours officiel s’est figé : Israël aurait « le droit de se défendre ». Depuis, des dizaines de milliers de civils palestiniens ont été tués, mais le récit dominant demeure celui de la « riposte ». Si un autre État, dans un autre contexte, infligeait de telles destructions à un peuple assiégé, la communauté internationale crierait au génocide, les chancelleries s’agiteraient, et la Cour pénale internationale s’empresserait d’agir. Mais quand il s’agit de Gaza, les mots changent, les principes se taisent, et les valeurs deviennent optionnelles.
Ce deux poids deux mesures n’est pas une maladresse diplomatique : c’est un choix conscient, une hiérarchie assumée des vies humaines. L’enfant palestinien ne vaut pas, dans les regards occidentaux, l’enfant ukrainien. Le sang des peuples colonisés continue, même au XXIᵉ siècle, de valoir moins cher que celui des puissants.
La résistance criminalisée, l’occupation légitimée
On répète qu’il faut condamner toute violence. Mais seule celle des opprimés est jugée illégitime. La résistance palestinienne est criminalisée, tandis que l’occupation, la colonisation et le blocus sont présentés comme des « mesures de sécurité ».
Depuis des décennies, la même rhétorique se répète : la victime est sommée d’être docile, de souffrir en silence, tandis que l’oppresseur revendique le droit à la brutalité. On veut d’un peuple occupé qu’il se comporte comme un spectateur de sa propre disparition.
La faillite morale des valeurs occidentales
Le 7 octobre n’a pas seulement déclenché une guerre : il a révélé une faillite morale. Celle d’un Occident qui se prétend porteur de droits humains mais qui ferme les yeux lorsque ces droits sont foulés au sol par ses alliés. Les valeurs dites « universelles » ont perdu leur universalité : elles ne valent plus que pour certains.
Liberté, dignité, justice — ces mots sonnent creux quand ils ne s’appliquent pas à tous. Ce n’est plus l’humanité qui fonde la valeur de la vie, mais la nationalité, la religion ou l’alignement politique.
Un système, pas une exception
L’Occident n’est pas seulement coupable de silence : il est complice d’un système. Un système qui trie les souffrances, qui maquille le colonialisme en démocratie et la domination en humanisme. Chaque bombe tombée sur Gaza est aussi une bombe sur la crédibilité de ceux qui se disent gardiens du droit international.
Ce deux poids deux mesures n’est pas un accident moral, c’est le reflet d’un ordre mondial bâti sur l’injustice, où la puissance crée la légitimité. Et tant que cet ordre perdurera, la paix restera un mirage.
La dignité d’un peuple debout
L’histoire retiendra qu’en 2023 et 2024, face à un peuple qu’on voulait effacer, les puissants ont choisi le silence. Mais elle retiendra aussi que ce peuple n’a pas cédé. Que, dans les ruines et la douleur, les Palestiniens ont continué à résister — seuls, mais debout.
Parce qu’au bout du compte, ce ne sont pas les bombes qui décident de la justice, mais la mémoire. Et la mémoire, elle, n’oubliera rien.
Par Belgacem Merbah
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