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La visite de Bourita à Moscou : un échec diplomatique face à la fermeté russe sur le Sahara occidental

La visite du ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, à Moscou, censée renforcer les liens entre Rabat et la Russie, s’est transformée en véritable fiasco diplomatique.

Derrière les formules diplomatiques et les sourires convenus, cette rencontre a mis en évidence l’incapacité du Maroc à convaincre la Russie d’accepter le fait accompli au Sahara occidental, et de reconnaître, même implicitement, la prétendue souveraineté marocaine sur le territoire.


■ La position russe : la primauté du droit international

Lors de la conférence de presse conjointe avec Sergueï Lavrov, Bourita a tenté d’afficher une convergence de vues en déclarant :

« Nous sommes d’accord que les solutions doivent être conformes au droit international. »

Or, cette affirmation, loin d’être une victoire diplomatique, souligne au contraire la prééminence de la position russe, fidèle à son principe de respect du droit international et des résolutions onusiennes.

En insistant sur la légalité internationale comme base de toute solution, la Russie a implicitement réaffirmé son refus de cautionner le projet marocain d’« autonomie » imposé unilatéralement, et son attachement au droit du peuple sahraoui à l’autodétermination.

Ainsi, en cherchant à montrer une entente avec Moscou, Bourita a, en réalité, validé la même approche que celle de l’Algérie : celle d’un règlement fondé sur la légitimité internationale et non sur le fait accompli colonial.

■ Le mirage de la “nouvelle dynamique”

Bourita a tenté de donner un souffle politique à son déplacement en évoquant une « nouvelle dynamique » autour du dossier du Sahara occidental, en référence aux quelques reconnaissances partielles arrachées par le Maroc, notamment celle de l’administration Trump en 2020.

Mais ce discours n’a trouvé aucun écho à Moscou. La diplomatie russe, d’une constance exemplaire sur ce dossier, n’a laissé place à aucune ambiguïté :

le statut du Sahara occidental n’a pas changé, et toute solution doit passer par les instances des Nations unies.

Autrement dit, la Russie n’a pas bougé d’un millimètre de sa ligne traditionnelle, ce qui réduit la visite de Bourita à une simple opération de communication interne, sans le moindre gain concret.

■ Une diplomatie d’apparat

Aucune déclaration commune, aucun communiqué significatif, aucune mention d’un quelconque soutien russe à la position marocaine : le bilan de la visite est vide.

En évoquant le “rôle clé” de la Russie comme membre permanent du Conseil de sécurité, Bourita a voulu flatter Moscou dans l’espoir d’obtenir une ouverture diplomatique. Mais les Russes, pragmatiques et fidèles à leurs principes, se sont contentés de rappeler leur engagement envers la légalité internationale.

Cette absence de résultat concret illustre un problème plus large : la diplomatie marocaine semble enfermée dans une stratégie de relations publiques, misant sur des effets d’annonce plutôt que sur de réelles convergences politiques.

■ Un alignement involontaire avec la position algérienne

Le plus frappant dans cette séquence, c’est que le discours de Bourita à Moscou rejoint presque mot pour mot les principes défendus depuis toujours par l’Algérie :
  • primauté du droit international ;
  • rejet des solutions unilatérales ;
  • attachement au cadre onusien comme seule voie légitime de règlement.
Ainsi, en voulant obtenir le soutien de la Russie, le Maroc a fini par entériner la lecture algérienne du dossier.

Moscou, par sa fermeté, a rappelé que la question du Sahara occidental n’est pas une affaire bilatérale entre le Maroc et l’Algérie, mais un dossier de décolonisation inscrit à l’agenda des Nations unies.

■ Conclusion

La visite de Nasser Bourita à Moscou aura donc confirmé une réalité dérangeante pour Rabat :

malgré ses efforts diplomatiques et ses alliances conjoncturelles, le Maroc n’a pas réussi à imposer sa narration du conflit auprès des grandes puissances.

Loin d’un succès, cette visite a mis en lumière l’isolement croissant du Maroc sur la scène internationale, et la solidité du consensus autour du droit du peuple sahraoui à disposer de lui-même.

En voulant rallier la Russie à sa cause, Bourita a fini par donner raison à Alger :

le seul cadre légitime pour résoudre la question du Sahara occidental reste celui du droit international et des résolutions des Nations unies — une vérité que ni les manœuvres diplomatiques, ni les campagnes médiatiques ne pourront dissimuler.

Par Belgacem Merbah



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