Sécurité nationale et droit international : comment l’Algérie peut adapter sa politique migratoire en contexte de tensions régionales
Depuis plusieurs années, les relations entre l’Algérie et le Maroc sont marquées par des différends diplomatiques, des accusations d’ingérence et la rupture officielle des relations en 2021. Dans ce climat tendu, la question du contrôle des ressortissants étrangers, en particulier ceux originaires de pays avec lesquels les relations sont dégradées, se pose avec acuité.
L’Algérie, comme tout État souverain, dispose du droit de protéger sa sécurité nationale. La mise en place de mesures spécifiques de contrôle ou de surveillance n’est pas en soi une discrimination interdite, à condition qu’elle respecte le droit international.
1. Le cadre juridique : souveraineté et limites
- Souveraineté nationale : le droit coutumier et la Charte des Nations Unies reconnaissent à chaque État la compétence exclusive de décider qui peut entrer, résider ou être expulsé de son territoire.
- Distinction légale vs discrimination : le Pacte international relatif aux droits civils et politiques interdit la discrimination arbitraire, mais admet des différences de traitement fondées sur un objectif légitime (sécurité, ordre public, santé publique) si elles sont proportionnées.
- Précédents internationaux : contrôle renforcé des ressortissants de certains pays pendant la guerre froide, régimes de visas spéciaux en cas de conflit, sanctions ciblées décidées par l’ONU ou par des États individuellement.
2. Les raisons sécuritaires invoquées par l’Algérie
- Contexte géopolitique : tensions persistantes autour du Sahara Occidental, accusations réciproques d’espionnage, rivalité régionale.
- Risque d’infiltration et de réseaux illégaux : comme tout État, l’Algérie doit pouvoir évaluer les risques liés à la criminalité transfrontalière (trafic de drogue, contrebande, migration irrégulière).
- Proportionnalité des mesures : un traitement différencié peut consister en contrôles renforcés aux frontières, vérifications documentaires plus strictes, ou procédures de résidence plus exigeantes, mais toujours avec un examen individuel et des garanties de recours.
3. Outils politiques et administratifs
- Régimes de visas différenciés : de nombreux pays appliquent des régimes de visas distincts selon la nationalité, justifiés par la sécurité ou la réciprocité.
- Surveillance ciblée : contrôles administratifs plus fréquents, en veillant à ne pas recourir à des expulsions collectives automatiques.
- Coopération régionale : accords avec les pays voisins et avec les organisations internationales pour gérer les flux migratoires, renforcer le partage d’informations et éviter l’isolement diplomatique.
4. Éviter la stigmatisation et préserver l’État de droit
Pour que ces mesures soient légitimes et durables :
- Elles doivent s’appuyer sur des données vérifiables et des critères clairs.
- Elles doivent respecter les droits fondamentaux : accès à un recours juridique, interdiction des traitements inhumains, interdiction des expulsions collectives.
- La communication officielle doit insister sur la distinction entre gouvernement et population : la politique vise la protection de l’État, non la diabolisation d’un peuple.
Conclusion
L’Algérie a le droit – et même le devoir – d’adapter sa politique migratoire lorsqu’elle estime que sa sécurité nationale est en jeu. Mais ce droit s’exerce dans un cadre précis : mesures proportionnées, individualisées, et compatibles avec ses engagements internationaux.
En affirmant une politique ferme mais juridiquement fondée, l’Algérie peut défendre ses intérêts stratégiques tout en démontrant son attachement à l’État de droit, évitant ainsi que la vigilance sécuritaire ne se transforme en discrimination.
Par Belgacem Merbah
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