La première frappe aérienne israélienne sur le Qatar, qui a visé le 9 septembre 2025 la direction du mouvement Hamas à Doha, a marqué un tournant majeur dans le paysage géopolitique du Moyen-Orient. L’événement n’a pas été une simple opération militaire, mais un signal clair de la volonté d’Israël d’étendre ses frappes au cœur même du monde arabe, soulevant des interrogations cruciales sur la portée réelle et la durabilité de la puissance aérienne israélienne.
Ces évolutions se sont inscrites dans le sillage de la chute de l’État syrien en décembre 2024 et du démantèlement de l’armée arabe syrienne, qui avait longtemps constitué la principale force régionale capable de contenir l’expansionnisme israélien. Depuis cet effondrement, Israël s’est empressé de combler le vide stratégique, multipliant les frappes aériennes contre des cibles en Iran, au Liban, en Tunisie et au Yémen, parallèlement à son offensive continue contre Gaza.
La puissance aérienne israélienne : supériorité réelle ou illusion exploitée ?
Bien que présenté comme le plus puissant de la région, l’arsenal aérien israélien révèle en réalité d’importantes fragilités structurelles. Sa colonne vertébrale reste composée d’avions F-15 et F-16 vieillissants, pour la plupart dépourvus de radars modernes à antenne active et des caractéristiques dites de « génération 4+ ». Quant aux F-35 américains, derniers venus, leur nombre demeure trop limité pour assurer une supériorité totale et prolongée.
Ainsi, la capacité d’Israël à élargir le champ de ses frappes ne découle pas tant de sa modernisation technologique que de l’extrême vulnérabilité de ses adversaires, dont les États sont affaiblis, les armées fragmentées, et les défenses aériennes largement inadaptées.
L’Algérie : un bastion solide dans un environnement fragile
Face à cette fragilité régionale, l’Algérie apparaît comme l’unique État arabe ayant investi méthodiquement dans une architecture de défense aérienne moderne et indépendante. Contrairement à la majorité de ses voisins, Alger a délibérément refusé la dépendance aux systèmes occidentaux, privilégiant les acquisitions russes et chinoises. Cette orientation lui a permis non seulement d’obtenir des équipements plus avancés, mais surtout de préserver une liberté d’action politique et opérationnelle.
La défense aérienne algérienne repose sur une combinaison de systèmes longue portée tels que les S-300PMU-2, S-400 russes et le HQ-9 chinois, renforcés par des systèmes moyens comme le Buk-M2. Sur le plan aérien, l’Algérie aligne plus de 70 chasseurs lourds Su-30MKA, récemment épaulés par les redoutables Su-35 et les MiG-29M multirôles. Cette panoplie forme un ensemble intégré capable non seulement d’interdire tout raid ennemi, mais aussi de riposter de manière crédible.
La montée en puissance de ces capacités a été accélérée après 2011, lorsque la Libye a subi une campagne aérienne occidentale dévastatrice qui a conduit à l’exécution de son dirigeant et à l’effondrement de l’État. Pour Alger, la leçon était claire : un pays arabe sans bouclier aérien est un pays condamné à l’ingérence et au chaos.
La dépendance militaire arabe vis-à-vis de l’Occident
À l’opposé du modèle algérien, la plupart des pays arabes demeurent piégés dans une dépendance chronique aux systèmes occidentaux. L’exemple de l’Égypte est révélateur : sa flotte de F-16 est notoirement sous-dotée en technologies de pointe, avec des versions export volontairement dégradées. L’Arabie saoudite et la Jordanie, malgré des budgets militaires colossaux, utilisent des systèmes dont les codes sources restent sous contrôle occidental, limitant drastiquement leur usage contre Israël ou l’OTAN.
Cette dépendance entretient une double faiblesse : technologique, par l’infériorité intrinsèque des systèmes livrés, et politique, par l’impossibilité de les utiliser en toute souveraineté. Les frappes israéliennes et occidentales dans la région témoignent de cette réalité : elles se déroulent sans crainte d’une riposte crédible.
Quant à l’Iran, malgré ses avancées balistiques, il ne dispose pas encore d’un réseau de défense aérienne aussi intégré que celui de l’Algérie. La chute de la Syrie et la fragmentation de la Libye n’ont fait qu’accentuer l’isolement d’Alger dans ce domaine.
L’Algérie : dernier rempart de l’espace arabe
À mesure qu’Israël étend son champ d’action aérien au cœur du monde arabe, l’importance stratégique de la posture algérienne se confirme. En refusant la dépendance aux fournisseurs occidentaux, l’Algérie a préservé son autonomie décisionnelle et sa souveraineté technologique. Elle demeure aujourd’hui la seule nation arabe capable de contester sérieusement une incursion israélienne ou même atlantiste dans son espace aérien.
De facto, l’Algérie s’impose comme le dernier rempart du ciel arabe. Forte des leçons de l’histoire et des tragédies vécues par la Libye, la Syrie et l’Irak, elle a choisi de protéger son indépendance par la maîtrise de son ciel. Car, en vérité, la souveraineté d’une nation commence par ses airs : une patrie dont l’espace aérien est ouvert à l’ennemi est une patrie déjà vaincue.
Par Belgacem Merbah
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