Algérie-Mali : une crise diplomatique à la croisée du droit international et de la sécurité régionale
La relation historique entre l’Algérie et le Mali, longtemps marquée par la coopération et la médiation régionale, traverse une période de tensions inédites. Entre le dépôt par Bamako d’une plainte contre l’Algérie devant la Cour internationale de Justice (CIJ) et la contestation par Alger d’une intrusion aérienne présumée, le différend met en lumière les enjeux du droit international, de la souveraineté nationale et de la sécurité régionale dans le Sahel.
1. Une plainte contestée et un timing surprenant
Le 16 septembre 2025, la CIJ a confirmé avoir reçu une requête du gouvernement malien contre l’Algérie. Cette démarche a été immédiatement qualifiée de « manœuvre politique » par Alger, qui dénonce le contraste entre la prétention de Bamako à respecter le droit international et sa situation intérieure fragile, dominée par une junte militaire.
Le moment choisi pour cette plainte est particulièrement révélateur : elle intervient alors que Bamako est encerclé par des éléments du JNIM (Jama’at Nusrat al-Islam wal-Muslimin) dans plusieurs zones stratégiques du pays. Pour Alger, ce dépôt de plainte ressemble à une tentative de diversion, visant à détourner l’attention de l’opinion publique malienne des crises sécuritaire et politique majeures auxquelles le pays est confronté.
2. Violation présumée de l’espace aérien : un enjeu sécuritaire
Parallèlement, Alger affirme détenir des preuves techniques montrant qu’un drone militaire malien a pénétré l’espace aérien algérien avant d’être neutralisé par la défense antiaérienne. Ces preuves comprennent :
- Des données radar et satellites horodatées.
- Des rapports détaillés de la chaîne de commandement militaire.
Selon le ministère des Affaires étrangères, ces éléments constituent un dossier solide qui sera présenté à la CIJ si nécessaire, démontrant que la sécurité nationale et la souveraineté territoriale restent des priorités absolues pour l’Algérie.
3. Un contexte régional sensible
Cette crise se déroule dans un Sahel déjà fragilisé :
- Les accords de paix d’Alger de 2015 n’ont pas été pleinement appliqués.
- La montée en puissance des régimes militaires au Mali et l’affaiblissement de la CEDEAO compliquent la coopération régionale.
- Les incursions et pressions exercées par des groupes terroristes comme le JNIM accentuent la vigilance algérienne face aux menaces transfrontalières.
4. La position algérienne
L’Algérie, tout en réaffirmant son respect absolu pour la Cour internationale de Justice et le droit international, rejette ce qu’elle considère comme une instrumentalisation politique du système judiciaire international.
Alger se dit prête à présenter des preuves irréfutables, tant sur le plan juridique que technique, démontrant que l’espace aérien national a été violé et que le recours de Bamako à la CIJ relève davantage de considérations internes que d’un réel litige bilatéral.
Conclusion
Le différend entre Alger et Bamako est à la fois juridique, stratégique et sécuritaire : il mêle questions de souveraineté, sécurité régionale et instrumentalisation politique. Pour l’Algérie, la solution ne peut être que fondée sur le respect des normes internationales et la reconnaissance de la légitimité historique de ses frontières, tout en mettant en lumière les responsabilités internes du Mali face aux crises qui menacent son intégrité et sa stabilité.
Dans cette affaire, le droit international et la diplomatie régionale seront mis à l’épreuve, et la capacité des deux pays à gérer leur différend avec rigueur et responsabilité déterminera l’équilibre futur du Sahel.
Par Belgacem Merbah
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