Ces dernières semaines, le média marocain Assahifa a publié un article prétendant que l’acquisition par l’Algérie de bombardiers tactiques Sukhoï Su-34 et de chasseurs furtifs de cinquième génération Sukhoï Su-57 ne constituerait pas un réel avantage stratégique face au programme de modernisation aérienne du Maroc, centré sur les F-16 Block 72 et les hélicoptères Apache AH-64E.
Le ton est clair : minimiser la supériorité technologique algérienne et entretenir l’illusion d’un « match équilibré ». Pourtant, une analyse technique et opérationnelle sérieuse montre que cette comparaison relève davantage de la communication politique que de l’évaluation militaire.
1. Des plateformes sans commune mesure
- Sukhoï Su-34 “Fullback” : bombardier tactique lourd, conçu pour frapper à longue distance (3000–4000 km de rayon d’action), capable d’emporter plus de 8 tonnes d’armement, avec des systèmes avancés de navigation, de pénétration et de frappe de précision.
- Sukhoï Su-57 : chasseur multirôle furtif de 5ᵉ génération, combinant furtivité, super-manœuvrabilité, radars AESA multifacettes, et capacités air-air/air-sol de dernière génération.
- F-16 Block 72 : chasseur léger monomoteur de 4ᵉ génération améliorée, performant dans un cadre OTAN, mais limité en rayon d’action, en charge utile et en furtivité face à des plateformes lourdes et furtives comme le Su-57.
Comparer un bombardier stratégique ou un chasseur de 5ᵉ génération à un F-16, c’est comme comparer un camion lourd à un break de sport : les deux sont utiles, mais pas pour la même mission, et la puissance de projection n’est pas équivalente.
2. Des doctrines différentes, mais un écart de puissance réel
L’Algérie a fait le choix d’une doctrine de frappe lourde à longue distance, visant à maintenir un rayon d’action capable de neutraliser des cibles stratégiques à plusieurs milliers de kilomètres. Les Su-34 et Su-57, associés aux Su-30MKA déjà en service, donnent à l’Armée de l’Air algérienne une capacité de projection et de dissuasion qui dépasse largement la sphère régionale.
Le Maroc, pour sa part, adopte une doctrine d’interopérabilité et de standardisation OTAN, centrée sur la modernisation de plateformes existantes (F-16, Apache). C’est une logique de défense réactive, adaptée à un cadre de coalition, mais sans réelle autonomie stratégique lourde.
3. L’illusion du « match »
L’article d’Assahifa tente de présenter la situation comme un « équilibre qualitatif » :
- D’un côté, « le poids » algérien avec Sukhoï.
- De l’autre, « la réactivité réseau-centrée » marocaine avec F-16 modernisés.
La réalité est qu’en termes de capacité brute de frappe, de portée opérationnelle et de dissuasion stratégique, l’Algérie se situe plusieurs crans au-dessus.
Les F-16 marocains, même modernisés (ce qui reste à prouver, car le Maroc ne dispose en réalité que d'une quantité limitée de F16 Viper), ne peuvent ni égaler la portée, ni la charge utile, ni la furtivité d’un Su-57 ou la puissance de frappe d’un Su-34.
4. Facteurs logistiques et géopolitiques
L’article d’Assahifa insiste sur la dépendance algérienne à la Russie. C’est vrai que les sanctions et la guerre en Ukraine peuvent ralentir certaines livraisons. Mais :
- L’Algérie a historiquement maintenu un haut niveau de disponibilité de ses appareils russes grâce à une autonomie algérienne dans la maintenance des appareils et à une diversification des chaînes d’approvisionnement.
- Le Maroc, lui, est entièrement dépendant de la logistique et de la volonté politique américaine pour ses pièces détachées, ses armements et son soutien technique. En cas de crise diplomatique avec Washington, sa flotte serait immédiatement vulnérable.
5. Au-delà des plateformes : la profondeur stratégique
Une armée de l’air ne se juge pas uniquement à ses avions, mais à l’ensemble du système : doctrine, formation des pilotes, réseaux de défense aérienne, capacités de frappe à longue portée, indépendance technologique.
Sur tous ces points, l’Algérie conserve :
- Une couverture radar et une défense aérienne du territoire parmi les plus denses d’Afrique.
- Des appareils capables de mener des missions à très longue portée.
- Une doctrine nationale indépendante, non soumise aux priorités militaires d’une puissance étrangère.
Conclusion :
Présenter les F-16 marocains comme un équivalent stratégique aux Sukhoï algériens relève de la fiction médiatique. L’Algérie dispose d’une capacité de projection lourde, furtive et autonome, alors que le Maroc reste dans un schéma défensif dépendant de Washington.
Ce n’est pas « un match », c’est un rapport de force asymétrique — et les faits techniques, eux, ne se maquillent pas avec de la propagande.
Par Belgacem Merbah
Source :
تزامنا وتعزيز المغرب لعتاده العسكري.. الجزائر على أعتاب تسلم قاذفات سو-34 ومقاتلات سو-57
Je partage entièrement votre avis, mais j’ajouterais que sur le plan sol-air, l’Algérie détient un avantage clair grâce au S300 et a l’acquisition récente de systèmes avancés (S-400) et à la densité de ses réseaux SAM en plus des système courte et moyenne portée. L’Algérie peut créer une zone A2/AD (Anti-Access/Area Denial) efficace, forçant l’adversaire à opérer à des distances sécurisées ou à risquer de lourdes pertes. En ce qui concerne la flotte aérienne, il est indéniable que l’Algérie se doit d’avoir une flotte efficace d’AWACS en plus d’acquérir des BVR modernes.
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