La tension entre Paris et Alger vient de franchir un nouveau cap. Dans une lettre adressée au Premier ministre François Bayrou, et révélée par Le Figaro, Emmanuel Macron affirme qu’il n’a « pas d’autre choix que d’adopter une approche de plus grande fermeté » vis-à-vis de l’Algérie. Ce tournant marque un durcissement stratégique, au terme de six mois de brouille diplomatique marquée par des incidents successifs et des divergences profondes.
Une crise alimentée par des tensions politiques et judiciaires
Le chef de l’État français justifie cette inflexion par une série de griefs à l’encontre d’Alger. En première ligne, l’incarcération en Algérie de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, condamné à cinq ans de prison ferme pour « atteinte à l’unité nationale », et celle du journaliste français Christophe Gleizes, écopant de sept ans pour « apologie du terrorisme ».
À cela s’ajoutent, selon Paris, le non-respect par Alger de ses engagements en matière de réadmission des migrants en situation irrégulière, ainsi que la suspension de la coopération consulaire par les 18 représentations diplomatiques algériennes en France.
Les mesures envisagées par l’Élysée
Parmi les dispositions évoquées, Emmanuel Macron réclame la suspension formelle de l’accord de 2013 sur les exemptions de visa pour les détenteurs de passeports officiels et diplomatiques. Cette mesure viendrait acter une réalité déjà amorcée depuis mai 2025, lorsque le Quai d’Orsay avait annoncé le renvoi en Algérie d’agents diplomatiques ne disposant pas de visa valide, en représailles à l’expulsion de fonctionnaires français par Alger.
Le président français exige également l’activation du « levier visa-réadmission » prévu par la loi immigration de 2024, permettant de restreindre drastiquement l’octroi de visas aux ressortissants algériens, y compris pour les séjours de longue durée.
Un contexte historique de tensions récurrentes
Les relations franco-algériennes sont coutumières de crises cycliques, souvent attisées par des divergences mémorielles, migratoires ou géopolitiques. Cependant, la posture actuelle de l’Élysée s’inscrit dans un climat international plus tendu, marqué par la compétition d’influence en Afrique du Nord et au Sahel, ainsi que par une montée des discours politiques musclés à Paris.
La probable riposte d’Alger : fermeté et réciprocité
Historiquement, Alger répond aux pressions extérieures par une logique de réciprocité. Dans ce cas précis, plusieurs scénarios de riposte sont envisageables :
- Durcissement des restrictions diplomatiques : limitation des activités consulaires françaises en Algérie, voire expulsion supplémentaire de diplomates.
- Gel de certaines coopérations bilatérales : suspension partielle de la coopération sécuritaire et migratoire, particulièrement dans les dossiers sensibles du Sahel et de la Méditerranée.
- Offensive médiatique et politique : mobilisation des canaux diplomatiques et médiatiques pour dénoncer la « pression néocoloniale » française, avec un discours patriotique renforcé sur la souveraineté nationale.
- Rapprochement stratégique avec d’autres partenaires : intensification des liens avec la Russie, la Chine et les pays africains francophones en rupture avec Paris, afin de réduire la dépendance aux canaux diplomatiques français.
Une relation à l’épreuve
Le bras de fer qui s’engage pourrait avoir des répercussions bien au-delà du champ diplomatique. Les flux commerciaux, la coopération universitaire, les échanges humains et même la mémoire coloniale risquent d’être instrumentalisés dans cette nouvelle phase de confrontation.
Si Paris espère obtenir des concessions par la pression, Alger pourrait au contraire renforcer son discours souverainiste et utiliser cette crise pour consolider l’unité nationale autour d’un adversaire extérieur identifié. Dans cette optique, la riposte algérienne devrait être calibrée pour ne pas apparaître comme une réaction émotionnelle, mais comme la défense légitime des intérêts vitaux du pays.
Par Belgacem Merbah
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