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Le mirage diplomatique marocain autour du Sahara Occidental : entre euphorie médiatique et réalité juridique immuable

La presse marocaine, dans un élan d’euphorie quasi-triomphale, a salué avec fracas le message adressé par l’ancien président américain Donald Trump au roi Mohammed VI à l’occasion de la Fête du Trône. Dans cette lettre, le chef de la Maison-Blanche réaffirmait la reconnaissance américaine de la prétendue souveraineté marocaine sur le Sahara Occidental, annoncée en décembre 2020. Pour Rabat, cette réitération constitue un signe de validation internationale et un jalon de plus vers la normalisation définitive de l’annexion.


Or, derrière cette agitation médiatique et diplomatique, une vérité incontournable s’impose : ce message, aussi symbolique soit-il, ne change strictement rien au statut juridique du Sahara Occidental. La réalité du droit international, gravée dans les résolutions des Nations Unies et confirmée par la Cour internationale de Justice, demeure inchangée : le Sahara Occidental est un territoire non autonome, en attente d’un processus de décolonisation.

L’illusion d’une reconnaissance suffisante

Si la reconnaissance par un membre du Conseil de sécurité suffisait à modifier le statut juridique d’un territoire, la France aurait depuis longtemps rayé la Nouvelle-Calédonie ou la Polynésie française de la liste onusienne des territoires non autonomes. Les États-Unis auraient pu faire de même pour les Samoa américaines ou les Îles Vierges américaines. Quant au Royaume-Uni, il aurait aisément effacé les Bermudes ou Gibraltar de cette liste.

La persistance de ces territoires sur le registre officiel des Nations Unies illustre un principe fondamental : la reconnaissance unilatérale par un État, fût-il membre permanent du Conseil de sécurité, ne saurait remplacer le processus multilatéral défini par la Charte des Nations Unies.

I. Le Sahara Occidental : une question de décolonisation, non un dossier bilatéral

Depuis 1963, l’ONU inscrit le Sahara Occidental comme territoire non autonome, soumis à un processus de décolonisation. La résolution 1514 (XV) sur l’octroi de l’indépendance aux peuples coloniaux, adoptée en 1960, établit que « tous les peuples ont le droit à l’autodétermination » et que toute tentative d’annexion est incompatible avec ce droit.

La Cour internationale de Justice, dans son avis consultatif du 16 octobre 1975, a été explicite : aucun lien de souveraineté territoriale n’existe entre le Maroc et le Sahara Occidental qui puisse justifier une annexion.

II. L’initiative marocaine d’autonomie : une proposition unilatérale aux fondements fragiles

En 2007, le Maroc a présenté son « Initiative pour la négociation d’un statut d’autonomie » comme solution politique de compromis. Pourtant, une lecture attentive révèle un plan construit sur un postulat biaisé : la souveraineté marocaine présupposée, alors même que cette souveraineté n’a jamais été reconnue par la communauté internationale.

1. Un processus qui nie l’essence de l’autodétermination

Le plan ne prévoit pas la possibilité d’un choix libre entre indépendance, autonomie ou intégration, condition pourtant indispensable à un référendum conforme aux normes internationales. Il enferme le processus dans le cadre constitutionnel marocain, vidant ainsi de sa substance le droit à l’autodétermination.

2. L’exclusion des représentants légitimes

Le Front Polisario, reconnu par l’ONU comme représentant légitime du peuple sahraoui, n’a pas été consulté dans l’élaboration de ce plan. Cette absence de concertation transforme l’initiative en un instrument unilatéral, imposé plutôt que négocié.

III. Une autonomie factice et un contrôle centralisé

Sous les apparences d’une décentralisation, le plan maintient un contrôle étroit entre les mains du roi :
  • Monopole sur les affaires religieuses, diplomatiques, militaires et judiciaires.
  • Désignation du chef du gouvernement régional par le pouvoir central.
  • Subordination des juridictions régionales aux tribunaux nationaux.
Ces dispositions réduisent l’« autonomie » à un simple habillage institutionnel, dénué de toute souveraineté réelle.

IV. L’exploitation des ressources : une spoliation institutionnalisée

Les phosphates, les zones de pêche, le potentiel énergétique du Sahara Occidental sont exploités par Rabat sans le consentement du peuple sahraoui, en violation des arrêts répétés de la Cour de justice de l’Union européenne (2016, 2018, 2021). Le plan marocain ne propose aucun mécanisme de gestion indépendante, ni de consultation préalable, légitimant ainsi une appropriation économique contraire au droit international.


Conclusion : Le droit comme ultime rempart contre l’annexion

Malgré l’enthousiasme de la presse marocaine et les soutiens diplomatiques ponctuels, le droit international demeure la référence immuable. L’avenir du Sahara Occidental ne se décidera ni par les lettres protocolaires de chefs d’État, ni par des annonces unilatérales, mais par un processus onusien garantissant un référendum libre et impartial, incluant toutes les options, y compris l’indépendance.

La communauté internationale, si elle souhaite préserver la stabilité du Maghreb et la crédibilité de l’ordre juridique international, doit :
  • Rejeter toute solution imposée unilatéralement.
  • Réaffirmer le droit inaliénable du peuple sahraoui à disposer de lui-même.
  • Protéger les ressources naturelles du territoire contre toute exploitation illégale.


Par Belgacem Merbah



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