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L’Armée Nationale Populaire et l’intégration potentielle du Feilong‑60A : vers une évolution tactique et opérationnelle majeure

L’article publié par Akram Kharief sur Menadefense le 2 août 2025 met en lumière un développement stratégique majeur pour l’Armée Nationale Populaire (ANP) : la possibilité pour l’Algérie de devenir le premier client export du Feilong‑60A, une munition rôdeuse modulaire chinoise conçue pour être lancée depuis le système d’artillerie modulaire SR5 déjà en service au sein de l’ANP. Cette acquisition potentielle s’inscrirait dans une continuité logique de la doctrine d’artillerie mobile algérienne et pourrait transformer significativement les capacités tactiques et opérationnelles de l’armée.


1. Le SR5 et la logique modulaire : fondement de la compatibilité

Depuis son adoption par l’ANP, le SR5 de Norinco a été choisi pour sa modularité et sa capacité à tirer une large gamme de munitions, allant des roquettes de 122 mm aux missiles tactiques de 300 mm. Ce choix répondait à une double exigence :
  • Flexibilité tactique face à des menaces variées.
  • Indépendance stratégique vis‑à‑vis des fournisseurs occidentaux.
Le Feilong‑60A s’inscrit parfaitement dans cette architecture, car il peut être lancé depuis les modules déjà en service, sans nécessiter de modification lourde des plateformes ou des procédures. Cette compatibilité réduit le délai entre acquisition et opérationnalisation, offrant à l’ANP un avantage de réactivité stratégique.

2. Le Feilong‑60A : une capacité autonome de frappe de précision

Le Feilong‑60A, ou « Dragon volant », est une munition rôdeuse à usage unique combinant fonctions de détection, de vol autonome, de ciblage et de frappe. Chaque conteneur SR5 peut emporter six unités, soit douze drones prêts à l’emploi par système.

L’atout majeur de cette arme réside dans :
  • Son coût relativement faible (≈ 68 000 USD), bien en deçà des équivalents occidentaux comme le Switchblade 600 (≈ 180 000 USD).
  • Son autonomie de décision tactique grâce à un algorithme embarqué capable d’identifier et d’engager des cibles d’opportunité.
  • Sa polyvalence pour traiter des objectifs fixes ou mobiles, notamment dans des environnements où la défense aérienne est faible ou inexistante.

3. Prospective tactique : l’ANP face à de nouveaux scénarios opérationnels

L’intégration du Feilong‑60A dans la doctrine algérienne ouvre plusieurs perspectives tactiques :
  • Neutralisation préemptive de cibles mobiles (convois, pick-up armés, dépôts logistiques) dans les zones frontalières sensibles.
  • Renforcement des capacités de frappes précises limitant les dommages collatéraux.
  • Capacité de dissuasion régionale grâce à une arme difficile à détecter et à attribuer, ce qui augmente la pression psychologique sur l’adversaire.
Le déploiement de ces munitions, combiné à la mobilité du SR5, confère à l’ANP une capacité de projection rapide et d’action autonome, particulièrement adaptée aux vastes espaces sahariens.

4. Dimension industrielle et autonomie capacitaire

L’expérience algérienne dans la coproduction d’armements chinois (roquettes SR5, véhicules blindés, fusils de précision) laisse entrevoir la possibilité d’une industrialisation locale du Feilong‑60A. Un transfert technologique, même partiel, permettrait :
  • La réduction de la dépendance extérieure pour ce type de système.
  • L’exportation régionale vers des partenaires africains.
  • L’adaptation sur mesure des charges militaires aux besoins spécifiques de l’ANP.

5. Conclusion : une évolution stratégique plus qu’un simple achat

L’acquisition du Feilong‑60A par l’Algérie, si elle se concrétise, ne représenterait pas seulement l’achat d’une munition rôdeuse supplémentaire. Elle marquerait une étape dans la mise en place d’un écosystème modulaire intégré, où la plateforme SR5 devient un véritable pivot de la puissance de feu algérienne.

Sur le plan tactique, ce système offrirait une capacité de frappe de précision asymétrique à faible coût, adaptée aux réalités géographiques et sécuritaires de l’Algérie.

Sur le plan opérationnel et industriel, il ouvrirait la voie à une autonomie capacitaire accrue, dans la continuité des objectifs stratégiques que l’ANP poursuit depuis deux décennies.


Par Belgacem Merbah



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