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Guerre cognitive entre l’Algérie et le Maroc : pourquoi il faut refuser toute ouverture de canaux de communication entre les populations

Dans le contexte actuel de tensions régionales, la guerre entre l’Algérie et le Maroc ne se limite plus aux frontières terrestres ni aux rapports diplomatiques : elle se joue désormais dans le champ invisible, mais redoutable, de la guerre cognitive.

Ce type de confrontation, qui vise à influencer les perceptions, altérer la mémoire collective et façonner la réalité perçue par les masses, constitue aujourd’hui l’axe central de la stratégie marocaine à l’égard de l’Algérie. Face à cette offensive silencieuse, certains prônent l’ouverture de canaux de communication entre les populations, au nom du dialogue et de la fraternité historique.

Je défends l’avis inverse : cette ouverture serait une erreur stratégique majeure.

1. Comprendre la guerre cognitive marocaine

La guerre cognitive repose sur un principe simple : celui qui contrôle l’information contrôle l’opinion, et celui qui contrôle l’opinion contrôle l’action.

Depuis plusieurs années, le Makhzen a investi massivement dans les médias, les réseaux sociaux et les opérations psychologiques afin de reprogrammer la perception de la réalité chez une partie des Algériens, notamment les jeunes générations.

Cette guerre ne se limite pas à la propagande grossière ; elle s’appuie sur des techniques fines :
  • Narratif d’unité factice : présentation d’un Maghreb uni sous leadership marocain, masquant les contentieux historiques et politiques.
  • Soft power culturel : infiltration de contenus musicaux, télévisés et numériques où la marocanité est banalisée et séduisante.
  • Désinformation ciblée : diffusion de rumeurs, fausses nouvelles et récits altérés sur l’histoire algérienne, notamment sur l’identité amazighe, pour créer un doute interne.

2. Les dangers d’ouvrir un canal de communication populaire

Certains estiment que le dialogue entre peuples voisins pourrait désamorcer les tensions. En réalité, dans une guerre cognitive asymétrique, l’ouverture unilatérale de communication profite toujours à celui qui maîtrise le mieux les outils narratifs — et aujourd’hui, c’est le Maroc qui possède cette longueur d’avance médiatique.

Les risques principaux sont clairs :
  • Infiltration des récits marocains : tout canal direct devient une porte ouverte aux messages subtilement orientés qui finiront par influencer les opinions algériennes.
  • Érosion de la cohésion nationale : la propagation d’idées contraires à la position officielle algérienne sur le Sahara Occidental ou sur l’identité nationale pourrait fracturer la société.
  • Affaiblissement de la position diplomatique : un rapprochement « populaire » pourrait être exploité par Rabat pour revendiquer sur la scène internationale que « les peuples veulent l’unité, seuls les gouvernements s’y opposent », inversant ainsi les responsabilités.

3. L’illusion de la symétrie

Un argument souvent avancé par les partisans du dialogue est que la communication permettrait aussi à l’Algérie d’influencer la population marocaine.

Cet argument oublie deux réalités :
  • La population marocaine est sous un contrôle narratif strict : le régime marocain verrouille son espace informationnel et réprime sévèrement les voix dissidentes, rendant toute influence externe limitée.
  • La population algérienne est plus exposée : l’accès aux réseaux sociaux, à la télévision par satellite et aux contenus en ligne marocains est massif et peu filtré, ce qui crée une asymétrie exploitable par Rabat.
En clair : l’ouverture profite au Maroc, pas à l’Algérie.

4. Stratégie défensive : fermer les portes pour protéger l’espace cognitif

Dans une guerre cognitive, la première ligne de défense est la maîtrise de ses canaux d’information. Cela implique :
  • Refus catégorique d’ouverture de dialogues populaires directs : tout échange doit passer par des canaux diplomatiques et contrôlés, non par des plateformes informelles ou culturelles.
  • Renforcement de la souveraineté numérique : surveillance et régulation des flux d’informations venant de sources marocaines.
  • Éducation médiatique : former les citoyens à identifier la désinformation et les narratifs hostiles.
  • Production d’un contre-récit national : investir dans des contenus culturels, historiques et médiatiques qui renforcent l’identité algérienne et l’unité nationale.

5. Conclusion : le prix de la naïveté

Dans la configuration actuelle, ouvrir un canal de communication entre populations algérienne et marocaine reviendrait à ouvrir une brèche dans nos défenses.

Le Maroc, avec son expérience et ses ressources en matière de guerre cognitive, ne manquerait pas de l’exploiter pour miner notre cohésion interne, affaiblir notre position diplomatique et préparer le terrain à ses ambitions régionales.

L’histoire et la géopolitique nous enseignent qu’on ne désarme pas face à un adversaire qui manie l’arme invisible de l’influence : on verrouille ses portes, on renforce ses défenses et on mène sa propre bataille cognitive.


Par Belgacem Merbah



Commentaires

  1. Je n'oublierai jamais quand le maroc a bombardé les camions Algeriens faisant trois victimes en 2022 au sahara occidental en les accusant d'être des mercenaires qui transportaient des armes pour le polisario! 😢 pas d'ouverture des frontieres, pas de khawa khawa !

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