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L’Algérie et l’Italie : un partenariat stratégique en pleine mutation

Dans un contexte géopolitique en recomposition, la relation entre l’Algérie et l’Italie se distingue comme un modèle de coopération équilibrée entre les deux rives de la Méditerranée. À l’occasion de la visite d’État du président Abdelmadjid Tebboune à Rome en juillet 2025, les deux pays ont réaffirmé leur ambition commune de hisser leur partenariat à un niveau exceptionnel, à travers des engagements concrets dans les domaines économiques, énergétiques, diplomatiques et multilatéraux.

1. Une alliance méditerranéenne fondée sur la confiance

Rome a salué la « nature exceptionnelle du partenariat stratégique italo-algérien », le présentant comme un exemple de relations internationales fondées sur le respect mutuel, la souveraineté nationale et la complémentarité. Cette dynamique se distingue dans une Méditerranée souvent marquée par des rapports déséquilibrés entre Nord et Sud.

Sur les grands dossiers internationaux, l’Algérie et l’Italie affichent une convergence remarquable :
  • soutien au processus onusien pour le règlement du conflit du Sahara Occidental,
  • appel conjoint à une cessation immédiate de l’agression israélienne à Gaza,
  • volonté de faciliter l’acheminement sans entrave de l’aide humanitaire.

2. Des échanges économiques dynamiques et diversifiés

📈 Chiffres clés :

  • 14 milliards d’euros de commerce bilatéral en 2024 (+6,7 % au 1er quadrimestre 2025).
  • 8,5 milliards d’euros d’investissements italiens en Algérie.
  • L’Italie est devenue le premier client gazier de l’Algérie, avec plus de 3 milliards d’euros de gaz exportés.
Outre le gaz, la relation commerciale s’élargit à des secteurs stratégiques tels que :
  • l’industrie (ex : partenariat dans l’automobile avec Fiat à Oran),
  • l’agriculture et l’agroalimentaire,
  • les biens d’équipement,
  • les services logistiques et les PME technologiques.
L’approche bilatérale s’inscrit dans une logique de codéveloppement et de transformation structurelle, rompant avec les logiques de dépendance économique du passé.

3. L’énergie, pilier stratégique et levier de transition

Le partenariat énergétique entre Alger et Rome est devenu central pour la sécurité énergétique européenne, notamment après la crise ukrainienne. Mais au-delà du gaz, les deux pays s’engagent ensemble dans la transition vers des énergies propres :

🔋 Projets phares :

  • South H2 Corridor : projet de corridor d’hydrogène vert de 3 300 km entre l’Algérie et l’Europe, avec une capacité visée de 4 millions de tonnes par an dès 2030.
  • Medlink : projet d’interconnexion électrique transméditerranéenne.
  • Développement de l’hydrogène, du solaire et de l’électricité verte, avec la participation de Sonelgaz, Sonatrach, Eni et Snam.
Ces projets positionnent l’Algérie comme un acteur clé de la transition énergétique européenne, tout en stimulant l’innovation et l’industrialisation locale.

4. Le Plan Mattei : vers une coopération euro-africaine équitable

L’Algérie joue un rôle central dans le Plan Mattei, la nouvelle initiative stratégique italienne pour l’Afrique. Doté d’un budget de 3 milliards d’euros sur 4 ans, ce plan vise à rompre avec les politiques d’aide traditionnelles au profit de partenariats gagnant-gagnant.

En Algérie, les priorités sont :
  • la sécurité alimentaire, via des investissements agricoles durables,
  • le renforcement des capacités locales (formation, transfert technologique),
  • le soutien aux chaînes de valeur industrielles régionales.
Ce modèle repose sur une logique de co-souveraineté économique et d’interdépendance maîtrisée, conforme aux revendications africaines de réforme des relations internationales.

5. Diplomatie multilatérale et rééquilibrage euro-maghrébin

Rome soutient activement la renégociation de l’Accord d’association UE–Algérie (2005), jugé déséquilibré par Alger. Les deux capitales plaident pour un Pacte pour la Méditerranée, visant à :
  • renforcer la concertation entre Nord et Sud,
  • relever ensemble les défis migratoires, climatiques et économiques,
  • favoriser un développement équitable dans l’espace méditerranéen.
L’Italie s’impose ainsi comme un partenaire européen de confiance, à rebours des postures néocoloniales ou sécuritaires observées ailleurs.

6. Une relation institutionnalisée et de long terme

Lors du sommet bilatéral de juillet 2025, 13 nouveaux accords ont été signés, touchant à des domaines aussi variés que :
  • l’éducation et la recherche scientifique,
  • la culture et le patrimoine,
  • la défense et la sécurité,
  • la mobilité des citoyens.
Le prochain Sommet intergouvernemental est prévu en 2027 à Alger, témoignant de la volonté des deux États d’ancrer leur coopération dans un cadre institutionnel pérenne.


✅ Conclusion

Face à un monde instable, le partenariat algéro-italien offre un modèle d’équilibre, d’ambition et de pragmatisme, fondé sur des intérêts mutuels clairs. Il dépasse les approches utilitaristes de court terme pour construire un axe stratégique structurant en Méditerranée et en Afrique.

Entre sécurité énergétique, transition verte, codéveloppement industriel et dialogue politique constructif, cette alliance s’inscrit dans une nouvelle grammaire des relations internationales, où le respect, la souveraineté et la coopération gagnant-gagnant sont les fondements d’un avenir partagé.


Par Belgacem Merbah



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