« J’aime la trahison, mais je déteste les traîtres », disait Napoléon. Cette phrase lapidaire, d’une lucidité glaciale, résume parfaitement le sort réservé à ceux qui tournent le dos à leur nation. Non seulement ils finissent méprisés par ceux-là mêmes qu’ils veulent servir, mais ils tombent aussi dans un isolement moral dont aucun prestige médiatique ne peut les sauver. Le cas de Boualem Sansal est emblématique. Celui de Mohamed Sifaoui vient tristement le compléter.
Sansal, rappelons-le, doit tout à l’Algérie. Ce pays l’a porté, nourri, éduqué, promu. Il a exercé des fonctions de responsabilité au cœur de l’État, au ministère de l’Industrie. Il a bénéficié des fruits de l’Algérie indépendante, de son école, de son administration, de sa méritocratie encore balbutiante. Et pourtant, le voici désormais enrôlé dans les rangs des pourfendeurs de la nation, des détracteurs professionnels, de ceux qui, depuis les capitales occidentales, se font un plaisir cynique de noircir l’image du pays.
Mais ce qui choque davantage encore, c’est de voir surgir, en défense de Sansal, un autre visage bien connu de la duplicité algérienne : Mohamed Sifaoui. Lui aussi a quitté l’Algérie pour se faire une carrière en France, non pas comme penseur libre, mais comme spécialiste autoproclamé de l’Algérie qu’il caricature à longueur d’interventions. Sifaoui, qui joue volontiers les parangons de la démocratie et de la laïcité à géométrie variable, se fait aujourd’hui le porte-voix de Sansal. Il le présente comme un « écrivain persécuté », un « intellectuel courageux », une victime du « régime algérien ».
Mais de quoi parle-t-on ? De quel courage s’agit-il, lorsque l’on attaque son pays depuis les salons feutrés de Paris, en étant protégé par la République française, invité par ses médias et célébré par ses élites ? Où est le courage, quand on écrit pour plaire à une intelligentsia qui attend justement qu’on lui livre une Algérie affaiblie, corrompue, décomposée ? Ce n’est pas du courage, c’est du confort idéologique. Une trahison emballée dans le papier cadeau de la liberté d’expression, mais une trahison quand même.
Et Sifaoui, en défendant Sansal, ne fait que projeter sa propre trajectoire. Celle d’un homme qui, au lieu de s’élever en critique lucide et constructive de son pays, a préféré devenir un relais du discours occidental le plus condescendant et méprisant envers l’Algérie. L’Algérie est à ses yeux une matière première à exploiter, un fonds de commerce médiatique, un thème qui rapporte tant qu’on le traite avec cynisme. Mais à force de parler de l’Algérie sans y parler pour l’Algérie, on finit par parler contre elle.
Ce duo, Sansal-Sifaoui, n’est pas un hasard. Il incarne une même logique : celle des transfuges de l’identité, des renégats qui habillent leur amertume d’une prétendue lucidité intellectuelle. Et pourtant, la sincérité de l’analyse ne peut jamais naître de la trahison. Une critique n’a de sens que lorsqu’elle vient d’un amour profond du pays. Chez eux, il n’y a plus ni amour, ni fidélité. Il ne reste qu’un ressentiment tenace, camouflé sous les apparences de la raison.
L’Algérie mérite mieux que ces figures égarées. Elle a besoin de penseurs enracinés, pas de mercenaires idéologiques. Ceux qui défendent l’honneur du pays dans l’adversité, pas ceux qui le poignardent pour récolter quelques miettes d’attention médiatique.
Qu’ils le sachent : l’Histoire a une mémoire. Et dans cette mémoire, les traîtres n’ont jamais leur place.
Par Belgacem Merbah
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