Dans le chaos de la bande de Gaza ravagée par la guerre, une figure trouble émerge : Yasser Abou Shabab. Chef de gang local et acteur clé de la criminalisation de l’aide humanitaire, il est aujourd’hui au cœur d’une stratégie israélienne visant à affaiblir le Hamas — au prix d’une déstabilisation croissante du tissu social gazaoui.
Un pion au service d’intérêts croisés
Selon une source palestinienne bien informée sur les dynamiques internes de Gaza, « Yasser Abou Shabab opère en sous-main pour le compte de Mahmoud al-Habbash », un ancien membre du Hamas devenu ministre des Affaires religieuses, et aujourd’hui conseiller spécial de Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne (AP).
Mais cette relation n’est pas exempte de controverses. « Mahmoud al-Habbash est discrédité dans les cercles palestiniens en raison de ses liens avérés avec les services de renseignement israéliens », précise cette même source. Dans ce jeu trouble, Abou Shabab se retrouve à la croisée des chemins entre réseaux criminels, jeux d’influence politiques et manipulations sécuritaires.
Les pillages de l’aide humanitaire : une tactique délibérée
Depuis plusieurs semaines, des pillages massifs frappent les centres de distribution d’aide humanitaire dans le nord de la bande de Gaza, aggravant la situation dramatique de la population. Les milices d’Abou Shabab seraient directement impliquées dans ces actions, qui visent à désorganiser les circuits d’entraide souvent contrôlés par des réseaux proches du Hamas.
Dans un aveu politiquement lourd de sens, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a reconnu que le groupe d’Abou Shabab opère sous supervision israélienne afin de saper l’autorité du Hamas sur le terrain.
Derrière cette stratégie se cache un pari cynique : instrumentaliser la criminalité locale pour nourrir les fractures internes et déstabiliser les structures de gouvernance alternative que le Hamas tente de maintenir sous les bombes.
Le double discours d’Abou Shabab
Fidèle à une logique de survie politique, Yasser Abou Shabab revendique à l’occasion agir au nom de l’Autorité palestinienne, rivale historique du Hamas. Une revendication opportuniste qui s’adresse d’abord à une partie de la population excédée par la gouvernance islamiste du Hamas, et qui permet à Abou Shabab de se présenter comme une alternative de fait — malgré son passif criminel.
Cette ambiguïté sert également les intérêts israéliens. En promouvant une figure capable d’entraver le Hamas tout en semant le doute sur la légitimité de l’Autorité palestinienne, Tel-Aviv alimente la fragmentation du paysage politique palestinien.
Un jeu dangereux pour Ramallah
Pour Mahmoud Abbas, la situation est explosive. L’implication de son conseiller Mahmoud al-Habbash dans ces manœuvres risque d’entamer un peu plus la crédibilité de l’Autorité palestinienne aux yeux des Palestiniens. Déjà largement perçue comme impuissante face à l’agression israélienne et coupée des réalités du terrain à Gaza, l’AP pourrait se retrouver associée à un dispositif de pillage et de déstabilisation orchestré en collaboration avec l’occupant.
Vers un chaos durable ?
Le recours à des acteurs comme Yasser Abou Shabab illustre la volonté israélienne de saper le Hamas par des moyens asymétriques, mais au prix d’une dérive sécuritaire qui compromet toute perspective de stabilisation.
En criminalisant encore davantage le tissu social de Gaza, en exacerbant les tensions intra-palestiniennes et en associant l’aide humanitaire à des réseaux mafieux, cette stratégie risque de prolonger indéfiniment l’état de chaos — une situation dont ni le Hamas, ni l’Autorité palestinienne, ni surtout la population civile n’ont rien à gagner.
Par Belgacem Merbah
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