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L’AES et le Maroc : une alliance périlleuse qui hypothèque l’avenir du Sahel

Par-delà les apparences d’une diplomatie de façade, l’alliance naissante entre les régimes militaires du Mali, du Burkina Faso et du Niger – réunis sous la bannière de l’Alliance des États du Sahel (AES) – et le régime monarchique marocain soulève de profondes interrogations géopolitiques. Loin d’être un repositionnement stratégique audacieux, cette orientation traduit une dérive préoccupante qui risque d’isoler davantage ces pays, de compromettre leur souveraineté, et de les enfoncer dans une impasse économique et diplomatique irréversible.

 

Une opération de communication creuse

La récente visite à Rabat des ministres des Affaires étrangères de l’AES, abondamment relayée par les médias maliens, burkinabè, nigériens et marocains, est avant tout une opération de communication. Le communiqué final, rédigé par les soins des équipes de Nasser Bourita et soigneusement mis en scène pour une diffusion virale, n’a d’autre fonction que de produire une illusion : celle d’un appui régional fort à la nouvelle dynamique diplomatique de l’AES. En réalité, il ne s’agit que d’un artifice destiné à masquer l’isolement croissant de ces régimes sur la scène internationale.

Car derrière cette tentative de légitimation se cache une réalité plus inquiétante : les juntes sahéliennes, en rupture ouverte avec la CEDEAO et en confrontation latente avec l’Algérie, se jettent dans les bras d’un régime monarchique qui n’a, ni politiquement, ni économiquement, la capacité de porter un projet de développement crédible pour la région.

Le Maroc, faux espoir et vrai cheval de Troie français

Le régime de Mohammed VI n’a rien à offrir à l’AES, si ce n’est des promesses vides et une façade de modernité. Le Maroc lui-même croule sous une dette publique de plus de 110 milliards de dollars, sans réelle stratégie de résilience économique. Incapable de reloger les sinistrés du séisme d’Al-Haouz survenu en 2023, le royaume fait figure de mirage plutôt que de modèle. L’idée de lui confier un rôle moteur dans la sortie de crise des pays du Sahel est donc une illusion, voire un piège.

Cette alliance, en apparence nouvelle, n’est en fait qu’un recyclage de la Françafrique, via un relais indirect : le Maroc, considéré par beaucoup d’analystes comme une extension stratégique de la France dans la région. Derrière le faste diplomatique, le scénario est clair : Paris entend utiliser Rabat comme levier pour reconfigurer sa présence au Sahel, contourner l’hostilité ouverte des opinions publiques et encercler l’Algérie, dont l’autonomie stratégique dérange les plans occidentaux.

Les intérêts de la Russie, de la Chine et de la Turquie sont ailleurs

L’espoir de contrebalancer cet isolement en s’appuyant sur de nouveaux partenaires stratégiques tels que la Russie, la Chine ou la Turquie est un pari perdu d’avance. Ces puissances, bien que prêtes à saisir des opportunités tactiques au Sahel, ne sacrifieront jamais leurs relations avec l’Algérie, acteur central, stable et influent de la région. Pékin a des liens économiques profonds avec Alger, Moscou y voit un allié stratégique de longue date, et Ankara coopère étroitement avec l’Algérie sur les plans militaire et commercial.

Par conséquent, les régimes de l’AES risquent de se retrouver dans une impasse, avec une diplomatie sans alliés durables, des économies exsangues, et des populations de plus en plus fragilisées.

Un isolement aggravé et un avenir sombre

En cumulant hostilité avec la CEDEAO, rupture avec l’Algérie, et alliance opportuniste avec un Maroc affaibli, les régimes militaires de l’AES hypothèquent l’avenir de leurs nations. Ils multiplient les erreurs d’appréciation, convaincus à tort que l’hostilité à la France suffit à générer une dynamique de rupture salvatrice.

Le peuple sahélien n’a rien à gagner dans cette mascarade diplomatique : il ne peut attendre aucun miracle d’un régime marocain qui tire à vue sur les migrants subsahariens à ses frontières, ni d’une monarchie préoccupée davantage par l’achat de châteaux à Paris que par la stabilité de ses partenaires africains.

Conclusion : la stratégie du chaos

En réalité, cette alliance avec le Maroc n’est qu’un artifice de plus dans une stratégie du chaos, savamment orchestrée par les puissances occidentales pour prolonger l’instabilité au Sahel, affaiblir l’Algérie et contenir les dynamiques de souveraineté émergentes. Mais ce jeu dangereux a un coût : celui de la misère, de l’isolement diplomatique, et à terme, de l’effondrement des régimes qui ont cru pouvoir manœuvrer seuls contre l’Histoire.





Par Belgacem Merbah







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