Alors que la tension monte entre l’Algérie et les autorités militaires maliennes, sur fond de rappels d’ambassadeurs et d’échanges de déclarations virulentes, l’inquiétude s’étend dans toute la région du Sahel. Le spectre d’un isolement diplomatique grandissant et d’un affrontement d’agendas divergents menace un équilibre déjà fragile. Dans un entretien accordé au journal algérien Echourouk, l’écrivain et homme politique nigérien Omar Mokhtar Al-Ansari livre une analyse lucide et critique de la situation, tout en appelant à la retenue et au dialogue.
Une alliance historique entre l’Algérie et le Sahel mise à l’épreuve
Pour Omar Mokhtar Al-Ansari, l’Algérie n’est pas un acteur extérieur au Sahel, mais un allié de toujours. Il rappelle que ce pays nord-africain a constamment soutenu les efforts de paix, de développement et de souveraineté dans la région. Il évoque notamment la coopération sécuritaire avec le Niger, l’appui au développement dans les zones frontalières, la formation de cadres civils et militaires, et le rôle majeur joué en soutien aux efforts de pacification au Mali.
De la rébellion touarègue de 1963 aux accords de paix d’Alger en 2015, l’Algérie a agi en tant que médiateur crédible, œuvrant pour des solutions politiques inclusives. Ces efforts illustrent un engagement profond en faveur de la stabilité régionale.
Les causes du conflit : une divergence de principes
Selon Al-Ansari, le cœur de la crise actuelle réside dans l’opposition entre deux visions : celle de l’Algérie, fondée sur la diplomatie, la légitimité populaire et les solutions politiques ; et celle des juntes militaires, qui misent sur la force armée et des alliances stratégiques controversées, comme avec le groupe Wagner.
Il pointe du doigt la nature même de certains régimes issus de coups d’État, qui refusent toute critique et interprètent l’intervention diplomatique algérienne comme une ingérence. Cette fermeture au dialogue, couplée à des choix d’alliances étrangères douteuses, a fini par nourrir les tensions.
Des décisions qui ne reflètent pas la volonté des peuples
La décision de rappeler les ambassadeurs, prise par le Mali, le Niger et le Burkina Faso, est qualifiée par Al-Ansari de "regrettable" et "non représentative" des peuples sahéliens. Il insiste sur le fait que ces mesures ne sont pas le fruit d’un consensus populaire, mais plutôt l’expression d’un repli autoritaire de régimes en quête de légitimation.
Pour les Nigériens, dit-il, l’Algérie demeure un partenaire fidèle et un soutien indéfectible dans les moments difficiles. Le choix du dialogue avec Alger est, à ses yeux, une nécessité politique et morale.
Le danger des campagnes de désinformation
Omar Mokhtar Al-Ansari dénonce avec fermeté les campagnes menées contre l’Algérie dans les médias et sur les réseaux sociaux, l’accusant de soutenir le terrorisme. Il y voit une manipulation orchestrée par certains acteurs cherchant à affaiblir Alger et à semer la division.
Il rappelle le rôle historique de l’Algérie dans la lutte contre le colonialisme, son soutien actif aux mouvements de libération en Afrique, sa médiation dans plusieurs conflits, ainsi que ses initiatives humanitaires au profit des déplacés maliens et nigériens. À ce titre, les accusations portées contre elle sont non seulement infondées, mais aussi dangereusement mensongères.
Quels risques pour le Sahel ?
L’homme politique nigérien met en garde contre une fragmentation accrue de la région, qui profiterait directement aux groupes armés et aux puissances étrangères en quête d’influence. Si les tensions persistent, prévient-il, la région du Sahel pourrait devenir le théâtre d’affrontements par procuration entre grandes puissances.
Le seul rempart contre cette dérive reste, selon lui, l’unité régionale, le renforcement des institutions comme la CEDEAO ou l’Union africaine, et la reprise du dialogue interétatique — avec l’Algérie comme acteur incontournable.
Un appel à la raison et au retour au dialogue
En conclusion, Al-Ansari appelle à rejeter l’escalade et à renouer avec la tradition de solidarité qui a toujours lié les peuples sahéliens à l’Algérie. Il plaide pour la diffusion des vérités historiques, la réaffirmation de la fraternité entre les peuples, et la réactivation des voies diplomatiques pour surmonter cette passe critique.
Le message est clair : la stabilité du Sahel ne peut être assurée sans un partenariat solide et sincère avec l’Algérie. Et ce partenariat ne doit pas être sacrifié sur l’autel de l’idéologie militaire ou des intérêts étrangers.
Par Belgacem Merbah

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