L'acquisition par le Maroc des hélicoptères AH-64E Apache a été largement médiatisée, certains médias marocains allant jusqu'à affirmer qu'il s'agit d'un atout stratégique majeur face à l'Algérie. Cependant, une analyse plus approfondie montre que cette affirmation est discutable. L'Algérie dispose d’une longue tradition en matière d’hélicoptères d’attaque et possède des appareils tout aussi redoutables, voire plus adaptés à son environnement opérationnel, comme le Mil Mi-28NE et le Mi-24 modernisé. De plus, la supériorité numérique des hélicoptères algériens renforce encore davantage cet avantage.
L’expérience et la maîtrise des hélicoptères d’attaque : un facteur déterminant
L’un des éléments fondamentaux dans l’évaluation de la puissance militaire n’est pas uniquement la possession d’un armement sophistiqué, mais aussi l’expérience et la maîtrise de son utilisation. Contrairement au Maroc, qui intègre pour la première fois des hélicoptères d’attaque dans son arsenal, l'Algérie exploite ce type d’appareil depuis plus de quatre décennies.
L’Algérie a intégré les Mi-24 "Hind" dès les années 1980, qu'elle a modernisés progressivement, et a renforcé sa flotte avec des Mi-28NE "Night Hunter", dont la livraison a débuté en 2016. Ces hélicoptères ont été testés sur plusieurs théâtres d’opérations, notamment en Syrie et en Ukraine, prouvant leur robustesse et leur efficacité dans des environnements hostiles.
De son côté, le Maroc doit encore former ses pilotes, développer sa doctrine d'utilisation et mettre en place la logistique nécessaire pour exploiter pleinement le potentiel des Apache. Une flotte de tels appareils n’est efficace que si elle est accompagnée d’un entraînement intensif, d’une maintenance rigoureuse et d’une parfaite intégration avec les forces terrestres et aériennes.
Supériorité numérique des hélicoptères algériens : un facteur clé
Au-delà de la qualité des appareils, le nombre d’hélicoptères d’attaque en service joue un rôle crucial dans un affrontement potentiel. À ce jour, l’Algérie possède plus de 150 hélicoptères d’attaque, un chiffre qui comprend des Mi-28NE, Mi-24 modernisés et des Mi-171Sh armés, contre seulement 6 Apache actuellement livrés au Maroc et une cible finale de 24 appareils.
Le simple fait de posséder quelques Apache, aussi performants soient-ils, ne peut compenser cette disproportion numérique écrasante. La guerre moderne repose sur des opérations coordonnées impliquant un grand nombre d’unités, où la masse critique est déterminante. Un groupe de 6 Apache marocains ne peut rivaliser avec une flotte de plus de 150 hélicoptères d’attaque algériens, capables d'opérer simultanément sur plusieurs fronts et d'assurer un soutien constant aux troupes au sol.
En combat, l’expérience est irremplaçable. Quelques stages de formation aux États-Unis ne suffisent pas pour transformer une force aérienne en une unité opérationnelle efficace. La coordination entre hélicoptères d’attaque et unités blindées, que ce soit des chars, des véhicules de combat d'infanterie ou d'autres moyens terrestres, ne s’acquiert ni en simulant des exercices sur simulateur ni en effectuant quelques vols d’entraînement, mais bien après des années de manœuvres intensives et surtout d’engagements réels sur le terrain.
L’Algérie a développé cette coordination à travers des décennies d’exercices militaires combinés, impliquant ses forces terrestres et aériennes dans des scénarios de guerre conventionnelle et asymétrique. Ses hélicoptères d’attaque travaillent en parfaite synergie avec les chars T-90SA, les véhicules BMP-2 et d’autres unités blindées, optimisant ainsi leur efficacité sur le champ de bataille.
L’Apache face au Mi-28NE et au Mi-24 modernisé : une comparaison technique détaillée
L’AH-64E Apache Guardian est un hélicoptère avancé, bénéficiant de technologies modernes, mais la version livrée au Maroc est dépourvue du radar Longbow AN/APG-78, ce qui réduit considérablement ses capacités de détection et d'engagement de cibles multiples.
Le AH-64E Apache marocain : un hélicoptère performant, mais incomplet
Le AH-64E est conçu pour des missions d’appui aérien rapproché, de reconnaissance armée et de destruction de blindés.
✅ Points forts :
- Équipé du système électro-optique M-TADS/PNVS, offrant une excellente vision nocturne et une acquisition de cible précise.
- Large gamme d’armements :
- Canon M230 de 30 mm avec 1 200 obus.
- Missiles Hellfire AGM-114 (portée de 8 à 11 km, guidage laser).
- Roquettes Hydra 70 de 70 mm.
- Bonne interopérabilité avec les forces terrestres et aériennes grâce aux systèmes de communication avancés.
❌ Limitations :
- Absence du radar Longbow, ce qui limite ses capacités de détection et d’engagement simultané contre plusieurs cibles.
- Moins blindé que ses concurrents russes, ce qui le rend plus vulnérable aux tirs sol-air.
- Nécessite un haut niveau de formation et une logistique de maintenance exigeante.
Le Mi-28NE "Night Hunter" : un hélicoptère lourdement armé et blindé
Le Mi-28NE, principal hélicoptère d’attaque algérien, est un redoutable adversaire.
✅ Points forts :
- Blindage renforcé, capable de résister à des tirs de calibre 23 mm.
- Canon automatique Shipunov 2A42 de 30 mm, plus puissant et à plus longue portée que le M230 de l’Apache.
- Missiles Ataka et Khrizantema, conçus pour percer jusqu’à 1 200 mm de blindage réactif.
- Radar N025E, permettant d’engager plusieurs cibles simultanément, un avantage sur l’Apache marocain.
- Sièges éjectables pour l’équipage.
❌ Limitations :
- Moins agile que l’Apache, notamment en combat urbain.
- Plus lourd, nécessitant des infrastructures de maintenance plus développées.
Conclusion : un rapport de force toujours en faveur de l’Algérie
L’argument selon lequel l’Apache donnerait un avantage stratégique au Maroc est largement exagéré. En réalité :
En conclusion, si l’Apache est un bon ajout aux forces marocaines, il ne change pas l’équilibre stratégique face à une force aérienne algérienne bien plus aguerrie, mieux équipée et disposant d’une flotte beaucoup plus imposante. L'Algérie conserve un net avantage tactique et opérationnel en matière d’hélicoptères d’attaque.
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