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Elnet : Le Lobby Pro-Israélien qui Redessine la Politique Française et Tensionne les Relations avec l’Algérie

La montée en puissance d’Elnet (European Leadership Network) sur la scène politique française ne fait plus de doute. Hier, à Paris, ce groupe de pression en faveur d’Israël a réuni près de 2 000 personnes, dont plusieurs ministres et figures de premier plan du paysage politique français. L’événement, organisé autour du thème « Pour la République, la France, contre l’islamisme », témoigne de l’influence croissante d’Elnet auprès des décideurs nationaux.

Parmi les orateurs, on retrouvait Manuel Valls, Bruno Retailleau, et Éric Danon, des habitués de ce type de tribune. Ces personnalités, connues pour leurs positions affirmées sur les questions sécuritaires et internationales, illustrent la capacité d’Elnet à mobiliser des soutiens politiques de haut rang. Officiellement, l’organisation se présente comme un « réseau indépendant » visant à « renforcer les relations entre la France, l’Europe et Israël ». Officieusement, son ambition semble plus vaste : devenir l’AIPAC européen, en référence au puissant lobby pro-israélien aux États-Unis.

Une influence politique de plus en plus affirmée

Depuis plusieurs années, Elnet tisse des liens solides avec les élites françaises. En 2022, Georges Malbrunot mettez déjà en lumière, dans son ouvrage Le Déclassement français, les relations étroites entre Elnet et la ville de Nice ainsi que sa communauté de communes. Cette implantation locale n’est qu’un exemple parmi d’autres de l’ancrage du groupe dans les cercles décisionnels français.

Par ailleurs, une enquête récente de Médiapart a révélé qu’Elnet a permis à une centaine de parlementaires français de se rendre en Israël tous frais payés depuis 2017. Ces voyages, qui s’inscrivent dans une démarche d’influence assumée, visent à renforcer les relations bilatérales et à sensibiliser les élus français aux positions israéliennes sur les enjeux stratégiques du Proche-Orient.

Une dynamique qui interroge

La montée en puissance d’Elnet s’inscrit dans un contexte politique où les questions de sécurité, de lutte contre l’islamisme et de relations internationales occupent une place centrale. La tenue d’un événement rassemblant autant de personnalités influentes en est une nouvelle illustration. Cette dynamique interroge sur l’évolution du lobbying en France et la place qu’y occupent des organisations comme Elnet.

À l’heure où les rapports de force diplomatiques évoluent, l’influence des réseaux d’influence pro-israéliens en France semble appelée à se renforcer, à l’image de ce qui se passe aux États-Unis. La question reste de savoir jusqu’où cette montée en puissance pourra aller et quelles en seront les implications à long terme pour la politique étrangère française.

Montée de l’algérophobie en France : Une dynamique encouragée ?

Dans un climat où le débat public se polarise de plus en plus, un autre phénomène gagne en intensité : la montée d’une algérophobie assumée au sein de la classe politique française et des médias gravitant autour de Vincent Bolloré. Loin d’être un simple hasard, cette hostilité croissante s’inscrit dans une narration plus vaste, où l’Algérie est de plus en plus perçue comme une menace, qu’elle soit diplomatique, économique ou sécuritaire.

Cependant, il serait erroné de considérer cette animosité comme un phénomène nouveau. L’hostilité envers l’Algérie est profondément enracinée dans certains cercles français, notamment parmi les nostalgiques de la France coloniale ou ceux dont l’histoire familiale reste marquée par les blessures encore vives de la Guerre d’Algérie. Ce passé, qui hante toujours une partie de la mémoire collective française, continue d’influencer les représentations et les discours, alimentant une défiance persistante à l’égard de l’Algérie et de son influence.

L’Algérie, nouveau bouc émissaire des droites radicales

Depuis plusieurs années, une rhétorique hostile à l’Algérie s’intensifie dans certains médias et chez certains responsables politiques. CNews, Europe 1 et Le Journal du Dimanche, passés sous la coupe de Bolloré, relaient régulièrement des discours virulents à l’égard d’Alger, insistant sur une supposée ingérence algérienne en France, sur le rôle de l’immigration issue de ce pays et sur des tensions mémorielles exacerbées.

Ce narratif trouve un écho favorable au sein des courants les plus droitiers de la classe politique, notamment chez Éric Zemmour, Marion Maréchal et une partie des Républicains, qui multiplient les prises de position contre ce qu’ils appellent « l’influence algérienne en France ».

Une convergence avec les intérêts d’Elnet ?

Si Elnet ne s’affiche pas directement comme un acteur de cette campagne anti-algérienne, il est légitime de s’interroger sur la convergence d’intérêts entre ce lobby pro-israélien et les cercles de pouvoir qui attisent la méfiance vis-à-vis d’Alger.

  • Un axe stratégique opposé : L’Algérie entretient historiquement des relations étroites avec la Palestine, un positionnement qui ne correspond pas aux intérêts défendus par Elnet.

  • Un affrontement géopolitique latent : La montée en puissance de l’Algérie sur la scène internationale, notamment avec son rapprochement avec la Russie et la Chine, contrarie certaines ambitions occidentales et israéliennes dans la région.

  • Une vision sécuritaire instrumentalisée : La lutte contre l’islamisme radical, thème central des événements organisés par Elnet, est parfois utilisée pour englober l’Algérie dans un discours anxiogène, bien que le pays lui-même combatte ces mouvances.

Vers un repositionnement stratégique de la France ?

La France se trouve aujourd’hui à un carrefour stratégique. Son rapport à l’Algérie est marqué par une relation complexe, entre mémoire coloniale et intérêts économiques. Mais la pression exercée par certains lobbies et groupes de médias pousse à une inflexion de plus en plus hostile à Alger.

Elnet, bien qu’agissant officiellement pour le renforcement des relations franco-israéliennes, pourrait indirectement contribuer à cette dynamique, notamment en soutenant des figures politiques et médiatiques qui portent un discours de rupture avec l’Algérie.

La montée de l’algérophobie en France ne relève donc pas d’un simple phénomène conjoncturel : elle s’inscrit dans un jeu d’influence plus vaste où plusieurs forces s’opposent. La question reste de savoir si cette orientation stratégique est dans l’intérêt de la France ou si elle répond avant tout à des influences extérieures cherchant à redéfinir ses alliances et ses priorités.



Par Belgacem Merbah



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