Tomates marocaines, géopolitique et coups de fourche : chronique d’une idylle piquante entre la France et son éternelle tentation marocaine
Ah, la tomate ! Ce petit fruit rouge, joyau des salades estivales et star incontestée des marchés provençaux, se retrouve aujourd’hui au cœur d’un conflit où se mêlent géopolitique, diplomatie, et… batailles parlementaires. Qui aurait cru qu’un simple légume-fruit (on laisse les botanistes débattre) deviendrait le symbole d’un bras de fer entre la France, le Maroc, et même le Sahara occidental ? Spoiler : tout est politique, même la ratatouille.
Le potager de l’Europe : un trône disputé
Depuis 2012, le Maroc rêve de détrôner l’Espagne en tant que fournisseur officiel de tomates pour les 440 millions de consommateurs européens. Avec son climat généreux et ses serres ultra-modernes, le royaume chérifien avance ses atouts comme des cartes gagnantes sur la table du commerce international.
Mais voilà, tout le monde ne savoure pas cette montée en puissance. Certains députés français, notamment de droite et d’extrême droite, qui n’hésitaient pas autrefois à soutenir Rabat sur des sujets sensibles comme le Sahara occidental, semblent soudain découvrir une passion ardente pour la défense de la tomate bien de chez nous. Une reconversion surprenante, mais après tout, les alliances politiques sont souvent aussi fragiles qu’une tomate trop mûre.
Antoine Vermorel-Marques : le chevalier des serres françaises
C’est ici qu’entre en scène Antoine Vermorel-Marques, jeune député Les Républicains, fils d’éleveur laitier et fervent défenseur du « made in France » agricole. Armé de statistiques et d’une indignation bien huilée, il dénonce haut et fort l’injustice d’une concurrence marocaine jugée déloyale.
Dans Le Figaro, le 26 janvier 2024, il s’offusque : « En 2024, à Paris, on peut encore trouver des tomates du Maghreb, traitées au dichloropropène, substance potentiellement cancérigène interdite depuis 15 ans en Europe. » Voilà de quoi pimenter le débat, même si cette déclaration soulève quelques interrogations… notamment sur la rigueur des contrôles douaniers, que l’Union européenne aime pourtant brandir comme un étendard de sécurité.
Le Conseil d’État s’en mêle : l’origine des tomates sur la sellette
Mais le véritable tournant dans cette saga se joue sur un terrain juridique. En novembre 2022, le Conseil d’État français a tranché : les produits issus du Sahara occidental, territoire occupé illégalement par le Maroc selon le droit international, doivent être étiquetés distinctement de ceux provenant du Maroc. Une décision qui s’appuie sur un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne de 2016, rappelant que le Sahara occidental n’est pas juridiquement reconnu comme faisant partie du Maroc.
Cette obligation de transparence dérange. Pourquoi ? Parce qu’elle met en lumière une réalité peu reluisante : une part non négligeable des tomates étiquetées « marocaines » provient en réalité de plantations situées au Sahara occidental. L’étiquetage devient alors un enjeu politique autant qu’économique. Mentionner l’origine, c’est forcer les consommateurs européens à choisir en connaissance de cause… et à certains égards, à prendre position dans un conflit territorial vieux de plusieurs décennies.
Hélène Laporte : la tomate, arme politique de destruction massive
Sur le front parlementaire, Hélène Laporte, députée du Rassemblement National, ne rate pas l’occasion d’enfoncer le clou. Entre préoccupations écologiques opportunes et discours souverainistes bien rodés, elle réclame la fin des accords commerciaux UE-Maroc, accusant Rabat de ruiner la filière agricole française à coups de tomates bon marché.
Le comble ? Elle préside… le groupe d’amitié parlementaire France-Maroc. Parce que rien ne dit « amitié sincère » comme des débats enflammés sur des questions de douanes et d’herbicides interdits.
Au Maroc : douche froide et tomates tièdes
Du côté de Rabat, l’ambiance est moins festive. Le ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, rappelle que l’Union européenne réalise un excédent commercial confortable avec le Maroc. Sous-entendu : attention à ne pas scier la branche économique sur laquelle vous êtes assis.
Quant aux accusations de non-conformité aux normes phytosanitaires, elles sont balayées d’un revers de main : « L’Union européenne n’est pas une passoire. » Traduction : les tomates marocaines sont plus contrôlées que la crème solaire sur une plage de Nice.
Les agriculteurs français : entre colère rouge et vert de rage
Mais au-delà des jeux diplomatiques, c’est la colère des agriculteurs français qui gronde. Ils se sentent pris en étau entre des accords commerciaux favorisant les importations et des normes environnementales de plus en plus strictes qui, paradoxalement, ne semblent pas s’appliquer avec la même rigueur aux produits importés.
Tomates marocaines, céréales ukrainiennes, viande du Mercosur… le cocktail est explosif. Et le gouvernement français, pris entre le marteau des agriculteurs et l’enclume des engagements européens, tente de ménager la chèvre, le chou, et maintenant… la tomate.
Et maintenant ? Ratatouille diplomatique ou sauce piquante ?
Le 6 février, l’Assemblée nationale doit examiner un texte visant à interdire l’importation de produits agricoles « non autorisés ». Derrière cette formulation vague, un message clair : le Maroc est dans le viseur, tout comme ses tomates – qu’elles viennent de Rabat ou des serres controversées du Sahara occidental.
La question est simple : cette guerre de la tomate débouchera-t-elle sur un simple ajustement réglementaire, ou deviendra-t-elle le symbole d’un divorce économique plus large entre la France et le Maroc ? Une chose est certaine : entre coups de fourche parlementaires et éclaboussures diplomatiques, la tomate n’a jamais été aussi politique.
Comme quoi, il suffit d’un fruit rouge pour faire mûrir de grandes tensions.
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