Depuis plusieurs mois, un vent de surenchère anti-algérienne souffle sur la droite dure et l’extrême-droite française, cherchant à imposer à l’Algérie un bras de fer similaire à celui que Donald Trump a mené contre la Colombie. L’objectif ? Contraindre Alger à accepter sans condition le retour de ses ressortissants expulsés de France et, plus largement, céder aux injonctions françaises sur divers dossiers diplomatiques et économiques.
Cette stratégie, largement relayée par des figures politiques françaises, repose pourtant sur une comparaison biaisée et des leviers de pression inefficaces. La France n’a ni les moyens ni la position stratégique pour imposer à l’Algérie ce que les États-Unis ont pu faire avec la Colombie. Décryptage d’un fantasme politique déconnecté des réalités géopolitiques.
1. Une comparaison trompeuse entre la Colombie et l’Algérie
Le parallèle entre la Colombie et l’Algérie, brandi par les partisans d’une ligne dure contre Alger, est fondamentalement erroné.
- Les États-Unis sont la puissance économique et militaire dominante du continent américain, et la Colombie dépend largement de leur soutien économique et militaire.
- En revanche, l’Algérie est un pays souverain avec une économie indépendante, disposant de ressources stratégiques essentielles comme le gaz et le pétrole. Son positionnement en Méditerranée et en Afrique du Nord lui confère un poids diplomatique bien supérieur à celui de la Colombie dans son propre environnement.
Lorsque Donald Trump a menacé la Colombie de sanctions économiques, Bogotá a cédé en moins de 24 heures, réalisant l’impact immédiat qu’un affrontement avec Washington pourrait avoir sur son économie. Mais les relations entre la France et l’Algérie ne reposent pas sur le même type de rapport de force, et aucune des mesures de rétorsion envisagées par Paris ne peut avoir un effet similaire sur Alger.
2. Des « leviers de pression » illusoires contre l’Algérie
Les figures politiques françaises qui prônent une politique de sanctions contre l’Algérie avancent quatre grandes mesures, toutes inopérantes dans la réalité :
a) Suspendre l’aide au développement
b) Restreindre les visas pour les Algériens
c) Réviser l’accord de 1968 sur l’immigration
d) Imposer des taxes douanières aux produits algériens
3. Un rapport de force qui penche en faveur de l’Algérie
Contrairement à ce que pensent certains responsables français, l’Algérie ne se trouve pas en position de faiblesse. Plusieurs éléments expliquent pourquoi Paris ne peut pas se permettre d’adopter une politique de confrontation avec Alger :
a) Un fournisseur énergétique stratégique
L’Algérie est l’un des principaux fournisseurs de gaz naturel de l’Europe, notamment après la guerre en Ukraine, qui a réduit les importations en provenance de Russie. Une détérioration des relations franco-algériennes mettrait en péril les approvisionnements énergétiques de la France et renforcerait l’influence de l’Algérie auprès d’autres partenaires européens, comme l’Italie et l’Allemagne.
b) Un acteur incontournable en Méditerranée et en Afrique
L’Algérie est une puissance régionale clé en Afrique du Nord et dans le Sahel. Elle joue un rôle central dans la lutte contre le terrorisme et l’instabilité dans la région. Une rupture avec Alger affaiblirait la position française dans ces zones stratégiques et ouvrirait davantage la porte à d’autres puissances comme la Russie et la Chine.
c) Une politique étrangère souveraine et assumée
L’Algérie a toujours refusé toute ingérence dans ses affaires internes et ne cède pas aux pressions extérieures. Sa diplomatie indépendante lui permet d’entretenir des relations équilibrées avec des puissances comme la Chine, la Russie, la Turquie et plusieurs pays du Golfe. La France ne dispose pas d’un levier de pression suffisamment puissant pour contraindre Alger à adopter une politique contraire à ses intérêts.
4. La seule issue possible : le dialogue
Face à ces réalités, plusieurs voix en France appellent à une approche plus pragmatique et diplomatique avec l’Algérie. La relation entre les deux pays est complexe, marquée par une histoire douloureuse, mais elle repose aussi sur des intérêts mutuels.
Plutôt que de chercher à « faire plier » Alger, Paris gagnerait à privilégier le dialogue et la coopération, notamment sur les questions migratoires, économiques et sécuritaires.
En conclusion, les comparaisons avec la Colombie sont absurdes et les menaces de sanctions françaises ne sont que des coups d’épée dans l’eau. L’Algérie n’est ni dépendante de la France, ni sensible aux pressions politiques. Toute tentative d’intimidation par des mesures économiques ou diplomatiques se heurtera à une réalité implacable : la France ne peut pas se permettre une confrontation avec l’Algérie sans en subir elle-même les conséquences.
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