Le Maroc face à la pression américaine : entre dilemme diplomatique et pari risqué sur le Sahara occidental
Depuis le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, le régime marocain traverse une phase d’incertitude et de confusion. Alors que Rabat espérait voir Washington poursuivre son soutien à la prétendue souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, elle se retrouve aujourd’hui sous une pression intense. En cause, un projet américain controversé visant à transférer des Palestiniens de la bande de Gaza vers le territoire marocain, une proposition relayée par des sources israéliennes et occidentales.
De l’enthousiasme à l’inquiétude : un revirement inattendu pour le Maroc
En 2020, la décision de Trump de reconnaître la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental avait été perçue comme une victoire diplomatique majeure par le palais royal. En échange, Rabat avait accepté de normaliser ses relations avec Israël, dans le cadre des accords d’Abraham.
Toutefois, avec le retour de Trump à la présidence, les attentes du Maroc se sont rapidement heurtées à une nouvelle réalité : l’ancien président américain ne semble plus autant préoccupé par le Sahara occidental, mais plutôt par la mise en œuvre de son plan controversé pour Gaza. Selon le journaliste espagnol Ignacio Cembrero, le palais royal hésite désormais à solliciter Washington pour qu’elle réaffirme son engagement en faveur des intérêts marocains, de peur d’être entraîné dans un scandale diplomatique aux conséquences imprévisibles.
Un silence révélateur et un retard dans la réaction officielle
L’un des signes les plus frappants du malaise marocain est le silence prolongé du gouvernement face aux révélations concernant un éventuel transfert de Palestiniens vers le Maroc. Contrairement à d’autres pays arabes, comme l’Algérie, l’Égypte, l’Arabie saoudite ou les Émirats arabes unis, qui ont immédiatement rejeté cette idée, Rabat a mis près d’une semaine avant de prendre position.
Le nom du Maroc avait pourtant été cité par Israël Bachar, consul général israélien pour la région du Pacifique Sud-Ouest aux États-Unis, comme l’une des destinations potentielles pour les déplacés de Gaza. Malgré cela, le royaume a choisi d’attendre une rencontre entre son ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, et son homologue irakien pour publier une déclaration conjointe. Une attitude prudente, qui illustre l’embarras du régime face à un dilemme diplomatique majeur : comment maintenir ses relations privilégiées avec Washington et Tel-Aviv tout en évitant une crise politique interne et un rejet massif de l’opinion publique arabe ?
Un plan B pour le Sahara occidental ?
Face à l’incertitude entourant l’attitude américaine, le Maroc explore d’autres options pour consolider son contrôle sur le Sahara occidental. Selon Ignacio Cembrero, Rabat envisage d’organiser une conférence internationale en avril prochain aux Émirats arabes unis, avec le soutien de plusieurs pays européens, dont la France. L’objectif ? Obtenir une reconnaissance plus large de la "marocanité" du Sahara occidental et convaincre des États réticents comme le Royaume-Uni et l’Italie d’adhérer à cette position.
Cependant, cette initiative ne semble pas susciter l’enthousiasme escompté. Selon Hugh Lovatt, chercheur au Conseil européen des relations internationales, Rabat tente d’exercer des pressions sur ses partenaires européens pour obtenir un alignement sur sa position, mais sans grand succès jusqu’à présent.
Madrid et Washington : quels enjeux pour Rabat ?
L’un des éléments clés de cette équation est la position de l’Espagne, qui a récemment renforcé ses liens avec le Maroc. Le Premier ministre Pedro Sánchez reste un acteur influent dans ce dossier, et son soutien ou son rejet des initiatives marocaines pourrait avoir un impact significatif sur la stratégie de Rabat.
Du côté des États-Unis, l’administration Trump semble avoir d’autres priorités. Pour Washington, le dossier du Sahara occidental passe au second plan, éclipsé par la volonté de trouver une solution à la crise de Gaza. Ce changement de priorités place le Maroc dans une situation délicate : s’opposer ouvertement aux exigences américaines risque de détériorer les relations bilatérales, tandis qu’une acceptation, même partielle, du plan de Trump pourrait provoquer un tollé au sein de l’opinion publique marocaine et arabe.
Un pari diplomatique risqué
Le Maroc se retrouve donc dans une impasse stratégique. Son alliance avec les États-Unis, qui semblait être un atout en 2020, pourrait aujourd’hui se retourner contre lui si Washington insiste sur l’option d’un transfert de Palestiniens vers son territoire.
À l’inverse, toute tentative de résister à la pression américaine pourrait se traduire par un refroidissement des relations avec la Maison-Blanche et, par ricochet, par une perte d’influence sur le dossier du Sahara occidental.
Face à cette équation complexe, le royaume chérifien parviendra-t-il à préserver ses intérêts sans compromettre sa position internationale ? Ou bien sera-t-il contraint de faire des concessions douloureuses ? Les semaines à venir seront décisives pour l’avenir de la diplomatie marocaine.
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