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Driss Ghali, CNEWS et le Complexe Identitaire Marocain face à l’Algérie

L’intervention du Marocain Driss Ghali sur CNEWS, où il a affirmé que les Algériens souffriraient d’un problème identitaire et que leur identité serait fondée sur la « haine de la France », illustre un discours politique et médiatique biaisé. Mais au-delà de la simple provocation, cette sortie s’inscrit dans une stratégie plus large, mêlant rivalités historiques, enjeux géopolitiques et alliances idéologiques entre l’extrême droite française et le régime marocain. En réalité, cette rhétorique cache un problème identitaire propre au Maroc, qui s’est construit historiquement dans l’ombre de l’Algérie, berceau des grandes civilisations du Maghreb.

Qui est Driss Ghali ? Un relais de la propagande marocaine

Driss Ghali est un essayiste marocain, peu connu du grand public avant ses apparitions médiatiques en France. Il est régulièrement invité sur CNEWS, une chaîne d’information qui a fait de la controverse un fonds de commerce, notamment sur les sujets liés à l’Islam, à l’immigration et aux relations franco-maghrébines.

Proche du palais royal marocain, Ghali relaie souvent des thèses favorables au régime de Mohammed VI et hostiles à l’Algérie. Sa présence sur CNEWS s’inscrit dans une dynamique où le Maroc cherche à influencer le récit médiatique français en diabolisant son voisin algérien, notamment en surfant sur les obsessions identitaires d’une partie des médias français.

Il est intéressant de noter que ses propos sur l’identité algérienne sont complètement orthogonaux à la réalité historique. En effet, si un pays du Maghreb doit être décrit comme un foyer identitaire et civilisationnel, c’est bien l’Algérie.

L’Algérie, berceau des civilisations maghrébines

L’Algérie est le territoire d’origine de plusieurs grandes dynasties berbères qui ont structuré l’histoire du Maghreb. Contrairement aux thèses développées par certains cercles pro-marocains, ce sont bien les tribus d’Algérie qui ont fondé et dominé le Maroc à travers les siècles.

1. Les Sanhadjas, bâtisseurs de l’empire Almoravide

Les Almoravides (XIe - XIIe siècle), qui ont contrôlé un empire allant de l’Andalousie au sud du Sahara, étaient issus des Sanhadjas, une confédération tribale originaire du centre et du sud de l’Algérie.

2. Les Zénètes, maîtres du Maroc pendant des siècles

Les Zénètes, un ensemble de tribus berbères originaires du territoire algérien actuel, ont fondé plusieurs dynasties qui ont façonné l’histoire du Maroc :

  • Les Almohade (XIIe - XIIIe siècle) : Ont joué un rôle majeur dans l’histoire du Maghreb et de l’Andalousie. Il convient de souligner que cette dynastie est d’origine algérienne et qu’elle a établi sa domination sur le Maroc après avoir renversé les Almoravides.
  • Les Mérinides (XIIIe - XVe siècle) : Originaires des hauts plateaux algériens, ils ont renversé les Almohades et établi leur capitale à Fès.
  • Les Wattassides (XVe - XVIe siècle) : Branche des Mérinides, ils ont dirigé le Maroc avant d’être évincés par les Saadiens.

Ainsi, les dynasties qui ont dominé le Maroc étaient souvent d’origine algérienne, et le Maroc lui-même s’est construit sous l’influence politique et militaire de ces peuples venus de l’Est.

Cette réalité historique crée un malaise identitaire au Maroc, où la monarchie alaouite (d’origine arabe et chérifienne) a longtemps cherché à marginaliser l’héritage berbère pour asseoir sa légitimité. Cela explique en partie pourquoi certains intellectuels marocains, comme Driss Ghali, développent des discours niant l’apport algérien dans la construction du Maghreb.

Un enjeu géopolitique : l’alliance entre le Maroc et l’extrême droite française

L’intervention de Driss Ghali sur CNEWS ne se limite pas à un simple débat identitaire. Elle reflète aussi un rapprochement stratégique entre le Maroc et une partie de l’extrême droite française, qui voit en Rabat un allié privilégié dans la région.

1. Un axe Rabat-Paris ancré dans les cercles conservateurs

Depuis plusieurs années, la France, notamment sous Emmanuel Macron, oscille entre rapprochement et tensions avec l’Algérie. En parallèle, le Maroc mise sur ses réseaux d’influence à droite et à l’extrême droite pour maintenir des relations favorables avec Paris.

  • Des figures comme Éric Zemmour et Marion Maréchal ont affiché leur proximité avec le Maroc, y voyant un modèle de « stabilité » en opposition à une Algérie souvent décrite comme hostile à la France.
  • CNEWS, chaîne détenue par Vincent Bolloré, proche de la droite radicale, donne régulièrement la parole à des intellectuels pro-marocains.

2. Un Maroc allié du camp conservateur en France

Contrairement à l’Algérie, qui revendique une indépendance diplomatique forte et un passé de résistance face à la colonisation, le Maroc entretient une relation plus souple avec la France et Israël, ce qui le rend attractif pour certains courants politiques français.

  • Sur le dossier du Sahara occidental, le Maroc bénéficie d’un soutien tacite de plusieurs figures de droite qui voient en Rabat un allié contre l’Algérie, perçue comme un acteur géopolitique anti-occidental.
  • Sur les questions migratoires, l’extrême droite française met en avant la « gestion marocaine » comme un modèle, en opposition à la politique algérienne, souvent critiquée dans les médias français.

Cette alliance idéologique se reflète dans le traitement médiatique : CNEWS met en avant des figures marocaines proches du régime pour attaquer l’Algérie, sans jamais offrir un contrepoint objectif.

Conclusion : Une inversion accusatoire pour masquer un malaise marocain

Les propos de Driss Ghali sur l’identité algérienne sont symptomatiques d’une tentative de réécriture de l’histoire, où l’Algérie serait présentée comme un pays sans repères, alors qu’en réalité, c’est bien le Maroc qui s’est construit historiquement dans le sillage des dynasties issues du territoire algérien.

Derrière cette rhétorique, il y a aussi un jeu géopolitique : en s’alliant avec des courants conservateurs et identitaires en France, le Maroc cherche à marginaliser l’Algérie sur la scène médiatique et politique.

Mais cette approche ne peut masquer la réalité historique : l’Algérie reste le cœur battant de l’identité maghrébine, un espace où se sont forgées les grandes dynasties berbères qui ont façonné la région. C’est peut-être là que réside le véritable malaise de certains intellectuels marocains : face à un héritage algérien trop imposant, ils préfèrent détourner l’attention en inversant les rôles.






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