Depuis sa sortie de prison, Taoufik Bouachrine, ancien journaliste et directeur du quotidien Akhbar Al Yaoum, a surpris de nombreux observateurs par son choix de se focaliser presque exclusivement sur l’Algérie, consacrant ses critiques à un pays dont il semble ignorer les réalités. Pendant ce temps, il reste silencieux sur les multiples crises sociales, économiques et politiques qui frappent son propre pays, le Maroc. Ce silence contraste fortement avec son passé de journaliste critique et questionne la crédibilité de sa démarche.
Pourtant, les faits et les statistiques montrent clairement que les conditions de vie des citoyens marocains sont bien plus précaires que celles des Algériens. Tandis que le Maroc s’enlise dans une pauvreté croissante et une absence flagrante de justice sociale, Bouachrine semble étrangement obsédé par le sort des Algériens, au lieu de se concentrer sur les souffrances des siens.
Les circonstances de l’arrestation de Bouachrine : une victime du régime marocain
Pour mieux comprendre cette incohérence, il est important de revenir sur les circonstances de l’arrestation de Bouachrine par le régime marocain. Le 23 février 2018, Bouachrine avait été arrêté de manière brutale dans les locaux de son journal à Casablanca, une arrestation qui avait immédiatement déclenché une vive controverse au Maroc et à l’international. Accusé de plusieurs charges graves, dont agressions sexuelles, harcèlement et traite d’êtres humains, Bouachrine avait toujours nié les faits, affirmant être la cible d’un procès politique visant à le réduire au silence en raison de ses critiques envers le régime marocain.
Des organisations internationales, telles qu’Amnesty International et Reporters sans frontières, avaient dénoncé un procès entaché de nombreuses irrégularités, mettant en lumière l’instrumentalisation du système judiciaire marocain pour museler les voix dissidentes. En dépit de ces critiques, Bouachrine avait été condamné en 2018 à 12 ans de prison, peine portée à 15 ans en appel. Il était devenu un symbole des atteintes à la liberté de la presse au Maroc, un pays où les journalistes indépendants, tels qu’Omar Radi ou Soulaimane Raissouni, sont systématiquement persécutés.
Sa libération, qui reste entourée de zones d’ombre, a coïncidé avec une transformation de son discours. Celui qui critiquait autrefois le régime marocain semble désormais adopter une position en phase avec les intérêts du pouvoir, délaissant les sujets sensibles liés à son propre pays pour s’attaquer violemment à l’Algérie.
Le contraste frappant entre le Maroc et l’Algérie
Les priorités de Bouachrine sont d’autant plus incompréhensibles que les réalités socio-économiques des deux pays placent les Marocains dans une situation bien plus précaire que celle des Algériens. Les chiffres et les faits démontrent que le Maroc fait face à des défis majeurs, qui touchent directement les conditions de vie de ses citoyens :
Pauvreté et inégalités sociales : Le Maroc connaît un taux de pauvreté élevé, surtout en milieu rural, où l’accès aux services de base reste un luxe. À titre de comparaison, l’Algérie, grâce à ses politiques sociales inclusives, offre un filet de sécurité à ses citoyens, notamment à travers des subventions sur les produits de première nécessité (pain, carburant, lait, etc.) et des logements sociaux.
Logement : L’Algérie a déployé un programme massif de logements sociaux, permettant à des millions de familles de bénéficier de logements gratuits ou à faible coût. En revanche, au Maroc, de nombreux citoyens vivent dans des conditions précaires. Les sinistrés du séisme d’Al Haouz, qui a frappé le pays en septembre 2023, attendent encore d’être relogés, plusieurs mois après la catastrophe.
Couverture sociale : L’Algérie offre une couverture sociale bien plus étendue que le Maroc, incluant des allocations chômage pour les personnes sans emploi. Au Maroc, les chômeurs sont abandonnés à leur sort, sans aucune aide de l’État pour survivre.
Système de santé : En Algérie, les soins de santé publics sont gratuits, un privilège inaccessible pour la majorité des Marocains. Dans les zones rurales marocaines, des femmes continuent d’accoucher à domicile faute d’accès aux infrastructures médicales de base, et les hôpitaux publics, sous-financés, peinent à répondre aux besoins des citoyens.
Ces réalités rendent d’autant plus troublant le choix de Bouachrine de se concentrer sur un pays voisin qui, malgré ses défis, offre à ses citoyens des droits fondamentaux bien plus développés que ceux disponibles au Maroc.
Un silence complice sur les problèmes du Maroc
Alors que Bouachrine multiplie les critiques contre l’Algérie, il reste étrangement silencieux sur les multiples problèmes du Maroc :
- Le chômage massif des jeunes : Les diplômés marocains, faute d’opportunités d’emploi, quittent le pays par milliers, souvent au péril de leur vie.
- L’inflation : La flambée des prix des produits alimentaires de base a mis de nombreuses familles marocaines dans une situation d’insécurité alimentaire.
- Les droits des journalistes : La liberté de la presse au Maroc est gravement menacée. Les journalistes indépendants continuent d’être persécutés, arrêtés ou contraints à l’exil, mais Bouachrine, qui a lui-même été victime de cette répression, préfère ne pas aborder ce sujet.
Pourquoi cette obsession pour l’Algérie ?
Le comportement de Bouachrine soulève de nombreuses questions. Certains estiment qu’il souffre du « syndrome de Stockholm », un mécanisme psychologique par lequel une victime finit par s’identifier à ses oppresseurs. En s’alignant sur le discours officiel marocain, il chercherait à se réhabiliter auprès du régime qui l’a arrêté en 2018, à regagner sa faveur, ou simplement à éviter de nouvelles représailles.
D’autres interprètent cette posture comme une stratégie de diversion. En concentrant son discours sur l’Algérie, Bouachrine détourne l’attention des véritables problèmes auxquels les Marocains sont confrontés et s’inscrit dans une campagne médiatique orchestrée par le pouvoir marocain, visant à diaboliser l’Algérie.
Une voix perdue pour la vérité
Pour être crédible, Bouachrine devrait s’engager à défendre les droits et les intérêts de ses compatriotes. Les Marocains sont ceux qui souffrent d’une pauvreté écrasante, d’un accès limité aux services essentiels et d’une absence criante de justice sociale. C’est leur réalité qu’il devrait dénoncer, plutôt que de se focaliser sur l’Algérie, un pays où les citoyens jouissent de meilleures conditions de vie, d’une couverture sociale étendue et d’un système de santé accessible.
Au lieu de cela, Bouachrine semble avoir troqué son rôle de journaliste critique pour celui de propagandiste d’un régime qui l’a pourtant emprisonné. Un choix qui, au lieu de renforcer sa crédibilité, ternit définitivement l’image d’un homme autrefois considéré comme une voix courageuse de la presse marocaine.
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