L'incohérence de la stratégie énergétique marocaine : autosuffisance nationale vs ambitions internationales
Le Maroc, pays connu pour ses efforts en matière d’énergies renouvelables, se retrouve dans une situation paradoxale sur le plan énergétique. Alors qu’il peine à assurer une couverture électrique suffisante pour sa propre population et continue d’importer une part significative de son électricité, le royaume a récemment signé un mémorandum d’entente avec la Mauritanie pour la fourniture d’électricité via un projet d’interconnexion. Cette initiative, bien que marquée par des ambitions de coopération régionale, soulève de nombreuses questions sur la cohérence de la stratégie énergétique marocaine.
Une dépendance énergétique persistante
Malgré ses ambitions de transition énergétique, le Maroc reste largement dépendant de ses voisins pour répondre à ses besoins en électricité. Le royaume importe une part notable de son électricité depuis l’Espagne et, dans une moindre mesure, depuis l’Algérie. Cette dépendance est particulièrement critique en période de pointe, où la demande dépasse souvent la capacité de production nationale. En conséquence, le Maroc est régulièrement confronté à des délestages électriques, affectant tant les ménages que les entreprises.
Ce constat met en lumière un déficit structurel dans le secteur énergétique marocain. Selon les données disponibles, le taux de couverture électrique du Maroc reste inférieur à celui de pays voisins tels que l’Algérie et la Tunisie. Cette situation est d’autant plus problématique que le Maroc s’est engagé dans des projets ambitieux, comme le développement de grandes centrales solaires et éoliennes, mais ceux-ci peinent encore à couvrir l’ensemble des besoins locaux.
Un projet ambitieux mais contradictoire avec la réalité
Dans ce contexte, la signature d’un mémorandum d’entente avec la Mauritanie pour un projet d’interconnexion électrique peut sembler prématurée, voire incohérente. En effet, le Maroc s’engage à fournir de l’électricité à un pays avec lequel il ne partage même pas de frontière terrestre directe, tout en étant lui-même dépendant des importations pour satisfaire sa propre demande. Ce projet, annoncé en grande pompe par la ministre de la Transition énergétique, Leila Benali, vise à « renforcer les liens énergétiques régionaux et à créer une infrastructure fiable de partage d’électricité ». Cependant, il soulève plusieurs interrogations légitimes :
- Comment le Maroc peut-il s’engager à exporter de l’électricité qu’il ne produit pas en quantité suffisante pour sa propre consommation ?
- Pourquoi prioriser une interconnexion avec un pays distant alors que la population marocaine souffre encore de délestages réguliers ?
- Quelle est la pertinence économique et stratégique d’un tel projet, sachant que le Maroc reste dépendant de ses propres importations d’électricité ?
Un contraste frappant avec les voisins régionaux
L’Algérie et la Tunisie, qui partagent des conditions géographiques similaires avec le Maroc, affichent des taux de couverture électrique nettement plus élevés et une moindre dépendance aux importations. L’Algérie, par exemple, est non seulement autosuffisante mais exporte également de l’électricité vers ses voisins. Cette comparaison met en évidence le retard marocain dans la consolidation de son système énergétique national.
Alors que le Maroc mise sur les énergies renouvelables, il reste confronté à des défis structurels liés à l’insuffisance de son réseau de distribution et à des investissements encore insuffisants pour couvrir la demande intérieure. La priorisation de projets internationaux, comme l’interconnexion avec la Mauritanie, semble donc en décalage avec les besoins urgents de la population marocaine.
Une ambition régionale qui risque de fragiliser l’intérieur
Si l’objectif d’intégration énergétique régionale est louable, il ne doit pas se faire au détriment des priorités nationales. Le Maroc doit d’abord se concentrer sur l’amélioration de son réseau électrique domestique, en augmentant sa capacité de production et en réduisant sa dépendance aux importations. La mise en place d’un réseau robuste et fiable à l’intérieur du pays est une condition préalable à toute ambition d’exportation.
En l’état actuel, l’initiative d’interconnexion avec la Mauritanie semble davantage motivée par des considérations politiques et diplomatiques que par une logique économique ou énergétique. Cette approche risque de fragiliser davantage la situation intérieure, en détournant des ressources qui pourraient être utilisées pour renforcer le secteur électrique national.
Conclusion : une stratégie à revoir
Le projet de connexion électrique avec la Mauritanie, bien qu’ambitieux, met en lumière les contradictions de la stratégie énergétique marocaine. Le pays, qui lutte encore pour satisfaire les besoins de sa propre population, semble vouloir jouer un rôle de leader régional qu’il n’est pas encore en mesure d’assumer. Avant de s’engager dans des projets d’interconnexion internationale, le Maroc doit impérativement résoudre ses défis internes en matière d’énergie. Une stratégie cohérente et réaliste, centrée sur l’autosuffisance et la fiabilité du réseau domestique, est essentielle pour éviter que de telles initiatives ne se retournent contre lui à long terme.
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