Les relations entre l’Algérie et le Mali traversent actuellement une période de vives tensions, marquée par des accusations mutuelles et des divergences profondes sur la gestion des crises sécuritaires au Sahel. Cette situation reflète non seulement des différends bilatéraux, mais aussi les enjeux géopolitiques et stratégiques qui affectent l’ensemble de la région.
Contexte et escalade des tensions
Le 1ᵉʳ janvier 2025, le ministère des Affaires étrangères du Mali a émis un communiqué accusant Alger de soutenir des groupes terroristes et d’ingérence dans ses affaires intérieures. Ces allégations font suite aux propos du ministre algérien des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, qui avait exprimé son opposition à l’assimilation des mouvements politiques signataires de l’accord de paix d’Alger de 2015 à des groupes terroristes.
Le gouvernement malien, dirigé par une junte militaire issue du coup d’État de mai 2021, a qualifié ces déclarations de "leçons inutiles" et a accusé l’Algérie de complicité avec des acteurs déstabilisateurs au Sahel. Cette escalade verbale s’inscrit dans une dynamique de relations déjà fragilisées depuis le retrait unilatéral du Mali des accords d’Alger en janvier 2024.
La crise des accords d’Alger et ses implications
Les accords de paix d’Alger, signés en 2015 sous médiation algérienne, représentaient un cadre politique visant à stabiliser le nord du Mali en proie à des rébellions touarègues. Cependant, le retrait malien de ces accords a compromis les efforts de paix et intensifié les tensions.
Pour l’Algérie, cette décision constitue une menace pour la stabilité régionale, car elle réduit à néant toute perspective de dialogue inclusif entre le gouvernement malien et les populations du nord, en particulier les Touaregs de l’Azawad. Alger considère que l’assimilation de ces mouvements politiques à des groupes terroristes pourrait aggraver la situation et ouvrir la voie à une spirale de violences.
Les motivations algériennes : sécurité nationale et stabilité régionale
Face à la détérioration de la situation au Mali, l’Algérie défend une position basée sur des impératifs sécuritaires, humanitaires et stratégiques :
1. Préserver la sécurité intérieure
La prolongation du conflit au nord du Mali pourrait entraîner des conséquences directes sur le territoire algérien, notamment un afflux de réfugiés, une recrudescence des activités criminelles transfrontalières et une menace accrue de groupes terroristes.
2. Protéger les populations touarègues
Les liens culturels et familiaux entre les Touaregs maliens et les communautés du sud de l’Algérie confèrent une dimension humanitaire à la posture algérienne. Toute violence à l’encontre de ces populations pourrait fragiliser la cohésion sociale dans les régions frontalières algériennes.
3. Défendre les accords de paix
Alger considère les accords d’Alger comme un pilier essentiel pour instaurer une stabilité durable au Sahel. Leur remise en cause par Bamako compromet les efforts internationaux et envoie un signal négatif sur la crédibilité des mécanismes de médiation.
La posture du Mali : militarisation et alliances controversées
Le Mali, soutenu par des alliances récentes avec des acteurs comme le groupe Wagner et la Turquie, semble privilégier une solution militaire au conflit dans le nord. Cette approche, renforcée par l’acquisition de drones turcs, conforte Bamako dans une stratégie de force.
Toutefois, l’histoire des conflits au Sahel démontre les limites d’une solution exclusivement militaire. Pour l’Algérie, cette orientation risque d’aggraver les tensions et de compromettre tout espoir de règlement politique.
Entre ingérence perçue et politique préventive
Alors que Bamako accuse Alger d’ingérence, l’Algérie justifie ses actions par la nécessité de protéger ses frontières et d’assurer la sécurité régionale. Contrairement à une ingérence classique, la stratégie algérienne repose sur la préservation des accords d’Alger et la promotion d’un dialogue inclusif.
Cette approche se fonde sur deux principes :
- Respect de la souveraineté des États : Encourager une solution politique sans interférer directement dans les affaires internes du Mali.
- Stabilité régionale : Empêcher que les tensions maliennes ne se propagent aux pays voisins, notamment l’Algérie.
Enjeux et perspectives pour une solution durable
Pour éviter une escalade destructrice, une coopération constructive entre le Mali et l’Algérie est essentielle. Cela passe par :
- La relance du dialogue : Réintégrer les anciens signataires des accords d’Alger dans un processus politique rénové.
- Le renforcement de la coopération sécuritaire : Partager les renseignements et coordonner les efforts pour neutraliser les groupes armés.
- Le développement régional : Adresser les causes profondes du conflit, notamment la pauvreté, l’exclusion sociale et l’injustice.
Conclusion
La crise actuelle entre le Mali et l’Algérie illustre les défis complexes liés à la gouvernance et à la sécurité au Sahel. Alors que Bamako s’enlise dans une stratégie militaire controversée, Alger continue de défendre une approche politique et inclusive.
Pourtant, l’entêtement du Mali risque de prolonger l’instabilité et de compromettre la paix dans une région déjà fragilisée. Seule une solution concertée, respectueuse des intérêts de chaque acteur, permettra de restaurer la stabilité et de prévenir une catastrophe humanitaire et sécuritaire d’envergure.
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