Le Parlement européen et l’affaire Boualem Sansal : une ingérence inacceptable dans les affaires internes de l’Algérie
Le Parlement européen a récemment adopté une résolution demandant la libération immédiate et inconditionnelle de l’écrivain algérien Boualem Sansal, détenu depuis novembre dernier en Algérie. Cet appel, présenté comme une défense des droits humains et des libertés fondamentales, s’inscrit dans un contexte où l’Union européenne critique régulièrement la situation politique dans certains pays non occidentaux. Cependant, cette initiative soulève des questions légitimes sur les limites de l’ingérence politique, les doubles standards et les motivations réelles derrière de telles actions.
Contexte : l’affaire Boualem Sansal et l’article 87 bis du Code pénal algérien
Boualem Sansal, écrivain algérien d'origine marocaine âgé de 75 ans, est poursuivi en vertu de l'article 87 bis du Code pénal algérien. Cette disposition qualifie d'« actes terroristes ou subversifs » tout acte visant à porter atteinte à la sûreté de l’État ou à la stabilité des institutions. Les autorités algériennes s’appuient sur cet article pour justifier son arrestation, mais les critiques y voient un outil de répression politique.
Le Parlement européen, à une écrasante majorité (533 voix contre 24), a adopté une résolution condamnant cette arrestation et exigeant sa libération immédiate, ainsi que celle d’autres militants, journalistes et défenseurs des droits humains détenus en Algérie.
Mais au-delà de son aspect humanitaire, cette résolution soulève des interrogations sur sa légitimité et sur les motivations politiques qui l’accompagnent.
Mohamed Ziane : le silence de l’Europe face à une violation avérée des droits de l’Homme au Maroc
Un exemple révélateur des contradictions dans l’action du Parlement européen est celui de Mohamed Ziane, ancien bâtonnier et avocat marocain âgé de 81 ans. Critique ouvert du régime marocain, Ziane a été incarcéré pour des accusations largement considérées comme fabriquées de toutes pièces par les défenseurs des droits humains.
Cela fait plusieurs années que cet homme âgé croupit en prison sans raison valable selon ses avocats et des observateurs internationaux. Pourtant, malgré l’évidence des abus dont il est victime, le Parlement européen n’a jamais voté de résolution pour dénoncer son cas ou demander sa libération.
Cette indifférence est d’autant plus frappante que le Maroc bénéficie d’un partenariat privilégié avec l’Union européenne, notamment en matière économique et migratoire. Ce silence met en lumière ce que certains qualifient de « deux poids, deux mesures » dans les actions de l’UE, qui semble plus encline à s’attaquer aux régimes jugés hostiles à ses intérêts ou à ceux de ses lobbys influents.
Une action politique motivée par des lobbys ?
La résolution européenne sur Boualem Sansal n’est pas perçue par tous comme une simple défense des droits humains. En Algérie, elle est largement interprétée comme une action politique orchestrée par des lobbys, notamment d’extrême droite, hostiles à l’Algérie et à ses positions sur des questions internationales, comme son soutien affiché à la cause palestinienne.
L’Algérie, qui maintient une politique étrangère fondée sur le non-alignement et un appui aux mouvements de libération, s’est attirée les critiques de certains cercles influents en Europe. Ces derniers reprochent à Alger son refus de normaliser ses relations avec Israël, ainsi que son soutien diplomatique et économique à la Palestine.
Ainsi, l’action du Parlement européen dans cette affaire est perçue non pas comme un geste humanitaire désintéressé, mais comme une tentative de pression politique pour affaiblir un régime qui refuse de s’aligner sur les priorités géopolitiques de certains États européens.
Doubles standards : pourquoi cette sélectivité ?
La critique des doubles standards du Parlement européen est récurrente. Pourquoi cet organe législatif s’engage-t-il avec autant de fermeté dans certaines affaires, tout en ignorant d’autres violations similaires, voire plus graves, dans d’autres pays, y compris ceux avec lesquels l’UE entretient des relations privilégiées ?
- Benjamin Netanyahou et Gaza : Malgré les nombreuses accusations portées contre l’ancien Premier ministre israélien pour des actions militaires meurtrières à Gaza, le Parlement européen n’a jamais adopté de résolution exigeant sa mise en cause ou appelant à une révision des lois israéliennes. Pourtant, les crimes de guerre documentés à Gaza ont suscité l’indignation internationale.
- Mohamed Ziane au Maroc : L’Union européenne ferme les yeux sur les abus du régime marocain, malgré l’arrestation arbitraire de figures comme Mohamed Ziane. Cette indulgence est souvent attribuée aux liens économiques et stratégiques étroits entre l’Europe et Rabat.
- Occident et libertés restreintes : Même en Europe, des lois controversées restreignant la liberté d’expression ou les manifestations, comme celles en France ou en Hongrie, n’ont pas suscité de condamnations similaires de la part du Parlement européen.
Ces exemples renforcent l’idée que l’Union européenne applique les principes de droits humains de manière opportuniste, en fonction de ses intérêts géopolitiques et des pressions exercées par des lobbys influents.
Les conséquences pour les relations euro-algériennes
La résolution sur Boualem Sansal ne fait qu’alimenter les tensions entre l’Union européenne et l’Algérie, déjà exacerbées par des désaccords sur des sujets tels que l’énergie, la coopération migratoire et les positions internationales.
En demandant à l’Algérie de revoir ses lois souveraines et en menaçant de conditionner les financements européens à des progrès en matière de droits humains, le Parlement européen risque d’aggraver le fossé entre Alger et Bruxelles. Cette posture pourrait aussi renforcer les discours souverainistes en Algérie, qui rejettent toute ingérence extérieure.
Conclusion : une approche qui manque de cohérence
L’affaire Boualem Sansal met en lumière les limites de l’engagement européen en matière de droits humains. Si le Parlement européen souhaite réellement défendre des valeurs universelles, il doit adopter une approche cohérente, sans double standard ni partialité.
Ignorer des cas similaires, comme celui de Mohamed Ziane au Maroc, tout en se focalisant sur l’Algérie, ne fait que renforcer l’idée que les actions européennes sont souvent guidées par des considérations politiques et non par un souci désintéressé des droits humains.
En fin de compte, ce type d’ingérence perçue pourrait s’avérer contre-productive, en alimentant la méfiance envers les institutions européennes et en renforçant la détermination des pays ciblés à résister à ces pressions. La défense des libertés fondamentales exige impartialité, cohérence et respect des souverainetés nationales, sans quoi elle risque de perdre toute crédibilité.
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