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Le double standard français : entre l'affirmation de la souveraineté nationale en Nouvelle-Calédonie et le déni du droit de l'Algérie à défendre la sienne dans l'affaire Boualem Sansal

La récente controverse autour des déclarations de M. Abbas Abbasov, Directeur exécutif du Groupe d'Initiative de Bakou, lors du Congrès du Front international de décolonisation à Nouméa, Nouvelle-Calédonie-Kanaky, a mis en lumière un paradoxe récurrent dans la diplomatie française. La France, qui réagit fermement lorsqu'il s'agit de ses propres intérêts souverains, adopte une posture bien différente lorsqu'elle critique des pratiques similaires chez d'autres États, comme dans le cas de Boualem Sansal en Algérie. Ce double standard, source de tension et de perplexité sur la scène internationale, mérite une analyse approfondie.

Un attachement inflexible à la souveraineté nationale

Lors du Congrès de Nouméa, M. Abbasov a réaffirmé son soutien au droit à l'autodétermination du peuple kanak, une revendication portée par de nombreux mouvements indépendantistes depuis des décennies. Cette déclaration, bien qu'en accord avec le droit international qui soutient le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, a été perçue par la France comme une menace directe à son intégrité territoriale. La réaction rapide et ferme de M. Jean-Noël Barrot, ministre français des Affaires étrangères, dénonçant une « tentative de déstabilisation de la vie politique française », illustre la sensibilité extrême de Paris sur les questions relatives à ses territoires ultramarins.

Pour la France, la Nouvelle-Calédonie représente bien plus qu’un territoire lointain. Elle est une composante stratégique de sa présence dans l’Indo-Pacifique, une région cruciale sur les plans économique et géopolitique. Malgré plusieurs référendums d’autodétermination, dont le dernier a été boycotté par les indépendantistes kanaks, Paris reste attaché à maintenir son influence dans cet archipel riche en ressources naturelles. Toute critique internationale est ainsi perçue comme une ingérence dans ses affaires intérieures.

La défense des libertés en Algérie : une posture sélective

En parallèle, la France critique ouvertement l’Algérie pour son traitement de l’écrivain Boualem Sansal, accusé de porter atteinte à l’intégrité du territoire algérien. Conformément à l'article 87 bis du code pénal algérien, cette accusation est considérée comme un crime grave. Cependant, Paris dénonce ces poursuites comme une violation des droits fondamentaux de l’auteur, connu pour ses critiques acerbes envers le gouvernement algérien.

La France, qui se pose en défenseur des droits humains et de la liberté d’expression, exige la libération de Sansal, affirmant qu’aucun État ne devrait réprimer les opinions divergentes. Cette position, bien que noble en apparence, révèle une contradiction flagrante : la même France qui prône le respect des droits individuels au-delà de ses frontières refuse d’appliquer ces principes universels lorsqu’il s’agit de ses propres intérêts territoriaux, comme en Nouvelle-Calédonie.

Un double standard révélateur

Le cas de la Nouvelle-Calédonie et celui de Boualem Sansal ne sont pas isolés. Ils témoignent d’un double standard français qui repose sur une vision duale de la souveraineté et des droits universels :

  1. Soutien à la souveraineté nationale lorsqu'il s'agit de la France : La France défend vigoureusement son intégrité territoriale et réagit avec fermeté à toute remise en question, même lorsqu’elle émane d’instances internationales ou d’acteurs extérieurs.
  2. Critique des atteintes aux droits dans d’autres États : Simultanément, Paris n’hésite pas à condamner d'autres gouvernements pour des pratiques similaires, en invoquant des principes de droits humains et de liberté d’expression.

Ce double standard reflète une certaine instrumentalisation des principes universels, utilisés comme levier diplomatique lorsque cela sert les intérêts stratégiques français, mais mis de côté lorsqu'ils pourraient compromettre sa souveraineté.

Les conséquences diplomatiques

Cette incohérence expose la France à des critiques croissantes sur la scène internationale. En défendant vigoureusement ses propres intérêts tout en prônant des valeurs universelles, elle risque de perdre en crédibilité auprès des nations qui dénoncent une politique de « deux poids, deux mesures ».

  • Dans le cas de la Nouvelle-Calédonie, les réactions françaises face aux soutiens internationaux aux Kanaks pourraient renforcer les sentiments anti-français dans les territoires ultramarins.
  • Concernant l’Algérie, le soutien à Boualem Sansal pourrait être interprété comme une ingérence néocoloniale, exacerbant les tensions historiques entre Paris et Alger.

Vers une diplomatie cohérente ?

Si la France souhaite conserver son statut de puissance influente et respectée, elle doit adopter une approche plus cohérente. Défendre la souveraineté nationale est légitime, mais cela ne devrait pas se faire au détriment des principes qu’elle prétend incarner sur la scène mondiale. De même, prôner les droits universels implique de les appliquer de manière impartiale, y compris envers ses propres territoires.

Loin d’être une simple querelle diplomatique, cette question interroge la capacité de la France à aligner ses actions sur ses discours. Le double standard qu’elle pratique affaiblit sa légitimité et alimente le scepticisme quant à ses intentions réelles. Une réforme de sa posture diplomatique, fondée sur une véritable cohérence entre souveraineté et droits universels, pourrait être la clé pour regagner une crédibilité sur la scène internationale.

Conclusion

L’affaire Abbasov-Sansal illustre une contradiction inhérente à la politique étrangère française. Tant que Paris continuera à pratiquer un double standard, elle s’exposera à des critiques qui, à terme, pourraient miner son influence et son image dans le monde. Le défi, pour la France, est de trouver un équilibre entre la défense de ses intérêts nationaux et le respect des principes qu’elle revendique comme universels.



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