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La visite du patron de la DGSE à Alger : un geste stratégique dans un contexte de tensions diplomatiques

La récente visite de Nicolas Lerner, directeur général de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), à Alger, intervient à un moment critique des relations franco-algériennes. Alors que les relations entre les deux pays sont marquées par des désaccords profonds, notamment après la reconnaissance par la France de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, ce déplacement intrigue et soulève de nombreuses questions sur les véritables intentions de Paris. Dans un contexte où la coopération sécuritaire entre les deux pays est gelée depuis l’été dernier, cette démarche revêt un caractère stratégique.


Une relation bilatérale mise à rude épreuve

La reconnaissance par la France de la marocanité du Sahara occidental, annoncée en 2024, a provoqué une vive réaction en Algérie, qui soutient historiquement le Front Polisario et milite pour l’autodétermination de ce territoire. Cette décision de Paris a été perçue comme une atteinte indirecte à la sécurité nationale algérienne, car elle renforce la position du Maroc dans un conflit régional où Alger est un acteur clé. Pour l’Algérie, le Sahara occidental est une question de principe, ancrée dans sa politique étrangère depuis des décennies. Cette prise de position française a donc contribué à détériorer davantage une relation déjà fragilisée par des désaccords sur d’autres fronts, comme les flux migratoires, la mémoire coloniale ou encore les accusations réciproques d’espionnage.

En réaction, Alger a suspendu une grande partie de sa coopération sécuritaire avec Paris, une décision lourde de conséquences dans un contexte où les deux pays partagent des intérêts communs en matière de lutte contre le terrorisme au Sahel et de surveillance des réseaux djihadistes en Afrique du Nord. Ce gel de la coopération a creusé un fossé entre les deux capitales, compliquant davantage leurs relations bilatérales.


Les objectifs possibles de la France

La visite de Nicolas Lerner à Alger, malgré ce contexte tendu, semble s’inscrire dans une tentative de rétablir un dialogue stratégique avec l’Algérie. Mais que cherche réellement la France ? Plusieurs pistes peuvent être envisagées :

  1. Relancer la coopération sécuritaire :
    La lutte contre le terrorisme dans la région du Sahel reste une priorité pour la France. Avec le retrait progressif des troupes françaises de certains pays de la région (comme au Mali), Paris a besoin d’alliés solides pour surveiller et contrer les activités des groupes djihadistes. L’Algérie, de par sa position géographique et son expérience dans la lutte contre le terrorisme, est un acteur incontournable. La France pourrait chercher à convaincre Alger de réactiver la coopération sécuritaire, suspendue depuis plusieurs mois.

  2. Réduire les tensions diplomatiques :
    La visite pourrait également être un geste symbolique destiné à apaiser les tensions et à rétablir une certaine confiance. Après la reconnaissance de la marocanité du Sahara occidental, Paris pourrait vouloir rassurer Alger sur le fait qu’elle ne cherche pas à marginaliser son rôle dans la région. Une reprise du dialogue pourrait également permettre d’éviter que l’Algérie ne s’aligne davantage avec d’autres puissances rivales de la France, comme la Russie ou la Chine, qui cherchent à accroître leur influence en Afrique du Nord.

  3. Protéger les intérêts français en Algérie :
    La France a des intérêts économiques majeurs en Algérie, notamment dans les secteurs de l’énergie et des infrastructures. En outre, l’Algérie est un partenaire clé dans la gestion des flux migratoires vers l’Europe. Maintenir une relation stable avec Alger est donc essentiel pour Paris, à la fois sur le plan économique et en matière de sécurité intérieure.

  4. Neutraliser les accusations d’espionnage :
    Les accusations récentes d’espionnage à l’encontre de la France ont ajouté une nouvelle couche de complexité aux relations bilatérales. La visite de Nicolas Lerner pourrait aussi viser à désamorcer cette crise en envoyant un signal d’apaisement, tout en réaffirmant la volonté de Paris de maintenir un dialogue avec Alger.



Les calculs algériens : une stratégie mesurée

De son côté, l’Algérie semble avoir accepté de recevoir cette délégation de haut niveau, malgré la suspension officielle de la coopération sécuritaire. Ce choix peut s’interpréter comme une volonté de ne pas rompre totalement les ponts avec Paris. Alger sait que ses relations avec la France, bien que conflictuelles, demeurent importantes, notamment dans un contexte où elle cherche à diversifier ses partenariats internationaux. En conservant un canal de discussion avec Paris, l’Algérie maintient également une forme de levier diplomatique qu’elle peut utiliser pour défendre ses intérêts, en particulier sur la question du Sahara occidental.

Vers une nouvelle dynamique ou un dialogue de façade ?

Si la visite du directeur de la DGSE peut être perçue comme un pas en avant, il reste à voir si elle débouchera sur une réelle amélioration des relations entre les deux pays. Le contexte actuel, marqué par une méfiance mutuelle, ne facilite pas la tâche. La France devra démontrer sa volonté de prendre en compte les sensibilités algériennes, notamment sur le dossier du Sahara occidental, pour espérer rétablir une coopération constructive. De son côté, l’Algérie pourrait chercher à utiliser cette ouverture pour renforcer sa position régionale et internationale.

En somme, cette visite constitue un geste stratégique qui reflète à la fois les tensions et les interdépendances profondes entre Paris et Alger. Reste à savoir si elle marquera le début d’un apaisement durable ou si elle ne sera qu’un simple épisode dans une relation en dents de scie.




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