L’obsession des politiciens marocains pour les politiques algériennes : Une analyse du débat autour de l’allocation chômage en Algérie
Dans le contexte tendu des relations maroco-algériennes, les dynamiques politiques des deux pays s’observent souvent sous l’angle de la rivalité régionale. Une illustration récente de cette obsession mutuelle s’est manifestée au sein du Parlement marocain, où des débats animés ont émergé autour de l’allocation chômage instaurée en Algérie. Parmi les figures les plus vocales, la députée marocaine Nabila Mounib a sévèrement critiqué cette mesure, qualifiant l’allocation de facteur favorisant la « fainéantise » et prédisant des répercussions économiques désastreuses pour l’Algérie. Cette critique reflète une tendance récurrente chez certains responsables marocains à commenter les politiques sociales algériennes plutôt que de se concentrer sur les défis internes.
1. Le contexte de l’allocation chômage en Algérie
L’Algérie a introduit en 2022 une allocation chômage visant à fournir un filet de sécurité aux jeunes sans emploi. Cette mesure, unique dans la région nord-africaine, est saluée par de nombreux observateurs comme une initiative audacieuse pour réduire la précarité et renforcer la cohésion sociale. Avec un montant mensuel d’environ 13 000 dinars algériens, cette allocation s’adresse principalement aux jeunes en recherche d’emploi et vise à atténuer les effets sociaux de la crise économique mondiale.
Cependant, cette mesure n’a pas fait l’unanimité, et ses critiques, tant en Algérie qu’à l’étranger, soulignent ses éventuelles implications budgétaires et son impact sur la productivité économique. Ces réserves ont trouvé un écho particulier au Maroc, où le débat sur cette initiative algérienne a pris une tournure politique.
2. Les critiques de Nabila Mounib et leur portée politique
Lors d’une session parlementaire récente, Nabila Mounib, leader du Parti Socialiste Unifié (PSU), a vivement attaqué l’allocation chômage algérienne. Selon ses propos, cette mesure risquerait de créer une « génération de fainéants » et d’aggraver les déséquilibres économiques en Algérie. Elle a également exprimé des doutes sur la viabilité de ce programme à long terme, le qualifiant de politique populiste susceptible de nuire à la compétitivité du pays.
Cette déclaration a suscité des débats au Maroc, certains y voyant une tentative de détourner l’attention des problèmes socio-économiques internes, tels que la montée du chômage des jeunes, les inégalités croissantes et l’absence de politiques similaires pour soutenir les populations vulnérables. En effet, le Maroc, bien qu’économiquement plus intégré sur le plan international, fait face à des défis structurels comparables, notamment dans le domaine de l’emploi.
3. Une obsession stratégique ou un manque de priorités internes ?
Les déclarations de Mounib s’inscrivent dans une tendance plus large chez certains responsables marocains à commenter les initiatives algériennes de manière critique. Cela peut être interprété comme un prolongement de la rivalité historique entre les deux pays, où chaque développement interne devient un outil de comparaison ou de critique mutuelle. Cependant, cette fixation sur les politiques algériennes soulève plusieurs questions :
- Un écran de fumée pour les défis internes : En critiquant l’Algérie, les responsables marocains évitent souvent de répondre aux préoccupations croissantes de leurs propres citoyens. Par exemple, le Maroc ne dispose pas d’un programme d’ampleur similaire pour soutenir les chômeurs, ce qui pourrait expliquer une partie de l’attention portée à l’initiative algérienne.
- Une vision biaisée : Plutôt que de saluer l’allocation chômage comme une mesure réduisant la précarité, les critiques marocaines se concentrent sur ses éventuels effets négatifs, reflétant une approche plus compétitive que constructive.
- Une instrumentalisation politique : Dans le contexte des tensions bilatérales, toute politique algérienne devient une opportunité pour alimenter les récits politiques internes au Maroc.
4. Une perspective académique sur le débat
D’un point de vue académique, cette obsession pour les politiques algériennes peut être interprétée à travers le prisme de la « politique de la comparaison ». Les États en rivalité tendent souvent à se positionner non seulement en fonction de leurs propres réalisations, mais aussi en critiquant les choix de leurs adversaires. Dans le cas du Maroc et de l’Algérie, cette dynamique est exacerbée par des décennies de tensions géopolitiques, notamment autour de la question du Sahara Occidental.
Cependant, cette fixation peut s’avérer contre-productive. En négligeant d’analyser les aspects positifs de l’allocation chômage algérienne, les décideurs marocains risquent de passer à côté d’opportunités d’inspiration pour leurs propres politiques sociales. Par ailleurs, l’accent mis sur la critique des voisins peut nuire à l’image du Maroc comme acteur constructif dans la région.
Conclusion
Le débat autour de l’allocation chômage en Algérie, et particulièrement les critiques de Nabila Mounib, illustre une dynamique complexe entre rivalité régionale et opportunisme politique. Alors que l’Algérie tente de répondre aux défis socio-économiques avec des initiatives audacieuses, le Maroc pourrait bénéficier d’une approche moins critique et plus introspective. Plutôt que de se concentrer sur les défauts potentiels des politiques algériennes, les responsables marocains gagneraient à s’inspirer des initiatives réussies pour mieux répondre aux attentes de leurs propres citoyens. Dans un contexte où les deux pays partagent des défis communs, une coopération constructive, bien que peu probable à court terme, pourrait offrir des solutions durables aux problèmes sociaux et économiques de la région.
Belgacem Merbah
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