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Affaire Boualem Sansal : Quand la France critique l'Algérie mais oublie ses propres lois : Une indignation à géométrie variable

Ces dernières semaines, une polémique a éclaté dans les médias français autour de l'application de l'article 87 bis du code pénal algérien, qui réprime les atteintes à la sûreté de l'État, à l'intégrité territoriale, à la stabilité et au fonctionnement normal des institutions. Certains journalistes et élites françaises, notamment issus de la droite dure ou de l'extrême droite, ont présenté l'application stricte de cet article dans l’affaire Boualem Sansal comme une "chasse aux sorcières" contre la liberté d'expression en Algérie. Cependant, cette indignation semble souffrir d’un double standard évident.


L'existence d'articles analogues en France

Ce que ces critiques omettent volontairement de mentionner, c'est que le code pénal français contient lui aussi des dispositions similaires, voire plus strictes, pour protéger la sûreté nationale, l'intégrité territoriale et le bon fonctionnement des institutions. Les articles 411-1 et suivants du code pénal français punissent sévèrement toute atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation. L’article 412-1, par exemple, réprime les actes mettant en péril l’intégrité du territoire, tandis que l’article 421-1 prévoit de lourdes peines pour des infractions pouvant être assimilées à des actes terroristes.

Il est donc légitime de se demander pourquoi l’application de ces dispositions en Algérie est interprétée comme une répression des libertés, alors qu’en France, ces mêmes lois sont considérées comme nécessaires à la défense de l’État de droit.

L’affaire Boualem Sansal : une indignation partiale

Dans le contexte algérien, Boualem Sansal a tenu des propos controversés sur des questions sensibles liées à l'intégrité territoriale, des propos qui, dans n'importe quel pays, auraient suscité des réactions similaires. Si Sansal avait tenu de telles déclarations sur l’Alsace ou la Corse – en suggérant, par exemple, que ces régions devaient se séparer de la France – il aurait très probablement fait l'objet de poursuites judiciaires, en vertu des mêmes articles évoqués précédemment.

Il est utile de rappeler que la France a réagi avec une grande fermeté à des mouvements similaires, que ce soit le nationalisme corse ou les revendications indépendantistes en Alsace. Les autorités françaises ont historiquement démontré qu'elles ne toléraient pas les atteintes à l'unité du territoire. Alors pourquoi ce deux poids, deux mesures vis-à-vis de l’Algérie ?

Une critique idéologique déguisée

La critique médiatique française semble aller au-delà de l’affaire Sansal. Elle s'inscrit dans une posture idéologique plus large qui consiste à dénigrer les institutions algériennes et à affaiblir leur légitimité aux yeux de l’opinion publique internationale. En présentant l’application stricte d’une loi nationale comme une atteinte à la liberté d’expression, ces médias oublient que la défense de l'intégrité territoriale est une priorité souveraine pour tout État, qu’il s’agisse de la France, de l’Algérie ou d'un autre pays.

Cette attitude s’inscrit également dans une tendance plus générale à considérer que les pays du Sud n’auraient pas le droit d’appliquer les mêmes standards de protection étatique que ceux en vigueur dans les démocraties occidentales. Cette vision paternaliste, voire néocoloniale, traduit une incapacité à accepter que des pays comme l’Algérie puissent défendre leur souveraineté avec la même rigueur que les puissances européennes.

Liberté d'expression ou instrumentalisation politique ?

L'affaire Boualem Sansal soulève également une question plus large sur la frontière entre liberté d'expression et atteinte aux intérêts fondamentaux de l'État. Si la critique des institutions doit être permise dans une société démocratique, cela ne signifie pas que des appels explicites ou implicites à saper l’unité territoriale ou la stabilité institutionnelle doivent être tolérés sans conséquence.

En conclusion, les médias français feraient bien de balayer devant leur porte avant de critiquer l’application d’une loi qui, en tout point, reflète des dispositions similaires dans leur propre système juridique. L’affaire Boualem Sansal révèle moins une atteinte à la liberté d'expression qu'une tentative de discréditer l’Algérie sous couvert de principes universels. Si la France souhaite donner des leçons, elle devrait commencer par se demander comment elle réagirait dans une situation comparable. Une indignation à géométrie variable ne fait que miner la crédibilité de ces critiques et renforcer la perception d’un traitement partial et idéologique.

Belgacem Merbah

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