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Le recours à la dérision dans la presse marocaine face aux événements politiques algériens : une analyse psychanalytique

Cet article explore le recours fréquent à la dérision dans la presse marocaine face à des événements politiques sérieux, tels que le récent défilé militaire algérien du 1er novembre 2024 et la décision de l’Algérie d’imposer un visa aux ressortissants marocains. En adoptant une perspective psychanalytique, nous examinons comment et pourquoi ce mécanisme de défense s'active dans la sphère médiatique marocaine, et les dynamiques de rivalité symbolique qui en découlent. Cette étude vise à éclairer les implications psychologiques et les motivations inconscientes qui sous-tendent ce type de discours, en cherchant à comprendre comment la dérision reflète des tensions profondes dans la relation maroco-algérienne.


Les relations entre le Maroc et l'Algérie ont toujours été marquées par une rivalité historique, politique et idéologique, amplifiée par des conflits récurrents sur des questions de souveraineté, de frontières et d'influence régionale. Dans ce contexte, la presse marocaine adopte souvent un ton sarcastique et moqueur lorsqu’elle couvre les décisions et actions politiques de l’Algérie. Loin d’être anecdotique, ce recours à la dérision face à des faits graves, comme le récent défilé militaire algérien ou l’imposition de visas pour les Marocains, révèle des enjeux psychologiques et des processus inconscients à analyser. En mobilisant la psychanalyse, cet article vise à comprendre ce phénomène dans sa dimension symbolique et affective.

I. La dérision comme mécanisme de défense : perspective freudienne Freud a conceptualisé le rire et la dérision comme des mécanismes de défense permettant de détourner l’angoisse et de canaliser des tensions internes. Dans le cas de la presse marocaine, la moquerie envers les événements politiques algériens peut être interprétée comme une réponse défensive face à une situation perçue comme menaçante ou anxiogène. La décision de l'Algérie d'imposer un visa aux Marocains, par exemple, met en évidence un acte de fermeture symbolique qui pourrait être perçu comme une atteinte à la dignité nationale marocaine. Par la moquerie, les journalistes semblent alors transformer un sentiment de frustration ou d'impuissance en une forme de supériorité symbolique.


II. La dérision comme tentative de renversement des rapports de force : théorie des relations d’objet La théorie des relations d’objet, développée par des psychanalystes comme Melanie Klein, suggère que les individus et groupes projettent souvent des sentiments négatifs sur l’« autre » pour stabiliser leur propre identité. La dérision à l’égard de l’Algérie peut être perçue comme une projection collective qui vise à renforcer la cohésion nationale marocaine face à un voisin perçu comme rival. En rabaissant symboliquement l'Algérie à travers le sarcasme, la presse marocaine renverse temporairement les rapports de force, attribuant aux Algériens des faiblesses ou des échecs (comme des équipements militaires perçus comme obsolètes). Cette démarche pourrait être interprétée comme une tentative d’affirmation nationale par la dévalorisation de l’autre, servant ainsi de miroir qui renforce l’identité collective marocaine.

III. La rivalité fraternelle et le complexe de l’Œdipe En psychanalyse, le concept de rivalité fraternelle et le complexe d'Œdipe peuvent éclairer la dynamique conflictuelle entre le Maroc et l'Algérie, souvent comparée à celle de "frères ennemis". La relation entre les deux pays, partagée entre similarité culturelle et historique, et compétition pour l’influence régionale, rappelle les tensions typiques de la rivalité œdipienne où chacun cherche à se démarquer. En employant la dérision pour commenter les décisions politiques et militaires de l'Algérie, la presse marocaine semble ainsi rejouer un scénario de concurrence œdipienne, où le but est de supplanter le rival perçu comme une figure paternelle de puissance.

IV. La dérision comme exutoire aux frustrations sociopolitiques internes La psychanalyse sociale propose que les phénomènes de moquerie ou d’humour agressif dans les discours publics peuvent également agir comme des exutoires pour les frustrations internes. En effet, le Maroc fait face à ses propres défis sociaux et économiques. La moquerie envers l’Algérie pourrait ainsi représenter un déplacement symbolique de frustrations endogènes vers un ennemi extérieur, permettant au public de détourner l’attention de ses propres difficultés. Ce processus de "déplacement" permet de donner une apparence de maîtrise de la situation, tout en évacuant les ressentiments accumulés.

V. Le paradoxe de l’admiration et de l’agressivité : la notion de l'ambivalence Selon certains psychanalystes, la moquerie peut aussi trahir une forme d’ambivalence, où l’admiration inavouée coexiste avec une forme d’agressivité. La fascination pour la capacité de l’Algérie à organiser un défilé militaire ou à adopter des mesures autonomes (comme l’imposition de visas) peut engendrer des sentiments d’envie inconscients, transformés en moquerie pour atténuer leur impact. La dérision devient alors un moyen de minimiser la valeur perçue de ces actions, pour protéger l’ego collectif marocain d’un sentiment d’infériorité ou de dépendance cachée.

Conclusion : La dérision persistante de la presse marocaine face aux actions politiques algériennes témoigne de processus psychologiques complexes, où la rivalité, la projection, et l’ambivalence occupent une place centrale. En analysant ces mécanismes à travers le prisme psychanalytique, nous comprenons que le sarcasme journalistique, loin d’être anodin, reflète des dynamiques émotionnelles profondes et des stratégies inconscientes de gestion des tensions interétatiques. En recourant à la moquerie, la presse marocaine semble ainsi naviguer entre protection de l'ego collectif, défense contre l'anxiété, et affirmation d'une identité nationale distincte. Toutefois, ce type de discours, bien qu’il puisse renforcer temporairement la cohésion nationale, risque d’enfermer les relations maroco-algériennes dans une boucle de conflits symboliques, entravant toute tentative de rapprochement constructif.




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