Le Groupe d’Action Financière (GAFI) est un organisme international clé dans la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Sa liste des juridictions placées « sous surveillance renforcée », connue sous le nom de « liste grise », constitue un instrument de pression pour pousser les pays à renforcer leurs dispositifs de conformité financière. Cependant, certains observateurs mettent en avant des dimensions géopolitiques et politiques, notamment en ce qui concerne l’Algérie, récemment inscrite sur cette liste. Cette décision interviendrait dans un contexte où l’Algérie a pris des orientations géostratégiques indépendantes, notamment son adhésion à la Nouvelle Banque de Développement des BRICS en août 2023, perçue comme une alternative à certaines institutions financières dominées par les puissances occidentales.

Contexte Géopolitique et Suspicion de Pressions Politiques
La décision du GAFI d’inclure l’Algérie dans la liste grise intervient peu après son adhésion aux BRICS, un bloc de pays émergents (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) qui cherchent à offrir une alternative au système financier traditionnel dominé par les États-Unis et l’Europe (Reuters, 2023). Cette orientation stratégique vise à réduire la dépendance aux institutions internationales conventionnelles comme le FMI et la Banque mondiale. Certains analystes voient dans cette inscription un moyen indirect de faire pression sur Alger, qui renforce ses alliances financières et politiques en dehors des sphères traditionnelles, pour contrer son autonomisation croissante dans le secteur financier.
L’Algérie et le GAFI : Progrès en Matière de Régulation Financière
L’ajout de l’Algérie à la liste grise a été justifié par le GAFI en tant que moyen de stimuler l’amélioration des dispositifs de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (GAFI, 2023). Toutefois, les autorités algériennes avaient déjà engagé des réformes significatives, notamment à travers l’adoption du Rapport d’Évaluation Mutuelle (REM) en mai 2023, et la réduction du nombre de recommandations du GAFI (de 74 à 13). La stratégie nationale de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, mise en place pour la période 2024-2026, s’inscrit également dans cette dynamique d’amélioration continue (Horizons, 2023). L’Algérie, bien qu'inscrite sous surveillance, reçoit un certain soutien de la communauté internationale pour ses progrès substantiels.
La Situation Marocaine : Critiques et Écarts de Surveillance
Certains observateurs algériens s’interrogent sur le fait que des pays comme le Maroc, pourtant connus pour leurs liens avec le narcotrafic et impliqués dans plusieurs affaires de blanchiment d’argent, échappent à cette surveillance. En effet, plusieurs cas de blanchiment ont impliqué des banques marocaines, dont la Banque Chaabi, sanctionnée en Europe pour des activités illicites : en 2021, la Banque Chaabi a reçu une amende de 170 millions d’euros et s’est vu retirer sa licence bancaire en Espagne, Belgique et aux Pays-Bas pour des violations en matière de lutte contre le blanchiment d’argent (L’Écho, 2021). Cette absence de mise sous surveillance pour des pays ayant des antécédents similaires ou plus graves soulève des questions sur l’uniformité des critères d’évaluation du GAFI et sur une potentielle partialité en fonction des orientations politiques des pays concernés.
Conclusion : Entre Lutte Contre la Criminalité Financière et Enjeux Géopolitiques
L’inscription de l’Algérie sur la liste grise du GAFI soulève des questions à la fois sur les progrès réels du pays dans la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, mais aussi sur le contexte politique qui pourrait influencer cette décision. La coopération renforcée de l’Algérie avec les BRICS et ses initiatives d’indépendance financière peuvent être perçues comme des menaces aux équilibres géostratégiques dominants, influençant l’application de mesures de surveillance internationale. Alors que l’Algérie poursuit sa modernisation financière avec une stratégie nationale dédiée et des engagements concrets, des demandes de transparence accrue et d’uniformité dans l’application des critères du GAFI demeurent essentielles pour garantir une justice équitable dans la régulation financière mondiale.
Belgacem Merbah
Références
- GAFI. (2023). "Liste des juridictions sous surveillance renforcée." Groupe d'Action Financière. Consulté le 30 octobre 2023.
- Horizons. (2023). "Les efforts de l'Algérie en matière de lutte contre le blanchiment d'argent salués par le GAFI." Horizons, 28 octobre 2023.
- Le Monde. (2023). "L’Algérie placée sous surveillance renforcée par le GAFI : Explications et enjeux." Le Monde, 26 octobre 2023.
- L’Écho. (2021). "La Banque Chaabi du Maroc sanctionnée en Europe pour blanchiment d’argent." L’Écho, 15 juillet 2021.
- Reuters. (2023). "L’Algérie rejoint la banque des BRICS : Enjeux et implications." Reuters, août
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