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La question de la "souveraineté" du Maroc sur le Sahara occidental : enjeux juridiques et politiques

Le conflit autour du Sahara occidental, ancienne colonie espagnole, est l'un des plus anciens conflits territoriaux non résolus au monde. Depuis le retrait de l'Espagne en 1975, le Maroc revendique ce territoire, tandis que le Front Polisario, soutenu par l'Algérie, lutte pour l'indépendance sahraouie. Au centre de cette question se trouve la revendication de souveraineté marocaine, appuyée par un projet d'autonomie proposé en 2007, mais contesté sur le plan du droit international.


1. La position marocaine et la reconnaissance internationale

Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères du Maroc, a souligné à plusieurs reprises ce qu'il appelle une « dynamique politique » favorable à la reconnaissance de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental. Cette position s'appuie notamment sur le soutien international croissant, avec des pays comme les États-Unis qui, en 2020, sous l'administration Trump, ont officiellement reconnu cette souveraineté. Bourita met en avant le projet d'autonomie marocain de 2007, conçu selon un modèle inspiré par le droit constitutionnel français, comme une solution crédible et réaliste au conflit.

Cependant, cette stratégie de reconnaissance diplomatique ne peut pas à elle seule résoudre les questions juridiques sous-jacentes au statut du Sahara occidental. Le Sahara occidental est inscrit depuis 1963 sur la liste des territoires non autonomes des Nations unies, une situation qui implique un processus de décolonisation inachevé. Le plan d'autonomie proposé par le Maroc, même avec un soutien international, soulève la question fondamentale de la légalité au regard du droit international, qui repose sur le principe de l'autodétermination des peuples.


2. L'avis de la Cour internationale de justice et le cadre onusien

Le fondement juridique de la revendication marocaine a été fragilisé par l'avis consultatif de la Cour internationale de justice (CIJ) en 1975. Dans son avis, la CIJ a rejeté les prétentions du Maroc et de la Mauritanie à une souveraineté historique sur le territoire, soulignant qu'aucun lien de souveraineté préalable n'avait été établi entre le Sahara occidental et le Maroc. Cet avis a confirmé que la décolonisation du territoire devait se faire par le biais d’un référendum d’autodétermination, tel que prescrit par les résolutions de l'ONU, notamment la résolution 1514 de 1960 sur l’octroi de l’indépendance aux peuples colonisés .

L'ONU a continuellement réitéré cet appel à un processus d'autodétermination. Depuis la création de la Mission des Nations unies pour l'organisation d'un référendum au Sahara occidental (MINURSO) en 1991, l'objectif reste d'organiser un référendum dans lequel le peuple sahraoui déciderait de son avenir : indépendance, intégration au Maroc ou autonomie. Toutefois, le Maroc a systématiquement bloqué toute tentative d'organiser ce référendum, préférant promouvoir son plan d'autonomie comme seule solution .


3. L'impasse juridique et politique

Bien que certaines reconnaissances internationales, telles que celle des États-Unis, puissent consolider la position politique du Maroc sur le plan international, elles ne modifient pas le cadre juridique international applicable. Selon le droit international, et plus particulièrement le principe de l’autodétermination, c'est au peuple sahraoui lui-même de décider de son statut futur. Les résolutions onusiennes et l'avis de la CIJ font de ce principe une condition sine qua non pour une solution légale et durable au conflit  .

En l’absence d’un référendum d’autodétermination, toute solution imposée unilatéralement par le Maroc, telle que l'octroi d'une autonomie sans consultation du peuple sahraoui, serait juridiquement contestable. La légitimité du processus dépend fondamentalement du consentement des Sahraouis à travers un mécanisme de consultation libre et équitable. Ainsi, la reconnaissance par certains pays de la souveraineté marocaine ne règle pas la question de fond, car elle ne satisfait pas le critère d'autodétermination prévu par le droit international.


Conclusion

La question du Sahara occidental demeure une impasse à la fois politique et juridique. Bien que le Maroc ait réussi à obtenir un soutien international croissant pour son plan d'autonomie, la légalité de ce plan reste sujette à débat tant que le droit à l'autodétermination du peuple sahraoui n'est pas respecté. Le cadre juridique onusien et les principes fondamentaux du droit international, tels que l’autodétermination, ne peuvent être contournés par des accords bilatéraux ou des reconnaissances diplomatiques isolées. En fin de compte, une solution durable passera nécessairement par un processus légitime, respectant les droits du peuple sahraoui à décider de son propre avenir.


Belgacem Merbah


Références :

1. Cour internationale de justice, Avis consultatif sur le Sahara occidental, 16 octobre 1975.

2. Nations Unies, Résolution 1514 (XV) de l'Assemblée générale relative à l'octroi de l'indépendance aux peuples et pays coloniaux, 1960.

3. Nations Unies, Rapport du Secrétaire général sur la situation concernant le Sahara occidental, 2020.

4. International Crisis Group, Western Sahara: The Cost of the Conflict, rapport, 2021.

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