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Guerre de l'eau : l'Algérie dévoile les pratiques « destructrices » du Maroc concernant les ressources en eau.

Les tensions entre l'Algérie et le Maroc, exacerbées par l’absence de relations diplomatiques depuis août 2021, ont récemment pris une nouvelle dimension avec la dénonciation par l'Algérie des pratiques hydriques marocaines jugées « destructrices ». Alors que les deux pays font face à une sécheresse endémique, les allégations algériennes mettent en lumière un conflit autour des ressources en eau transfrontalières. Ces accusations ont été formulées par le ministre algérien de l’Hydraulique, Taha Derbal, lors de la 10e Réunion des Parties à la Convention sur la protection et l’utilisation des cours d’eaux transfrontaliers et des lacs internationaux, tenue à Ljubljana, en Slovénie, le 23 octobre 2024.

La Question des Eaux Transfrontalières et les Accusations Algériennes

L'Algérie accuse le Maroc de pratiques nuisibles affectant la disponibilité et la qualité de l'eau dans les régions frontalières. Selon le ministre Derbal, les actions marocaines, notamment la construction de barrages et l'obstruction des cours d'eau transfrontaliers, auraient contribué à l'assèchement des ressources en eau dans l’ouest et le sud-ouest algériens. Parmi les principales accusations figure la contamination des eaux entrantes en Algérie, qui aurait dégradé la qualité de l'eau dans le barrage de Hammam Boughrara, situé dans la wilaya de Tlemcen. De plus, la construction du barrage de Kadoussa au Maroc aurait considérablement réduit les débits de l’oued Ghir, provoquant l’assèchement du lac du barrage algérien de Djorf Torbact écologique de cet assèchement a été sévère. Le ministre Derbal a mentionné l’effondrement des écosystèmes dans la région de la Saoura, avec des conséquences dévastatrices sur la biodiversité. Selon les données présentées, 43 espèces d’oiseaux et d’animaux rares ont disparu, et les routes migratoires des oiseaux ont été perturbées. Cet impact va au-delà de l’environnement, avec des répercussions économiques et sociales graves sur les communautés algériennes vivant près des frontières. L'Algérie a dû engager d’importantes ressources financières pour fournir de l'eau potable à ces populations, mais la situation reste préoccupante et nécessiterait, selon Derbal, un soutien international pour réhabiliter les écosystèmes affectés.

tives Algériennes en Matière de Gestion des Eaux Transfrontalières

L'Algérie se présente comme un acteur responsable dans la gestion des ressources hydriques transfrontalières. Lors de son intervention à Ljubljana, Taha Derbal a souligné que son pays s’efforce d’éviter des pratiques susceptibles de nuire à ses voisins, en veillant notamment à ne pas construire de barrages ou à ne pas dévier des cours d'eau dans des régions proches des frontières. L’Algérie a également mis en avant son engagement en faveur de la coopération régionale dans la gestion des ressources en eau. Un exemple significatif de cette démarche est l’accord tripartite signé en avril 2024 entre l’Algérie, la Tunisie et la Libye pour la gestion commune des eaux souterraines dans le Sahara septentrional. Cet accord établit un mécanisme de concertation destiné à promouvoir une exploitation durable et partagée de ces ressources.

En revanche, le hydrique du Maroc est de plus en plus critiquée, tant au niveau national qu’international. Plusieurs experts, dont l'économiste marocain Akesbi Nadjib, ont dénoncé une stratégie « hydrovore » qui favorise l’agriculture d’exportation au détriment des besoins locaux. Des cultures comme les pastèques, les tomates, et les dattes sont particulièrement visées pour leur forte consommation en eau dans des zones arides. Le barrage de Kadoussa, mis en cause par l’Algérie, a pour objectif de développer la production de dattes dans la province d’Errachidia, irrigant entre 5 000 et 6 000 hectares de plantations . Ce projet est soutenu pa Française de Développement (AFD), qui, tout en reconnaissant le potentiel économique de cette production, met en garde contre une concurrence pour l'eau entre les grandes exploitations et les petits agriculteurs des oasis.

Implications Régionales et Recommandations pour un Dialogue Hydrique

Les tensions entre l’Algérie et le Maroc sur la question des ressources en eau s’inscrivent dans un contexte plus large de gestion des ressources hydriques transfrontalières. Ce conflit met en évidence les défis auxquels sont confrontés les pays partageant des bassins fluviaux, en particulier dans des régions arides comme le Maghreb. Les pratiques unilatérales, telles que la construction de barrages sans concertation, peuvent avoir des effets négatifs non seulement sur l’environnement, mais aussi sur les relations interétatiques.

Pour Taha Derbal, la solution réside dans le renforcement du dialogue et de la concertation entre les États concernés. L’exemple de l’accord tripartite entre l’Algérie, la Tunisie et la Libye montre qu’il est possible d’établir des mécanismes de coopération efficaces pour une gestion durable des ressources en eau. Derbal a souligné l’importance de rendre la concertation entre pays une « réalité concrète » afin de garantir un développement durable dans la région. Il s’agit d’un appel à une gestion plus équilibrée des ressources naturelles, basée sur la coopération plutôt que sur la compétition .

Conclusion

La crise hydriqu entre l'Algérie et le Maroc met en lumière les défis croissants liés à la gestion des eaux transfrontalières dans des régions confrontées à la sécheresse. Si l’Algérie appelle à une coopération régionale pour préserver les écosystèmes partagés, les pratiques du Maroc, axées sur une agriculture tournée vers l’exportation, continuent d’alimenter les tensions. Un dialogue ouvert et une coordination accrue entre les deux nations apparaissent comme des solutions indispensables pour surmonter ces divergences et promouvoir une gestion durable des ressources hydriques.

Belgacem Merbah


Références :

  1. APS, Agence de Presse Algérienne. « L'Algérie dénonce les pratiques hydriques du Maroc. » APS, 23 octobre 2024.
  2. Derbal, Taha. Discours prononcé lors de la 10e Réunion des Parties à la Convention sur les cours d'eaux transfrontaliers, Ljubljana, 23 octobre 2024.
  3. « Accords tripartites sur les eaux souterraines du Sahara septentrional. » Journal Algérien des Ressources Naturelles, avril 2024.
  4. Akesbi, Nadjib. « Le Maroc et ses politiques hydriques : une analyse critique. » Revue Économique Marocaine, 2023.
  5. AFD, Agence Française de Développement. « Projet du barrage de Kadoussa : Défis et opportunités. » AFD Publications, 2023.

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