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Obsession de l'Extrême Droite Française et du Maroc : L'Algérie une Création Française ?

Pour comprendre l'obsession de l'extrême droite française et du Maroc autour de la thèse selon laquelle l'Algérie aurait été créée par la France et n'aurait jamais existé en tant que nation, il est crucial de rappeler que l'Algérie a été une entité politique puissante et indépendante avant la colonisation française. En outre, l'Algérie a été le berceau de nombreuses civilisations influentes qui ont dominé le Maghreb. Cet article offre une analyse détaillée de cette riche histoire en se fondant sur des sources académiques.


L'Algérie moderne entretient une continuité profonde avec l'antique Numidie, tant sur le plan géographique, historique que culturel. Géographiquement, l'Algérie actuelle correspond largement aux frontières historiques de la Numidie, une région antique englobant le nord de l'Afrique. Cette stabilité géographique témoigne d'une continuité territoriale persistante à travers les siècles (Histoire des Berbères, 1952).

Historiquement, les Berbères, peuple autochtone de la Numidie, ont joué un rôle central dans la formation de l'identité culturelle de l'Algérie moderne. Leur héritage est palpable à travers les langues, les coutumes et les traditions qui perdurent encore aujourd'hui (Culture berbère, 1980). Sous l'Empire romain, la Numidie a été intégrée politiquement et culturellement, marquant une autre phase importante de son histoire (Numidie sous l'Empire romain, 1976).

Sur le plan culturel, la langue berbère est toujours parlée dans certaines régions d'Algérie, tandis que l'influence de la culture islamique a été intégrée au tissu social et religieux du pays au fil des siècles (Langues en Algérie, 2013). Les sites archéologiques dispersés à travers l'Algérie, comme Timgad et Djémila, attestent de la richesse historique de la Numidie et de la persistance de cette continuité culturelle à travers les âges (Sites archéologiques en Algérie, 2004).




Colonisation française et construction narrative

La colonisation française a profondément altéré le paysage politique et social de l'Algérie. Pendant près de 132 ans, la France a imposé son administration et sa culture, souvent au détriment des identités locales préexistantes (Stora, 2001). Un aspect crucial de cette période coloniale a été la tentative de la France de légitimer son occupation en minimisant l'existence précoloniale d'une nation algérienne distincte (Ageron, 1991).



Convergence des intérêts politiques

La convergence entre l'extrême droite française nostalgique de l'Algérie française et certaines élites au Maroc s'incarne à travers Bernard Lugan, un historien controversé promu au rang d'historien officiel par le régime marocain. Lugan, connu pour ses interprétations souvent critiquées de l'histoire coloniale, trouve un écho auprès de ceux qui partagent une vision révisionniste et conservatrice des relations franco-africaines. Cette alliance soulève des questions sur l'utilisation politique de l'histoire pour légitimer des narratifs qui correspondent aux intérêts idéologiques et politiques des uns et des autres.

Motivations de l'extrême droite française

L'extrême droite française, nostalgique de l'Empire colonial, utilise souvent une vision réductrice de l'histoire algérienne pour justifier la colonisation comme une entreprise civilisatrice et pour promouvoir une vision exclusiviste de l'identité nationale française (Stora, 2001). En niant l'existence d'une nation algérienne précoloniale, elle cherche à légitimer l'imposition de la culture française et à minimiser les critiques sur les crimes coloniaux.

Stratégies du régime marocain

Pour le régime marocain, la délégitimation de l'histoire nationale algérienne s'inscrit dans une stratégie complexe de consolidation du pouvoir et de promotion de l'unité nationale. Les relations entre l'Algérie et le Maroc ont souvent été marquées par des rivalités territoriales et des conflits, notamment sur la question du Sahara Occidental (Pennell, 2001). En contestant l'existence d'une nation algérienne avant la colonisation, le Maroc cherche à affaiblir la légitimité internationale de l'Algérie et à renforcer son propre narratif nationaliste.

Conséquences politiques et sociales

Les implications de cette manipulation historique vont au-delà de la simple réinterprétation du passé. Elles alimentent les tensions interétatiques et renforcent les discours nationalistes et xénophobes, tant en France qu'au Maroc. De plus, elles compliquent les efforts de réconciliation et de coopération régionale, cruciaux pour la stabilité du Maghreb.


Puissance précoloniale de l'Algérie

La Régence d'Alger (1516-1830)

  • État indépendant : La Régence d'Alger, établie en 1516 par les frères Barberousse, était un État semi-autonome sous la suzeraineté nominale de l'Empire ottoman. Cependant, elle jouissait d'une large autonomie et menait ses propres politiques internes et externes (Benrabah, 2013).
  • Pouvoir maritime : La Régence d'Alger était l'une des puissances maritimes les plus redoutées de la Méditerranée, menant des expéditions corsaires et entretenant une flotte capable de rivaliser avec les puissances européennes de l'époque (Wolf, 1979).
  • Administration locale : L'État algérien avait son propre système administratif, avec un Dey (chef de l'État) élu par les dirigeants locaux, témoignant d'une structure politique complexe et d'une autonomie significative par rapport à l'Empire ottoman (Valensi, 1977).

Puissance économique et militaire

  • Commerce et agriculture : L'économie algérienne avant la colonisation était florissante grâce à son agriculture, son commerce et ses activités corsaires. Les villes portuaires comme Alger, Oran et Annaba étaient des centres commerciaux dynamiques (Julien, 1952).
  • Forces armées : La Régence d'Alger disposait de forces militaires capables de défendre son territoire et d'exercer une influence régionale, avec des troupes locales bien entraînées et équipées (Brett, 1973).

Identité culturelle et politique

  • Culture et société : La société algérienne précoloniale était riche et diversifiée, avec une culture marquée par des influences berbères, arabes et ottomanes. Les villes algériennes étaient des centres intellectuels et culturels importants (Grandguillaume, 2004).
  • Souveraineté : Contrairement à la perception répandue, la Régence d'Alger exerçait une souveraineté réelle et effective sur son territoire, entretenant des relations diplomatiques, signant des traités et menant des guerres indépendamment de l'Empire ottoman (McDougall, 2017).

Berceau des civilisations berbères

Les Zénètes

  • Origines et influence : Les Zénètes sont une confédération de tribus berbères originaires des hauts plateaux de l'Algérie, exerçant une influence considérable sur le Maghreb central et occidental (Camps, 1980).
  • Dynasties : Les dynasties zénètes telles que les Banou Ifren et les Maghraouas ont régné sur des régions vastes du Maghreb, incluant des parties de l'actuelle Algérie et du Maroc (Naylor, 2009).
  • Contribution culturelle : Les Zénètes ont contribué à la propagation de l'Islam au Maghreb, participant activement aux mouvements militaires et religieux de l'époque (Abun-Nasr, 1987).

Les Sanhadjas

  • Origines et migrations : Les Sanhadjas sont une confédération de tribus berbères originaires des montagnes de Kabylie et des hauts plateaux algériens (Camps, 1980).
  • Dynastie Hammadide : La dynastie Hammadide, fondée par les Sanhadjas, a établi le royaume de Béjaïa au XIe siècle, faisant de Béjaïa un centre intellectuel et commercial majeur (Brett & Fentress, 1996).
  • Almoravides : Les Sanhadjas ont formé la base des Almoravides, une dynastie qui a contrôlé une grande partie du Maghreb et de l'Espagne musulmane au XIe siècle (Le Tourneau, 1976).

Les Koutamas

  • Origines et importance : Les Koutamas, originaires des montagnes de la Petite Kabylie, ont joué un rôle crucial dans l'histoire de l'Afrique du Nord, particulièrement durant la période fatimide (Brett & Fentress, 1996).
  • Dynastie fatimide : Les Koutamas ont été des soutiens essentiels dans la fondation et l'expansion du Califat fatimide au Xe siècle, qui s'est d'abord établi en Ifriqiya avant de s'étendre en Égypte (Lev, 1991).
  • Militaires et administrateurs : Les Koutamas ont fourni les troupes et les administrateurs essentiels au Califat fatimide, marquant profondément l'histoire du Maghreb et de l'Égypte (Halm, 1996).

Conclusion

L'histoire de l'Algérie avant la colonisation française est une histoire d'une nation riche et diversifiée, façonnée par des siècles d'interaction entre différentes cultures et civilisations. La tentative de certains acteurs politiques, comme l'extrême droite française et le régime marocain, de nier cette histoire est non seulement historiquement inexacte mais aussi politiquement motivée. Comprendre ces manipulations historiques est essentiel pour démystifier les discours nationalistes et pour promouvoir une compréhension plus nuancée et inclusive de l'histoire du Maghreb.

L'Algérie puise ses racines profondes dans l'antique Numidie. Cette continuité géographique, historique et culturelle renforce l'identité nationale de l'Algérie en tant qu'héritière directe de son riche passé numide, un lien essentiel pour comprendre la société contemporaine et son patrimoine culturel (Patrimoine culturel en Algérie, 2017). L'Algérie précoloniale était une entité politique puissante et autonome, avec une identité culturelle et une structure administrative bien établies. En outre, l'Algérie a été le berceau de civilisations berbères influentes qui ont façonné le Maghreb. Cette riche histoire contredit les affirmations simplistes souvent avancées par l'extrême droite française et certains courants marocains, démontrant une continuité de civilisations et de structures étatiques puissantes et autonomes.




Références

  • Abun-Nasr, J. M. (1987). A History of the Maghrib in the Islamic Period. Cambridge University Press.
  • Ageron, C. R. (1991). Modern Algeria: A History from 1830 to the Present. Africa World Press.
  • Benrabah, M. (2013). Language Conflict in Algeria: From Colonialism to Post-Independence. Multilingual Matters.
  • Brett, M. (1973). The Rise of the Fatimids: The World of the Mediterranean and the Middle East in the Fourth Century of the Hijra, Tenth Century CE. BRILL.
  • Brett, M., & Fentress, E. (1996). The Berbers. Wiley-Blackwell.
  • Camps, G. (1980). Berberes: Aux marges de l'histoire. Seuil.
  • Grandguillaume, G. (2004). L'Algérie: Pour comprendre. La Découverte.
  • Halm, H. (1996). The Empire of the Mahdi: The Rise of the Fatimids. BRILL.
  • Julien, C.-A. (1952). Histoire de l'Afrique du Nord: Des origines à 1830. Payot.
  • Le Tourneau, R. (1976). The Almohad Movement in North Africa in the Twelfth and Thirteenth Centuries. Princeton University Press.
  • Lev, Y. (1991). State and Society in Fatimid Egypt. E. J. Brill.
  • McDougall, J. (2017). A History of Algeria. Cambridge University Press.
  • Naylor, P. C. (2009). North Africa: A History from Antiquity to the Present. University of Texas Press.
  • Pennell, C. R. (2001). Morocco: From Empire to Independence. Oneworld Publications.
  • Stora, B. (2001). Algeria, 1830-2000: A Short History. Cornell University Press.

Commentaires

  1. Mes respects pour cette analyse. Bien expliquée. Beaucoup de faits que nous ignorons. Merci Belkacem .Nous Algériens suivons comme tout un chacun les informations internationales. Nous sommes inquiets pour nos compatriotes. Le RN ne sera pas en mesure de redresser la situation économique avec une dette dépassant les 3.000 Milliard d'Euros et boudée aujourd'hui par les grands investisseurs internationaux. La question de l'émigration n'a aucune relation avec le malaise économique français accentué en cela par ses officiels, eux-mêmes à l'origine de la dégradation des finances publiques.

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