Interview de Belgacem Merbah par le Think Tank International Crisis Group sur les relations algéro-marocaines

Dans le cadre d'un travail de recherche sur les relations et tensions diplomatiques entre l'Algérie et le Maroc, j'ai été sollicité par International Crisis Group pour répondre à des questions. Par souci de transparence vis-à-vis des personnes qui nous font confiance, nous publions dans cet article l'interview complète.

ICG : est-ce qu'on peut parler de l'essor d'un véritable mouvement nationaliste virtuel (Algerian Patriots, Algerian Brotherhood etc.) en Algérie en réponse au nationalisme des "moorish" marocains?

Belgacem Merbah : 

Je ne peux pas parler d’Algerian Brotherhood, je vais me contenter de parler d’Algerian Patriots.

Je ne pense pas que le problème se pose dans ces termes : d’abord, le terme nationalisme n’est pas adapté à notre cas, il s’agit plutôt de patriotisme. De plus, je refuse le parallèle que vous faites entre ce que je fais au travers d’Algerian Patriots qui est un mouvement citoyen spontanée et le mouvement moorish qui est un mouvement raciste, organisé par les services marocains (la DGED plus précisément) pour attaquer le front intérieur algérien.

Je pense que vous ne connaissez pas bien l’Algérie : les Algériens sont en général très patriotes comme c’est le cas pour les Russes ou les Américains. Pour vous donner un exemple, tous les élèves en Algérie chantent l’hymne national tous les matins dans toutes les écoles du pays.

Nous aimons notre pays et il est normal de le défendre quand il est attaqué. Notre chaine n’a pas été créée pour répondre exclusivement aux attaques marocaines, je vous ferais remarquer, à titre d'exemple, que lorsque Emmanuel Macron a mis en doute l’existence de la nation algérienne, notre chaine a attaqué avec beaucoup de véhémence les propos irresponsables de Macron. Nous aimons l’Algérie et nous défendons notre pays contre quiconque qui l’attaque.

Finalement, nous n’avons rien de virtuel, nous sommes bien réels, nous tirons profit uniquement des nouveaux moyens de communication pour faire passer nos messages et occuper le terrain pour ne pas laisser nos adversaires passer leurs contre-vérités.

ICG : ce nationalisme algérien est-il vraiment enraciné dans la société algérienne ou il s'agit plutôt d'un phénomène virtuel, qui a peu de resonance dans la vie réelle?

Belgacem Merbah : 

Je pense avoir déjà répondu à votre question.

ICG : ce mouvement est-il capable d'influencer l'opinion publique algérienne et même les responsables algériens?

Belgacem Merbah : 

Algerian Patriots ne reçoit aucun financement de l’état algérien, nous sommes complètement libres et indépendants. Je ne sais pas si ce qu’on fait influence directement les politiques en Algérie. En revanche, ce dont je suis sûr, c’est que notre action entre en résonance avec le peuple algérien : depuis que nous avons commencé, nos vidéos ont fait plus de 20 millions de vues sur toutes les plateformes (Youtube, Facebook et Twitter).

ICG : quelles sont ses orientations générales en politique étrangère, par exemple vis-à-vis les États-Unis, la Russie, la France, les Emirats etc.?

Belgacem Merbah : 

L’Algérie est un pays qui fait partie de l’organisation des pays non-alignés. Contrairement à ce qu’on peut lire dans les médias étrangers, notamment français, l’Algérie n’est pas un pays vassal de la Russie. Notre pays est indépendant et libre de ses décisions, nous avons des relations excellentes avec nos amis russes et également de bonnes relations avec les Américains qui sont très présents dans le secteur des hydrocarbures en Algérie et ce depuis la nationalisation des hydrocarbures.

La relation avec la France est compliquée, à cause du dossier de la mémoire et l’omniprésence de certains lobbys hostiles à l’Algérie en France (pieds noirs et cercles proches d’Israël) mais surtout à cause de certaines orientations de politiques étrangères françaises qui sont en opposition avec nos intérêts vitaux (exemple : soutien de la France au Maroc sur le dossier du Sahara occidental).

Les émirats étant un état vassal, je ne pense pas que l’Algérie ait des problèmes avec les émirats mais plutôt avec les donneurs d’ordre des émirats, d’où la posture mesurée des autorités algériennes vis-à-vis des émiraties.

ICG : en ce qui concerne les relations avec le Maroc, peut-on affirmer que ce mouvement prône une approche plus offensive envers ce voisin?

Belgacem Merbah : 

Nous sommes complètement alignés sur les positions de notre diplomatie. Nous sommes très satisfaits de la rupture des relations diplomatiques avec le Maroc et nous soutiendrons toutes les actions futures de notre diplomatie.

ICG : comment, selon vous, ce mouvement pourrait influencer la diplomatie régionale ou, du moins, l'opinion publique dans ces deux pays?

Belgacem Merbah : 

Encore une fois, vous ne posez pas le problème dans les bons termes : au Maroc, il n’y a pas de liberté d’expression ou d’association, la personne du roi est sacrée et personne ne peut apporter une contradiction à la politique décidée par le roi qui est d’ailleurs le réel chef d’état (cf. le dernier rapport d’Human Right Watch). Le premier ministre au Maroc ainsi que tous les ministères n’ont qu’un rôle de figurants, tout se décide au niveau du cabinet royal. Donc, les mouvements moorish et autres caricatures présentes sur Internet ne sont que des exécutants de la politique royale. Il est donc totalement exclu pour nous qui sommes un mouvement citoyen libre, de mettre nos mains dans les mains d’officines criminelles des services de renseignements marocains qui torturent avec les pires des manières les opposants politiques marocains.

Nous souhaitons l’essor de la démocratie algérienne, qui n’est pas parfaite mais qui progresse. Notre but est de continuer d’éveiller les consciences, afin de renforcer le patriotisme et le civisme des Algériens pour solidifier notre front intérieur et être immunisés contre les guerres de 4ème génération que notre pays subit depuis des années.

Pour finir, on ne souhaite pas d’avenir commun avec le Maroc de Mohamed VI ! Tant que le peuple marocain ne se soulève pas contre le régime Alaouite qui est un régime moyenâgeux et prédateur des richesses du peuple marocain, aucune réconciliation ne peut être envisager avec le Maroc, car les Alaouite depuis 1666 ont toujours étaient les ennemis du peuple algérien.